N'y a-t-il vraiment aucun écart de salaire entre femmes et hommes "à fonctions et compétences égales" ?

Publié le 9 novembre 2021 à 18h44, mis à jour le 3 mars 2023 à 12h07
Eric Zemmour, en septembre 2019.
Eric Zemmour, en septembre 2019. - Source : Sameer Al-DOUMY / AFP

ÉGALITÉ - Éric Zemmour a nié ce dimanche l'existence d'un écart salarial entre femmes et hommes, arguant que celui-ci disparaissait à "métiers, compétences et travaux égaux". Nous avons passé son affirmation au crible.

Il a répondu à la question les yeux levés vers le ciel. Interrogé ce dimanche sur BFMTV au sujet de l'écart salarial entre les hommes et les femmes, Éric Zemmour a accusé les chiffres présentés pour illustrer cette disparité d'être "complètement loufoques". Car pour le polémiste, cette différence s'explique simplement par les métiers privilégiés par les unes et les autres. 

"Beaucoup de femmes sont dans des métiers moins bien payés, mais c'est elles qui les choisissent", a argué celui à qui l'on prête des ambitions présidentielles. Autrement, il n'y aurait aucune différence. "Ceux qui avancent qu'à métier égal les femmes sont à 18% moins bien payées, c'est faux, c'est tout", a-t-il asséné, assurant avoir "des chiffres" qui le prouvent. Qu'en est-il réellement ? 

Un écart qui se réduit

Les chiffres qu'on retrouve çà et là sur les écarts de rémunération sont issus de l'Insee. Dans son dernier rapport sur le sujet publié en juin 2020, l'institut chargé de la statistique et des études économiques écrit que les femmes perçoivent "en moyenne une rémunération inférieure de 28,5 % à celle des hommes". Seulement, près de la moitié  de cet écart "résulte des inégalités de temps de travail", résume l'Insee, les femmes représentant 80% des travailleurs à temps partiel. Celles-ci travaillent moins et gagnent donc moins. 

Un phénomène qui fait partie du problème de l'écart des salaires, étant donné qu'il peut parfois être "subi". Selon la Dares, qui s'occupe des études et des statistiques pour le ministère du Travail, 31% des salariées à temps partiel déclaraient en 2013 l'être faute d'avoir trouvé un travail à temps complet.

Par ailleurs, il y a aussi une corrélation entre structure familiale et utilisation du temps partiel chez les femmes. Chez elles, la propension au temps partiel augmente "avec le nombre d'enfants à charge, et ce, d'autant plus qu'ils sont jeunes", notait l'Insee en juillet 2020 dans ses travaux sur la question. Un facteur qui, à l'inverse, n'a que "peu d'influence sur le travail à temps partiel masculin".

ÉDITO - Egalité salariale : encore un effort !Source : La Matinale LCI Week-end

Cet indicateur n'est donc pas complètement isolé du problème de l'écart salarial, mais on peut faire le choix de ne pas le prendre en compte. Ce qui donne, en "équivalent temps plein", un écart salarial de 16,8% entre les femmes et leurs collègues salariés du secteur privé. Attention, "l'équivalent temps plein" est une valeur théorique. Elle est calculée par l'Insee à partir d'un contrat à temps partiel auquel on a rajouté un salaire au prorata de leur volume de travail effectif. 

Ce deuxième chiffre est principalement (68%) lié à "la ségrégation professionnelle" pour reprendre les termes de l'institut des statistiques. C'est-à-dire qu'hommes et femmes n'occupent pas les mêmes postes. Et les premières se retrouvent dans des emplois moins bien rémunérés. Dans les vingt professions les plus courantes pour les femmes, on retrouve le secrétariat et la comptabilité, quand les hommes sont plutôt routiers, ingénieurs en informatique ou livreurs. 

"Les professions liées à la santé et à l'action sociale représentent une part substantielle de l'emploi féminin", tandis que les hommes sont "davantage concentrés dans les professions liées à la construction, au transport et à l'entreposage", souligne l'Insee. Un phénomène, là encore, qui résulte de certaines différences de traitement à l'égard de chaque sexe. L'institut statistique relève ainsi comment "l'orientation scolaire, différenciée selon le sexe, peut avoir des effets à long terme sur les emplois occupés et in fine sur les inégalités salariales".

Mais ces deux indicateurs ne satisfont pas Éric Zemmour. En arguant que les deux premiers sont simplement la conséquence des choix de vie des Françaises, le polémiste préfère uniquement parler du "temps de travail égal et à poste équivalent". En isolant les deux principaux facteurs qui influencent la différence de rémunération - soit le niveau et le temps de travail -, l'écart de salaire moyen pour un même poste se réduit alors à 5,3% dans le secteur privé en 2017. Un chiffre bien moins élevé que ceux cités tout au long de cette démonstration, mais qui reste conséquent.

Celui-ci "résulte pour partie de discriminations", indiquait en mars dernier l'Observatoire des inégalités, mais aussi potentiellement "d'autres facteurs non mesurés" et qui restent à définir. Ceci dit, c'est ce chiffre qui s'approche "au plus près" d'une juste mesure de la discrimination salariale en raison du sexe. Celle la même qu'Éric Zemmour continue de nier. 

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Felicia SIDERIS

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