"J'ai été radié des listes électorales sans le savoir" : ces électeurs qui n'ont pas pu voter aux européennes

Felicia Sidéris, Cédric Stanghellini et Mathilde Roche
Publié le 27 mai 2019 à 6h28, mis à jour le 28 mai 2019 à 8h11
"J'ai été radié des listes électorales sans le savoir" : ces électeurs qui n'ont pas pu voter aux européennes
Source : JODY AMIET / AFP

EUROPÉENNES 2019 - Les témoignages d'électeurs radiés des listes électorales sans avoir été prévenus ont afflué tout au long de ce dimanche. Pour certains, un passage de plusieurs heures par un tribunal d'instance leur a finalement permis de pouvoir voter. D'autres, découragés, ont laissé tomber.

Les témoignages s’enchaînent et se ressemblent. Via Twitter, ou directement en nous contactant par mail, des électeurs sont nombreux à expliquer que ce dimanche, une mauvaise surprise les attendait dans leur bureau de vote. Alors qu’ils voulaient donner de la voix dans ces élections européennes, ils ont appris ce dimanche qu’ils n’étaient plus inscrits sur les listes.

Des dizaines de témoignages d'électeurs radiés

"La mairie de mon ancienne commune m'a radié des listes sans me prévenir", écrit un internaute, quand un autre explique avoir voté pendant 17 ans dans la commune où il vit toujours, avant d’être retiré des listes sans explications. Le problème viendrait de la mise en place d'un nouveau fichier national par l'INSEE en janvier 2019, comme nous vous l'expliquions dans cet article. Et si de telles mésaventures étaient attendues, nombreux sont ceux qui n’ont pas été prévenus. Dès 9h, ces citoyens ne pouvant exercer leur droit de vote ont déploré cette situation.

Des dizaines d'autres témoignages que nous avons reçus sur notre adresse de contact alaloupe@tf1.fr se font eux aussi l'écho de ce dysfonctionnement. Un couple habitant à Chaville (Hauts-de-Seine) a été surpris de se voir refuser le droit de mettre un bulletin dans l'urne. "Les personnes bénévoles dans le bureau de vote nous ont expliqué qu'ils ne nous trouvaient pas sur les listes. Elles étaient démunies",  indique Pierre auprès de LCI. Pourtant lui et sa compagne sont installés depuis 2016 dans la commune de Chaville et dès leur arrivée, ils s’étaient déclarés auprès de leur mairie. C’est donc dans ce bureau de vote qu’ils avaient pu s'exprimer, il y a à peine deux ans, lors de la présidentielle.

Un cas de figure similaire à celui de Yohann. Vivant à Coye-la-Forêt (Oise), il n'en est pas à sa première infortune : déjà radié par erreur en 2015, il nous dit avoir pu ensuite se rendre aux urnes normalement. Ne recevant pas de carte d'électeur pour les Européennes, il a rapidement contacté son maire, qui lui a assuré qu'il n'y aurait aucun problème. Pourtant ce matin, surprise, il n’est plus inscrit. De quoi le démoraliser pour de bon : "Je ne voterai plus puisque l'Etat ne veut plus de ma voix. J'en ai assez de me démener pour avoir accès à mes droits."

Entre "périple électoral" et découragement

Pour contester les injustices de ce Répertoire électoral unique (REU), il faut se rendre au Tribunal d’instance. Toujours sur Twitter, des internautes racontent alors leur périple entre les différentes administrations,  à naviguer entre bureau de vote, mairie et tribunal d'instance pendant plusieurs heures avant de pouvoir enfin glisser leur bulletin dans l'urne. Mais d'autres n'ont pas cette chance. Kenza, étudiante de 22 ans habitant à Isle d'Abeau (Isère), est la seule personne de sa famille à n'avoir pas pu voter dans leur bureau de vote. Elle ne peut pas utiliser la solution de recours, puisque sa mairie était fermée. Or pour déposer une requête auprès du tribunal d'instance, il lui faut un document du maire attestant de la raison de sa radiation des listes. "La mairie n'était ouverte que le matin pour donner les déclarations, il n'y a pas de permanence, ils ne répondent pas au téléphone", témoigne-t-elle, découragée. Par ailleurs, personne ne lui a indiqué quel était le tribunal d'instance auquel elle devait se rendre. Selon nos informations, la permanence pour l'Isère serait à Grenoble, à 70 kilomètres de la commune de Kenza. "Je ne pourrais pas m'y rendre, c'est impossible", nous assure-t-elle.

Au tribunal d'instance de Paris : greffiers débordés et citoyens excédés

Au Tribunal d'instance de Paris des Batignolles, nous nous sommes entretenus avec le personnel, débordé, et les citoyens dans l'attente. En fin d'après-midi, le vigile était toujours surpris par l’affluence : il a plus de 200 noms sur sa liste d'émargement. Les personnes se présentant pour problème d'inscription sur la liste électorale de suivre devaient suivre trois étapes dans le tribunal. D'abord, montrer ses pièces justificatives pour déposer un recours dans un premier guichet. Puis se présenter devant un juge en audience seul dans son bureau. Enfin, attendre d'être convoqué en salle d'audience par groupe de 5 personnes en salle d'audience, où les greffiers remettent la décision du juge.

Entre chaque étape, de longues attentes dans le couloir mettent à mal la patience des électeurs. Justificatifs à la main, de factures EDF, de box internet. Il y a des mères de famille avec bébés, des gens qui accompagnent les personnes âgées. A 17h30, la décision venait seulement d'être rendue pour les personnes arrivées entre 13 et 14 heures. Une quarantaine de personnes attendaient encore d'être appelées en salle d'audience. D'après les témoignages recueillis sur place, toutes les décisions rendues ont été positives : ils sont enfin inscrits sur les listes et ont donc pu voter. Mais encore faut-il qu'ils aient le temps de retourner dans leur bureau de vote de leur arrondissement, parfois à l'autre bout de Paris.

En se basant sur les différents témoignages, plusieurs centaines de personnes seraient donc confrontées à leur radiation surprise des listes électorales en France. Devant l'ampleur du phénomène,  la mairie de Toulouse a d'ailleurs annoncé avoir saisi le ministère de l'intérieur, selon une information de La Dépêche. Contacté par LCI aux alentours de 17h, le ministère de l’Intérieur a pourtant assuré qu’il n’y avait "pas de remontée de dysfonctionnement". La Place Beauvau expliquait qu’avec "environ 300 saisines de tribunaux d'instance", c’est-à-dire un "niveau habituel de réclamation", il n’y avait pas de "bug massif". 

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Felicia Sidéris, Cédric Stanghellini et Mathilde Roche

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