COUAC - Après avoir annoncé mardi 18 décembre le retrait de plusieurs mesures prises en novembre pour répondre aux Gilets jaunes, Matignon a fait machine arrière quelques heures plus tard. Le résultat, notamment, d'un rapport de force avec des députés de la majorité dans le cadre de la discussion budgétaire.
L'exécutif contraint de faire demi-tour en quelques heures. Enième conséquence des soubresauts causés par les Gilets jaunes au sommet de l'Etat, Matignon a dû opérer un revirement express, mardi soir, en annonçant le maintien des mesures prises en novembre pour répondre au mouvement populaire : l'extension du chèque énergie à 2 millions de foyers supplémentaires, le relèvement du barème kilométrique et le doublement de la prime à la conversion pour les "gros rouleurs".
L'entourage d'Edouard Philippe avait fait savoir à l'AFP, plus tôt dans la journée, que le gouvernement allait renoncer à ces mesures annoncées durant la première phase de la mobilisation des Gilets jaunes. Il en avait préalablement informé les députés, vers 14 heures. La décision aurait été formulée par le directeur de cabinet d'Edouard Philippe, ont indiqué à LCI des sources parlementaires. Pour l'exécutif, elles n'avaient plus de raison d'être depuis l'annonce du gel des taxes sur les carburants et des mesures en faveur du pouvoir d'achat, soit plus de 10 milliards de dépenses supplémentaires à financer en 2019. Matignon voyait dans le retrait de ces premières mesures un moyen d'économiser près de 130 millions d'euros.
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Colère dans la majorité
L'annonce faite par Matignon est particulièrement mal tombée pour la majorité, brouillant le message alors que les députés votaient mardi le très symbolique gel des taxes sur le carburant, annoncée le 4 décembre après la forte mobilisation des Gilets jaunes. La réaction chez certains députés LaREM a été particulièrement vive, à l'instar de Matthieu Orphelin (Maine-et-Loire), fustigeant une décision "inaudible" et "incompréhensible", ainsi que d'autres députés LaREM réputés très proches de Matignon.
Renoncer à des mesures pour accompagner la #transitionénergétique , comme la super-prime pour les gros rouleurs, est à mon sens une VRAIE ERREUR. Et inaudible et incompréhensible dans la situation actuelle. Sans parler de la forme. #PLF2019 https://t.co/crTMQGbszN — Matthieu ORPHELIN (@M_Orphelin) 18 décembre 2018
D'où la colère au sein de la majorité, qui n'a manifestement pas pris de pincettes pour le faire savoir au gouvernement. Matignon a ainsi reconnu auprès du Monde avoir été assailli de coups de fils de députés LaREM particulièrement inquiets après l'annonce faite à l'AFP. "Ces dernières semaines nous ont appris à ne surtout pas laisser s'installer d'incompréhension une fois qu'elles sont décelées", a expliqué l'entourage d'Edouard Philippe.
Plusieurs sources parlementaires ont précisé à LCI, mercredi, que certains députés de la majorité avaient menacé de provoquer un débat parlementaire sur le sujet si le gouvernement ne revenait pas sur sa décision.
L'opposition a fustigé de son côté "bricolage", "cafouillage", "cacophonie" et "amateurisme", y voyant pour certains un signe de panique au sein de l'exécutif. Le couac a valu également bon nombre de tweets sarcastiques sur la ligne du gouvernement.
Flash: Le gouvernement annule, puis rétablit, puis annule, puis rétablit, puis annule, puis rétablit, puis annule, puis rétablit, puis annule, puis rétablit, puis annule, puis rétablit, puis annule, puis rétablit, les mesures annoncées en novembre aux #GiletsJaunes . — Le Gorafi (@le_gorafi) 18 décembre 2018
Une simple "discussion"
Sur LCI, mardi soir, le secrétaire d'Etat aux Comptes publics Olivier Dussopt a tenté de minimiser l'ampleur de cette hésitation à 130 millions d'euros. "Nous avons eu une discussion avec les parlementaires de la majorité", a-t-il expliqué, estimant utile de "mettre à profit cette période de transition budgétaire" pour débattre sur ces sujets. "Il n'y a pas de panique, mais une volonté de bien faire", a-t-il ajouté, assurant que "l'essentiel est dans le résultat".
Il n'a pas expliqué pour autant où le gouvernement pensait trouver les 130 millions d'euros qu'il espérait sauver en supprimant l'extension du chèque énergie et de la prime à la conversion. Comme l'a reconnu Matignon, il faudra bien "aller les trouver ailleurs".