Génération identitaire, un groupuscule d'extrême droite habitué aux coups d'éclat

FS avec AFP
Publié le 3 mars 2021 à 12h49

Source : JT 20h WE

GÉNÉALOGIE - Gérald Darmanin a officialisé la dissolution de Génération identitaire. Héritier de plusieurs mouvements d'extrême droite, le groupuscule se tient en apparence à distance du RN, mais des liens objectifs existent.

Longtemps envisagée, la dissolution de Génération identitaire est désormais actée. Conformément à ce qui était attendu, le ministre de l'Intérieur, Gérald Darmanin, a annoncé ce mercredi 3 février que le groupe d'extrême droite avait été officiellement dissous en Conseil des ministres, signant la fin de près de neuf ans d'existence.  

Peu après sa fondation, le groupuscule s'était fait connaître par l'occupation du chantier de la Grande mosquée de Poitiers. Le 20 octobre 2012, un mois après la formation officielle de Génération identitaire, quelques dizaines de ses militants avaient investi le site, se réclamant de Charles Martel, exigeant un référendum sur la construction de nouvelles mosquées. Relaxés en appel à la suite d'une erreur de procédure, leur dissolution avait été demandée par le PS et le PCF, et un temps envisagée par le gouvernement de Jean-Marc Ayrault. 

Ce premier coup d'éclat dessine assez bien les traits de cette organisation : opération médiatique mais non-violente, symbolique identitaire, rejet de l'islam (la mosquée), et de l'immigration (Charles Martel). Et insaisissable juridiquement.

L'attentat manqué du 14 juillet 2002

Lorsque Maxime Brunerie tire en direction du président Jacques Chirac, lors du défilé du 14 juillet 2002, il signe la fin du groupe d'extrême droite Unité radicale. L'action violente d'un de ses militants a permis le déclenchement rapide du processus de dissolution. Unité radicale regroupait des membres de plusieurs anciennes factions d'extrême droite, dont le GUD (Groupe Union Défense), une organisation étudiante très active dans les années 1970-80, et familière des coups de force. 

Les Identitaires, connu un temps sous le nom de Bloc identitaire, vont rassembler les militants éparpillés par cette dissolution d'Unité radicale. Génération Identitaire en sera d'abord la branche jeunesse, avant de prendre son autonomie. C'est en 2014 que la transformation s'opère, un certain nombre de cadres des Identitaires intégrant les structures du Front national, tandis que Génération Identitaire choisit de faire "du Greenpeace de droite", selon sa porte-parole Thaïs Descufon.

Référence à Sparte... ou à Hollywood ?

Renonçant à la dimension antisioniste radicale, et à la nostalgie des régimes fascistes de ses prédécesseurs, le groupuscule se recentre sur les thématiques identitaires, française, européenne et chrétienne. Le manifeste vidéo qui lance Génération identitaire en 2012 se veut une "déclaration de guerre", appelant à la formation d'une "communauté de combat". Le drapeau du mouvement est inspiré du "lambda spartiate", le symbole que les citoyens-guerriers spartiates arboraient sur leur bouclier. Une référence antique, remise au goût du jour plus récemment par le blockbuster "300" en 2007 : la résistance acharnée de 300 Spartiates face à l'immense armée perse. Le ton est donné. 

Depuis, Génération identitaire a multiplié les coups spectaculaires. Opération dans la "jungle de Calais", rassemblement devant le Bataclan, invasion des locaux de SOS Méditerranée, banderoles déployées sur le toit de la CAF de Bobigny ou lors d'une manifestation antiraciste... Mais la manifestation qui vaut désormais au mouvement de risquer la dissolution, est celle du blocage du Col du Portillon, le 19 janvier dernier, sur la route de la migration clandestine entre la France et l'Espagne. Une opération analogue avait déjà été menée dans les Alpes, près de la frontière italienne, en 2018.

Là encore, les militants se sont abstenus d'action violente. Tout réside dans la dissuasion effective qu'ils ont opéré ou non, et qui pourrait permettre de les poursuivre. Pour l'opération des Alpes, la cour d'appel de Grenoble avait finalement relaxé les militants en décembre dernier, estimant que "cette action, purement de propagande politique, à visée médiatique, n’était pas de nature à créer une confusion dans l’esprit du public avec l’exercice de la fonction des forces de l’ordre". 

Entre le premier jugement et l'appel, les accusés avaient reçu le soutien de Marion Maréchal et de plusieurs cadres du RN. Car s'il est distinct du Rassemblement national, lequel est soucieux de sa "dédiabolisation", Génération identitaire est loin d'être inutile au parti de Marine Le Pen. Celle-ci a plusieurs fois affiché son soutien aux opérations du groupe et jusqu'à un certain point, à ses thèses. Pour l'historien, Nicolas Lebourg, "Génération identitaire oscille entre école des cadres du RN et mouvement transnational d'agit-prop jouant le rôle d'avant-garde", ainsi qu'il l'explique à l'AFP. L'indépendance de Génération identitaire permet au RN d'externaliser le visage le plus radical de l'extrême droite, tout en puisant dans son réservoir à idées et dans son vivier de militants.

Le RN joue aussi de la confusion en assimilant discrètement la rhétorique du turbulent groupuscule. Ainsi le mouvement de jeunesse du FN (devenu RN en 2018) a été rebaptisé "Génération Nation", et la campagne du RN contre le Pacte européen sur la migration a été lancée sur le mot d'ordre "Save Europe", à un souffle du "Defend Europe" scandé lors des opérations de GI dans les Alpes et les Pyrénées.

Les différences les plus explicites entre le parti et le groupuscule tiennent notamment à la "remigration" : Génération identitaire appelle à renvoyer chez eux  tous les migrants, tandis que la ligne du Rassemblement national "s'en tient" à demander le départ des immigrés en situation irrégulière ou ayant commis des crimes ou délits.

Génération identitaire a retenu les leçons des mouvements auxquels elle succède, tous dissolus ou dispersés. La structure du mouvement et la nature de ses actions, jusqu'ici non violentes, lui avaient permis d'échapper aux condamnations lourdes et aux premiers projets de dissolution la visant. Une dissolution désormais actée. 


FS avec AFP

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