EGALITE - Dans une tribune au "Monde", samedi 13 juin, la porte-parole du gouvernement a plaidé pour rouvrir le débat sur les statistiques ethniques, dans un contexte de large dénonciation des inégalités. Une requête battue en brèche par certains de ses collègues... et Emmanuel Macron.
Faut-il autoriser ou non les statistiques ethniques en France ? Dans une tribune publiée dans Le Monde en date du 13 juin, la porte-parole du gouvernement Sibeth Ndiaye s'est dite favorable à rouvrir "de manière apaisée et constructive le débat autour des statistiques ethniques" et ainsi "revenir avec force aux outils de lutte contre les discriminations raciales".
"Osons débattre de sujets hier encore discutés, aujourd'hui devenus tabous"
"Osons débattre publiquement de certains sujets hier encore discutés, aujourd'hui devenus tabous, sans sombrer dans les habituels procès d'intention", poursuit encore Sibeth Ndiaye, dont la tribune fait écho aux récentes accusations de racisme et de violence à l'encontre des forces de l'ordre.
Depuis 1978 et la loi informatique et liberté, la loi contrôle strictement le recensement et la conservation des informations sur les origines raciales ou ethniques de la population française. Une disposition légale qui repose sur l'idéal universaliste à la base de la Constitution française, qui veut que la République soit indivisible, laïque, démocratique et sociale. Et qui avait été prise, dans le douloureux souvenir de la France de Vichy, afin que chaque Français soit jugé selon ses mérites et non en fonction de sa religion, sa race supposée ou sa couleur de peau.
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A la lumière des dénonciation des violences policières, prolongées par un questionnement sur l'inégalité des chances selon qu'on soit blanc, noir, asiatique ou arabe, la question de ce comptage revient régulièrement sur le devant de la scène. Défendue par certains afin de mesurer l'étendue de ces discriminations, l'utilisation des statistiques ethniques, juge Sibeth Ndiaye, pourrait être un "outil" au service de l'idéal égalitaire. "Nous avons fait de l'universalisme le fondement de nos lois, mais, à ne pas pouvoir mesurer et regarder la réalité telle qu'elle est, nous laissons prospérer les fantasmes", poursuit la porte-parole, qui révèle au détour de cette tribune avoir fait "l'expérience du racisme ordinaire".
Macron, Darmanin et Le Maire en désaccord
Le débat que souhaitait rouvrir la porte-parole du gouvernement aura fait long feu. Dès le lendemain, ses deux collègues, les ministres Bruno Le Maire et Gérald Darmanin, n'ont pas fait mystères des défaveurs que leur attirait cet instrument. Là où Sibeth Ndiaye y voyait un moyen de lutter contre une "forme de racisme impensé" et de "réconcilier deux rives de notre société", Bruno Le Maire y a au contraire vu le risque d'"abîmer un des biens les plus précieux qui rassemble la nation française, cet universalisme républicain". Son acolyte de Bercy Gérald Darmanin, lui, s'est dit "plutôt favorable à la proposition de Julien Denormandie (ministre de la Ville et du Logement), qui évoquait des statistiques par géographie".
Les souhaits de Sibeth Ndiaye auront fini d'être enterrés par le président lui-même. Celui qui, la veille, condamnait les "séparatistes" en visant sans les nommer certains manifestants dénonçant les violences et le racisme dans la police,a indiqué lundi à ses conseillers qu'il ne souhaitait "pas ouvrir à ce stade" le débat sur les statistiques ethniques. Les conseillers d'Emmanuel Macron ont ainsi précisé qu'il était "favorable à des actions concrètes en matière de lutte contre les discriminations, davantage qu'à un nouveau débat sur un sujet qui aura du mal à se traduire par des résultats rapides et visibles".