Des listes "citoyennes" plutôt que LR, PS ou LaRem : partout en France, les étiquettes politiques n'ont pas la cote

Publié le 16 janvier 2020 à 17h17

Source : La Matinale LCI Week-end

ELECTIONS - Absence d'étiquette, refus d'investiture, "appels" ou "plateformes citoyennes" : pour les élections municipales, nombreux sont les candidats qui évitent soigneusement d'afficher leurs proximités politiques. En 2020, plus que jamais, le message est au "rassemblement" et à la participation citoyenne.

Se revendiquer d'un parti lors d'une élection municipale appartient-il désormais au passé ? Si la tendance s'est déjà observée maintes fois lors des scrutins précédents, les échéances de 2020 semblent consacrer le refus de bon nombre de candidats d'être réduits à des étiquettes partisanes, quand bien même ils appartiennent encore à ces partis. 

Dans un contexte de rejet global des partis politiques et d'appels à la participation citoyenne depuis la crise des Gilets jaunes, les prétendants au fauteuil de maire ont opté pour plusieurs stratégies visant à élargir leur base, quitte à faire oublier parfois d'où ils viennent : refus d'étiquette, absence d'investiture par le mouvement, ou encore "plateforme" visant à rassembler bien au-delà des sympathisants habituels. 

A Paris, une "plateforme" et un "appel"

C'est particulièrement le cas de certains maires sortants, à l'instar d'Anne Hidalgo. A la tête d'une majorité composite depuis six ans, associant élus PS, PCF et écologistes, la maire socialiste a d'ores et déjà renouvelé son accord politique avec les communistes pour 2020. Plus d'un an avant l'annonce officielle de sa candidature, le 11 janvier dernier, une "plateforme citoyenne" baptisée "Paris en commun" a été créée afin de préparer sa campagne et aller chercher des soutiens au-delà de la sphère militante socialiste. 

Si "Paris en commun" comprend de nombreuses têtes de liste issues du PS, et d'ailleurs investies en bonne et due forme, fin 2019, par le PS, elle a permis d'inclure dans ces listes de nouvelles figures issues de la "société civile", à l'instar du patron du Samu social, Eric Pliez, de la journaliste Audrey Pulvar ou encore de la présidente de la FCPE Paris Isabelle Rocca. La plateforme, désormais rebaptisée "Anne Hidalgo 2020", a également été utilisée pour relayer les premières propositions des soutiens de la maire sortante pour la capitale. 

Toujours à Paris, la candidate LFI Danielle Simonnet a également créé un cadre dépassant les contours stricts de la formation créée par Jean-Luc Mélenchon. "Décidons Paris" se présente sous la forme d'un "appel" qui s'adresse aux "militants associatifs, collectifs d'habitants, syndicalistes, coopératives qui portent autant de radicalités concrètes dans nos quartiers". Inspiré du mouvement des Gilets jaunes, ce collectif revendique un programme "élaboré collectivement" grâce à la participation de citoyens engagés. Les contours plus flous de cet "appel" ont permis d'élargir également le vivier des candidats au-delà du microcosme politique. "Décidons Paris est une liste citoyenne. Si c'était La France insoumise, je n'y serai pas allé", a ainsi justifié l'ex-footballeur Vikash Dhorasoo, qui conduit la liste dans le 18e arrondissement de Paris. 

"Collectif de personnes"

Paris n'a pas l'apanage de ce genre de pratiques. Candidat investi par LaRem à Bordeaux, une ville où la situation est particulièrement tendue, Thomas Cazenave a lancé le mouvement "Renouveau Bordeaux 2020", une plateforme qui se présente comme "un collectif de personnes convaincues que porter un nouveau regard sur notre ville offre de nouvelles ambitions". Si le candidat signale son appartenance politique sur son profil Twitter, le mouvement qui le soutient ne mentionne pas, en revanche, d'affiliation à LaRem. 

Idem à Lyon, où Gérard Collomb, candidat à sa réélection à la tête de la métropole, a soigneusement évité toute mention de LaRem, un mouvement qu'il a pourtant accompagné à sa naissance. L'ancien ministre de l'Intérieur conduit la campagne avec un "mouvement" baptisé "Prendre un temps d'avance", dont la mission est de "réunir tous ceux qui, élus d'horizons divers, acteurs de la société civile ou simples citoyens, souhaitent dépasser les clivages traditionnels". Dès son retour à Lyon, à l'automne 2018, il avait expliqué sur LCI qu'à Lyon, "on ne s'est jamais présenté sous une étiquette partisane". "Dans mon équipe municipale, vous avez des gens qui sont proches du PCF, jusqu'à des gens qui sont Modem, centristes, voire à un moment donné qui ont pu voter à droite. Ça n'a pas de sens de rassembler simplement sur un parti."

Une stratégie d'ailleurs validée implicitement par le mouvement présidentiel. Un "guide" diffusé fin 2019 par l'état-major LaRem invitait ainsi les candidats présents dans des villes peu favorables à la majorité à se faire discrets sur le logo, privilégiant des listes de "rassemblement" ou d'ouverture à la société civile. 

L'étiquette mise au rebut ?

"On voit fleurir des listes 'majorité municipale' le moins politisées possibles" en raison de "la mauvaise image des partis en général", observait ainsi récemment le président de l'institut Elabe, Bernard Sananès, auprès des Echos. Un phénomène qui touche les grands partis de gouvernement - LaRem, PS, LR - et, dans une moindre mesure, des mouvements d'opposition comme LFI, EELV ou le RN, qui hésitent moins miser sur leur étiquette pour faire campagne. 

Une tendance qui peut aboutir, parfois, à faire explicitement du refus de l'étiquette un argument de campagne. Mis en cause pour avoir reçu une "investiture LaRem honteuse", le maire sortant d'Angoulême, Xavier Bonnefont (ex-LR) a ainsi tenu à préciser qu'il n'avait pas été investi mais simplement soutenu par la majorité présidentielle, et d'ailleurs "sans avoir rien demandé". De la même manière, des maires LR sortants, à Vichy et Cusset (Allier), ont refusé expressément l'investiture de leur parti, comme le rapporte La Montagne

A Rouen, enfin, les principaux concurrents à l'élection municipale ont tous liquidé l'étiquette partisane pour se lancer dans la bataille. Soutenu par LaRem, LR et le Modem, l'entrepreneur Jean-Louis Louvel claironne pourtant : "Je ne suis, je ne serai le candidat d'aucun parti". Il mise sur une liste "Rouen autrement" qui promet "le rassemblement le plus large, loin des clivages politiques". Face à lui, le candidat de gauche Nicolas Mayer-Rossignol, ancien président PS de la région Haute-Normandie, revendique également une candidature "libre" derrière son collectif "Soyons fiers de Rouen", alors qu'il est pourtant soutenu par le PS et qu'il a été adoubé par le maire sortant, Yvon Robert. 


Vincent MICHELON

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