Eric Coquerel : "Le gouvernement peut encore répondre aux revendications des Gilets jaunes"

Propos recueillis par Michel Veron
Publié le 29 novembre 2018 à 17h23
Eric Coquerel : "Le gouvernement peut encore répondre aux revendications des Gilets jaunes"

JACQUERIE – Pour le député de la France insoumise de Seine-Saint-Denis, le gouvernement serait bien inspiré de répondre aux revendications des Gilets jaunes, s’il ne veut pas voir sa légitimité plus remise en cause qu'elle ne l'est déjà.

Si Marine Le Pen a jugé qu'il n'y avait pas "d'autres moyens démocratiques que le retour aux urnes" pour mettre fin à la crise des Gilets jaunes, du côté de la France insoumise, on n'en est pas encore à envisager cette option. Mais la question pourrait se poser, si la majorité refuse de prendre en compte les revendications des Gilets, le député Eric Coquerel estime que cette question sera bientôt posée.

LCI.fr : Comprenez-vous l’attitude d’Emmanuel Macron qui, pour l’instant, assure vouloir maintenir le cap des réformes ?

Eric Coquerel, député de la France insoumise : La comprendre non, mais je vois bien quelle est sa stratégie. C’est celle qu’il a utilisé au moment de la loi Travail ou lors de la réforme de la SNCF, qui consiste à dire que "ça va passer". C’est ça, sa logique. Depuis son élection, Emmanuel Macron dit : "avec moi, ça passe à chaque fois". Et pour l’instant, les faits lui donnent raison. 

Mais il n’est pas Jupiter, contrairement à ce qu’il pense. Si vous avez un pays entier face à vous, soit vous êtes obligé de céder, soit c’est une révolution. Moi je pense qu’il se trompe profondément car ce mouvement est d’une autre nature. Il est beaucoup plus large et n’a pas de limite. Emmanuel Macron serait bien inspiré de le comprendre. 

Donc la stratégie du pourrissement est vouée à l’échec selon vous ?

Oui totalement ! On n’est pas dans le cadre d’un mouvement social classique où un gouvernement cherche à gagner du temps en attendant de faire voter une loi contestée à l’Assemblée nationale. Là, par son caractère diffus et auto-organisé, le gouvernement est en face d’une immense jacquerie anti-injustice fiscale. Dans l’histoire, vous avez rarement eu des mouvements qui s’opposent à un budget. Mais quand cela a été le cas, c’est allé très loin, notamment sous l’ancien Régime. Le gouvernement ne peut pas compter sur le pourrissement ; d’autant que ce mouvement puise son énergie dans le soutien populaire massif qu’il rencontre.

La classe politique doit respecter l’auto-organisation et l’expression de ce mouvement
Eric Coquerel

Que doit faire le gouvernement pour répondre à cette colère ?

Moi je lui suggère de profiter de l’examen du projet de loi de finances à l’Assemblée pour recevoir des délégations de Gilets jaunes et s’inspirer de leurs revendications pour ensuite proposer un budget rectificatif. C’est une proposition qui est raisonnable mais je crains que cela ne soit pas la voie que prenne ce gouvernement. Au lieu de s’entêter, il devrait les écouter car sinon il peut voir sa légitimité être remise en question. Et si c’est le cas, on ne sait pas jusqu’où ça peut aller. On peut tout imaginer : changement de gouvernement, dissolution, etc.

Comme Marine Le Pen, pensez-vous que la seule solution pour sortir de cette crise soit une dissolution de l’Assemblée ?

L’intensité de ce qui est en train de se passer dans le pays peut à un moment déboucher sur ce genre de revendication. Pour nous la France insoumise, ce serait souhaitable. Mais je pense tout d’abord que la classe politique doit respecter l’auto-organisation et l’expression de ce mouvement. Que disent les Gilets jaunes ? Ils portent la contestation d’une hausse de taxe sur les carburants mais aussi le refus de l’injustice fiscale, notamment à travers la question du rétablissement de l’ISF. 

Je le répète, on examine jusqu’au 20 décembre le budget à l’Assemblée et il est encore possible, comme ce fut le cas l’an dernier, de faire un budget rectificatif qui réponde aux revendications des Gilets jaunes. L’Assemblée nationale peut être le lieu de ce débat. Mais après le 20 décembre, s’il n’entend rien et qu’il continue à opposer une fin de non-recevoir, les questions de dissolution voire de démission seront sur la table.


Propos recueillis par Michel Veron

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