Fermeture de Fessenheim : retour sur le plus grand serpent de mer politique des années 2010

Publié le 21 février 2020 à 22h28, mis à jour le 21 février 2020 à 22h36

Source : JT 20h WE

SEMPITERNEL - Le réacteur numéro 1 de la centrale nucléaire de Fessenheim doit être définitivement arrêté samedi 22 février. Un événement qui, s'il signe le début du démantèlement, représente aussi la fin d'un débat long de plusieurs années. Retour sur ce serpent de mer de la vie politique française.

Le 22 février sonnera la fin de la première unité de Fessenheim. Une fermeture qui arrive près d’une décennie après la promesse de François Hollande de sceller le sort de la doyenne des centrales nucléaires françaises, voulue par le général de Gaulle pour assurer l'indépendance énergétique du pays. Entre les promesses irréalisées et irréalisables et les contestations de syndicats et d’élus locaux, tout ça avec le souvenir de Fukushima en toile de fond, LCI revient sur ce feuilleton politique.  

Les reproches ont, en soi, toujours existé. Mise en service en 1977, la centrale alsacienne inquiète alors aussi bien la France que l'Allemagne voisine et la Suisse, dont la frontière se trouve à une quarantaine de kilomètres seulement. Les responsables doivent à l'époque répondre aux mécontentements et aux craintes des anti-nucléaires des trois pays. D'innombrables manifestations d'opposants ont lieu, à travers les années, allant parfois jusqu'aux grèves de la faim. 

Dès 2012, Hollande entend sceller son sort

Mais ce n'est réellement qu'en 2011 que les critiques se font de plus en plus fortes. Outre la dangerosité de l'atome, c'est la situation géographique de la centrale - en contrebas du grand canal d'Alsace et dans une région à la sismicité avérée - qui est pointée du doigt. Et pour cause, la catastrophe de Fukushima, au Japon, au mois de mars de cette même année, est ancrée dans les esprits. 

Le sujet finit par arriver dans les hautes sphères politiques. À tel point qu'il devient l'enjeu principal de la négociation entre les Verts et le Parti Socialiste lors de la présidentielle de 2012. Afin de souder une alliance électorale, les écolos demandent l'arrêt "immédiat de Fessenheim" et la "fermeture progressive de 24 réacteurs". L'accord est scellé, et François Hollande - alors candidat - en fait une mesure phare de sa campagne. "Dans l'immédiat, je propose la fermeture de Fessenheim parce que c'est la plus ancienne de nos centrales, mais aussi pour des raisons de sûreté puisqu'elle est située sur une zone sismique", assurait-il à l'époque

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Sauf qu'une fois au pouvoir, le chef d'État socialiste et son gouvernement socialiste reviennent sur leurs pas. Notamment face à la gronde des élus locaux et des ouvriers de la doyenne des centrales. Des centaines de salariés d'EDF ont fait savoir leur mécontentement tout au long des discussions. Dès lors, les responsables politiques choisissent de couper la poire en deux. 

En 2015, première date avancée par l'ex-président de la République pour un arrêt de la centrale, Ségolène Royal annonce une nouvelle échéance. Lors d'une visite à Strasbourg, l'ancienne ministre de l'Environnement conditionne le calendrier de Fessenheim à celui de l'EPR de Flammanville. De quoi gagner du temps : les travaux du nouveau réacteur du site manchois ont au moins six ans de retard. 

Réalisant que la fermeture de la centrale ne sera pas décidée avant la fin du quinquennat Hollande, le gouvernement décide alors de sceller son sort autrement. Si le président ne fait pas fermer la centrale, il respecte néanmoins l'un de ses 60 engagements présidentiels, qui promettait de réduire de 75% à 50% la part du nucléaire dans la production hexagonale d'électricité d'ici à 2025. 

Une initiative inscrite en août 2015 dans la loi de transition énergétique pour la croissance verte. Comme le rappelle la Société française de l'énergie nucléaire dans sa revue, cette loi prévoit notamment un plafonnement de la puissance nucléaire. "En conséquence, et pour respecter ce plafond légal, une capacité de production nucléaire devra fermer avec l'arrivée de l'EPR de Flamanville."

La "patate chaude" finalement renvoyée à Macron

Les responsables de l'époque comprennent qu'il reviendra au successeur du socialiste de signer l'arrêt de Fessenheim. À la veille de l'élection présidentielle de 2017, un décret est publié dans le Journal Officiel. Il "abroge l'autorisation d'exploiter la centrale nucléaire de Fessenheim dont EDF est titulaire". Problème : les autorités ne disposent pas du consentement de l'exploitant - à savoir EDF - pour décréter d'une telle décision...

L'ultime rebondissement aura lieu le 6 avril 2017. Lors d'une délibération, le Conseil d'administration d'EDF vote cette fermeture "de façon irréversible et inéluctable". Le feu vert est donné. C'est donc finalement à Emmanuel Macron que revient la lourde tâche d'annoncer l'arrêt définitif. Pour éviter de fâcher les différentes parties, est décidée la mise en place un "comité de pilotage" en janvier 2018. Voulu par le secrétaire d'État Sébastien Lecornu, celui-ci aura pour rôle de préparer la reconversion de la centrale et de lancer les négociations. Restera ensuite à sa successeure, Emmanuelle Wargon, de préciser quand aura lieu l'événement. Ce qu'elle fera au mois de septembre 2019 : les deux réacteurs nucléaires devront fermer en février et juin 2020. Deux dates officiellement entérinées ce mercredi à l'issue de près d'une décennie d'atermoiements. Fin du suspense. 


La rédaction de TF1info

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