Déchéance de nationalité : qui dit quoi à gauche et à droite ?

Publié le 6 janvier 2016 à 21h01
Déchéance de nationalité : qui dit quoi à gauche et à droite ?

50 NUANCES DE DÉCHÉANCE - Après les attentats du 13 novembre, François Hollande a annoncé un grand chantier constitutionnel pour étendre la déchéance de nationalité aux binationaux impliqués dans des actes terroristes. La mesure a brouillé les clivages politiques, rendant illisibles les positions de chacun. Metronews fait le point.

Ce devait être la mesure symbolique de l'après-attentats du 13 novembre. L'extension de la déchéance de nationalité pour les binationaux ayant porté "une atteinte grave à la Nation", promise par François Hollande, n'en finit pas de faire éclater les clivages politiques. Très contestée à gauche, cette composante de la réforme constitutionnelle, qui doit être débattue à partir du 3 février, pose également de sérieux cas de conscience à droite. Nous avons tenté de résumer les principales positions.

► Pour la déchéance de nationalité des terroristes binationaux
La position défendue par François Hollande au Congrès du 16 novembre consiste à déchoir de leur nationalité des binationaux, qu'ils l'aient acquise ( ce que prévoit déjà la loi ) ou qu'ils soient nés Français (ce qui serait inscrit dans la Constitution). Cette position est défendue, à gauche, par Manuel Valls, Ségolène Royal ou encore l'écologiste (!) François de Rugy. A droite, elle est soutenue par les centristes François Bayrou (Modem) et Jean-Christophe Lagarde (UDI), ainsi que par le sarkozyste Brice Hortefeux (LR). Elle sera également votée par les députés FN, à ceci près que le parti d'extrême droite préconise la suppression pure et simple de la double nationalité. Petite variante : Rachida Dati (LR), qui propose que cette extension de la déchéance ne soit pas inscrite dans la Constitution, mais simplement dans la loi

► Pour la déchéance de nationalité applicable à tous les Français
A droite comme à gauche, de nombreux responsables politiques déplorent que les seuls binationaux – 5% des Français – soient visés par la mesure, ce qui conduirait à créer des Français "de seconde zone". D'où leur idée : étendre la déchéance à tous les Français. Une solution soutenue notamment par le patron du PS, Jean-Christophe Cambadélis, qui estimait début décembre que la mesure visant les binationaux n'était "pas une idée de gauche". Ce compromis ne déplaît pas non plus à Bruno Le Roux, le président du groupe socialiste à l'Assemblée, confronté à l'hostilité d'une partie de ses troupes. A droite, la déchéance étendue à tous les Français est approuvée par Nathalie Kosciusko-Morizet et Xavier Bertrand (LR).

Problème : l'hypothèse tient difficilement. La France a signé une convention de l'Onu de 1961 interdisant à un Etat de priver de nationalité un citoyen si cela devait le rendre apatride . Signé mais pas ratifié, comme l'explique le juriste Serge Slama , ce qui n'interdit pas totalement la création d'apatride.

Le Premier ministre, lui, en a rajouté une couche mercredi soir. Au cours d'une interview accordée à BFM, Manuel Valls a refusé mercredi l'idée d'étendre la déchéance de nationalité à tous les Français. "Il y a une condition qui doit être très claire : la France ne peut pas créer des apatrides, c'est-à-dire des personnes sans nationalité". "Cela n'est pas possible. Cela ne serait pas conforme à l'image, ni aux valeurs, ni surtout aux engagements internationaux de la France."

EN SAVOIR +
>> Déchéance de nationalité : tous les Français pourraient être concernés >> Déchéance de nationalité : l'argumentaire envoyé aux députés PS

► Pour en finir avec cette proposition
A gauche, mais aussi à droite, certains responsables politiques plaident pour qu'on oublie cette promesse de François Hollande. Alain Juppé estime ainsi que la mesure serait "d'une efficacité faible, voire nulle" sur les terroristes, tout en affirmant, de façon assez paradoxale, qu'il la voterait s'il était parlementaire. A gauche, certains responsables sont entrés en guerre. Sur France Inter, ce mardi, la maire de Paris Anne Hidalgo s'est dite "en rage" contre ce projet "inutile", affirmant qu'une "peine d'indignité nationale" aurait suffi. 

De même, le député PS Pascal Cherki appelle à la fin du "concours Lépine sur la déchéance". Unanimes, Front de gauche et Europe Ecologie-Les Verts se montrent également hostiles. Chez les écologistes, on dénonce des "manœuvres politiciennes sans rapport aucun avec l’intérêt du pays mais qui l’engagent sur une pente toujours plus dangereuse". Pour être adoptée, la réforme constitutionnelle requiert, rappelons-le, la majorité des trois cinquièmes des suffrages exprimés au Congrès.


Vincent MICHELON

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