"Fermez le ban" : Jean Castex tente de clore une polémique entre Darmanin et Dupond-Moretti sur "l'ensauvagement"

Publié le 1 septembre 2020 à 16h21, mis à jour le 1 septembre 2020 à 17h57

Source : TF1 Info

DÉSACCORD - Gérald Darmanin a qualifié "d'ensauvagement" les violences urbaines qui touchent le pays ces derniers mois. Un terme prisé par la droite, et désapprouvé par le garde des Sceaux, Eric Dupond-Moretti. Le couac dans l'exécutif a nécessité une intervention du Premier ministre.

Une première ligne de fracture dans le gouvernement Castex ? Le débat sur l'insécurité a suscité un désaccord entre le ministre de l'Intérieur Gérald Darmanin et le garde des Sceaux Eric Dupond-Moretti, autour de l'utilisation du terme "ensauvagement", particulièrement prisé à droite et à l'extrême droite pour décrire une montée présumée des violences dans le pays. Le sujet est d'autant plus sensible que l'exécutif est la cible désormais quotidienne des attaques de l'opposition de droite et du RN sur le respect de l'autorité et l'insécurité. 

"Il faut stopper l'ensauvagement d'une certaine partie de la société", avait déclaré Gérald Darmanin dans une interview au Figaro, le 24 juillet, alors qu'il était interrogé à propos des violences urbaines récentes qualifiées "d'incivilités" par Emmanuel Macron. "Nous assistons à une crise de l’autorité (...) Il faut réaffirmer l’autorité de l’État, et ne rien laisser passer", avait également expliqué le ministre de l'Intérieur. "Ma vision est celle des Français de bon sens : les policiers et les gendarmes nous protègent, et ils courent derrière les voyous. Le rôle du ministère de l’Intérieur, c’est de protéger ceux qui nous protègent, et de les aider à courir derrière les voyous ." 

Gérald Darmanin a usé à plusieurs reprises du terme "ensauvagement", notamment après les événements à Grenoble relatif aux trafics de drogue. 

Un mot qui développe "le sentiment d'insécurité"

La réutilisation de ce terme particulièrement prisé de la droite et de l'extrême droite pour décrire les évolutions sociales actuelles n'a pas fait que des heureux au sein de l'exécutif. Le garde des Sceaux Eric Dupond-Moretti l'a fait savoir mardi sur Europe 1. 

"L'ensauvagement, c'est un mot qui développe le sentiment d'insécurité", a réagi l'avocat devenu ministre. Or "pire que l'insécurité, il y a le sentiment d'insécurité" qui est "de l'ordre du fantasme" et est nourri par "les difficultés économiques" et "certains médias". Les propos du ministre de la Justice s'inscrivait dans une dénonciation plus globale de la "surenchère populiste" dans l'opposition qui a, selon lui, fait suite au drame de Nantes où une adolescente a été violée et tuée par un récidiviste. 

La veille, une autre ministre, Marlène Schiappa, avait indiqué que l'utilisation par Gérald Darmanin de ce terme ne la "dérangeait pas". "C'est le rôle du ministre de l'Intérieur d'avoir des mots forts", avait-elle tranché. 

Vendredi dernier, devant la presse, Emmanuel Macron était revenu sur la  notion "d'ensauvagement", préférant parler de "banalisation de la violence". "Ce qu'ils voulaient dire", a déclaré le chef de l'Etat à propos de Gérald Darmanin et de Marlène Schiappa, "c'est qu'il y a quelque chose qui se fragilise en profondeur, dans le rapport à la civilité". 

Éteindre l'incendie

L'extrême droite s'est rapidement jetée dans la brèche ouverte au sein même du gouvernement, le RN dénonçant simultanément un laxisme présumé d'Eric Dupond-Moretti et une inaction du ministre de l'Intérieur. "Les tweets de M. Darmanin cachent mal une réalité : une politique laxiste, déconnectée et méprisante envers les Français", a notamment dénoncé Marine Le Pen, tout en ironisant sur les propos d'Eric Dupond-Moretti au sujet du "sentiment d'insécurité". 

"Est-ce le terme d'ensauvagement qui entretient le sentiment d'insécurité ou bien est-ce des racailles qui traînent une jeune fille sur 800 mètres ?" a également réagi l'eurodéputé RN Nicolas Bay. 

De quoi faire réagir le Premier ministre assez rapidement, pour tenter de mettre un coup d'arrêt à la polémique. "Vous parlez d’un sujet grave qui est l’insécurité. La question, ce n’est pas les mots qu’on emploie, mais les actions que l’on met en place pour faire face", a jugé mardi Jean Castex. "Donc fermez le ban, il n’y a aucune polémique. Le vrai sujet c’est de nous mobiliser face à la montée des violences."

"J’ai constaté des actes de sauvagerie", s'est à nouveau justifié Gérald Darmanin mardi après-midi, affirmant "respecter l’opinion d’Eric Dupond-Moretti". "On peut être en désaccord sur les mots, mais en accord sur les actions communes", a-t-il assuré. "Si les mots peuvent choquer, ce sont les situation qui sont extrêmement choquantes."

Le désaccord, même s'il s'avère passager, aura toutefois fait apparaître une première polarisation nette au sein du gouvernement, à charge pour Jean Castex d'arbitrer pour assurer la cohérence de son exécutif. 


Vincent MICHELON

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