De Sarkozy à Macron en passant par Hollande : la "dose de proportionnelle", de la tarte à la crème à la réalité

par Antoine RONDEL
Publié le 24 avril 2019 à 17h29, mis à jour le 24 avril 2019 à 17h34

Source : Sujet JT LCI

SCRUTIN - Emmanuel Macron devrait annoncer, jeudi 25 avril, le retour de la proportionnelle aux élections législatives. Une réponse partielle à la crise de représentation qu'a soulevé le mouvement des Gilets jaunes depuis six mois. Et surtout, un retour remarqué pour cette véritable arlésienne des réformes présidentielles.

C'est une annonce qui n'en sera pas vraiment une. Jeudi 25 avril, lors de sa conférence de presse où il doit présenter les réformes qu'il a tirées du Grand débat national, Emmanuel Macron devrait officialiser le retour du mode de scrutin proportionnel aux élections législatives. Ce faisant, le président de la République pourrait faire d'une pierre, deux coups. D'une part, reprendre le fil d'une des mesures phares de la réforme constitutionnelle, tuée dans l’œuf avec l'affaire Benalla, l'été dernier. D'autre part, répondre en partie à la demande d'une meilleure représentation politique au sein de l'Assemblée nationale. 

Rien de neuf, l'introduction d'une dose de proportionnelle figurait déjà dans son programme présidentiel.

Voilà pour le chef de l'Etat l'occasion de reprendre "un combat inachevé", comme il en parlait déjà en juillet 2017 lors de son discours au Congrès de Versailles. Difficile de lui donner tort quand, avec 32% des voix au premier tour, la majorité présidentielle a obtenu plus de 53% des sièges de députés et qu'avec 11% des voix, la France insoumise en a moins de 3%. Mais sous quelle forme ? L'information attendra. Tout juste sait-on que François Bayrou, principal allié politique d'Emmanuel Macron et grand promoteur de cette mesure, milite pour que 25 à 30% des élus soient élus sous cette forme.

Le "combat" en question vient de loin. Il n'a pas été véritablement remis sur la table depuis 1986 ans. A l'époque, les élections législatives s'annoncent très mauvaises pour le Parti socialiste, au pouvoir depuis cinq ans. Face à ce qui s'annonce comme un désastre électoral, le PS ressort une mesure du programme de François Mitterrand, augmente le nombre de députés et fait passer le scrutin à la proportionnelle intégrale, via des listes par départements. Aux élections législatives, qui se déroulent sur un tour, le PS arrive près de 10 points derrière la droite, mais conserve plus de 200 députés. Jacques Chirac, de son côté, devient Premier ministre, mais n'a qu'une courte majorité absolue. La faute au Front national qui entre massivement à l'Assemblée nationale avec 35 députés.

Sarkozy, la peur de "la république des partis"

Aussitôt abrogée par la droite, la proportionnelle intégrale a été mise en veilleuse, réservée aux élections sénatoriales et européennes et, dans une autre mesure, aux régionales et aux municipales. C'est Nicolas Sarkozy qui, en 2006, ressortira le premier l'idée, alors qu'il est encore président de l'UMP : "Notre démocratie gagnerait à permettre à nos compatriotes qui votent en faveur des partis protestataires d'être représentés au Parlement", rappelle Le Monde, tout en jugeant que ce système "donne le pouvoir aux partis" et "rend difficile la constitution de majorités stables". Le quinquennat passe, et rien, de ce côté, n'est mis en œuvre. Un comité présidé par Edouard Balladur proposera bien une dose de proportionnelle à 5% mais l'idée sera enterrée. La faute à une droite qui, dans son ensemble, voit bien le risque d'être attaquée sur sa droite par le Front national.

Il faudra attendre 2012 pour que le même Nicolas Sarkozy appelle, en pleine campagne présidentielle, à "corriger à la marge" le scrutin uninominal à deux tours. Il s'agirait donc, comme en 2007, d'introduire une "dose" de proportionnelle. Comment ? En augmentant le nombre de députés et en faisant élire ce surplus d'élus à la proportionnelle, c'est-à-dire en attribuant aux partis un nombre d'élus correspondant au pourcentage de voix obtenues. La proposition ne suffira pas à faire réélire le Président mais la promesse, reste, elle d'actualité.

Hollande, la peur du Front national

A l'instar de François Mitterrand, François Hollande porte "la part de proportionnelle" dans son programme présidentiel. et dans son célèbre "Moi Président". C'est même une des raisons qui ont poussé François Bayrou à lui accorder son vote durant l'entre-deux-tours présidentiel. Là encore, rien ne se produira dans les cinq ans du mandat de François Hollande. A peine le Président imitera-t-il son prédécesseur, en ressortant du placard Lionel Jospin qui, à la tête d'une commission, lui remettra un rapport où il propose, cette fois, une dose de 10% de députés élus à la proportionnelle. 

Un rapport dont François Hollande ne fera rien, si ce n'est en repousser l'échéance au fur et à mesure de son mandat, avant de l'enterrer définitivement fin 2015. A cette époque, le Front national sort d'élections régionales assez fastes, où il a forcé le PS à se retirer en faveur de la droite dans deux régions. Conclusion présidentielle glanée par Europe 1 : s'il introduisait la proportionnelle, "ce ne serait pas les 35 députés Front national des législatives de 1986 que vous auriez, mais bien une centaine d'élus frontistes".

C'est donc au tour d'Emmanuel Macron, grand bénéficiaire de l'absence de proportionnelle aux législatives, de s'activer sur ce front. Comme François Hollande, il a obtenu l'appui de François Bayrou en lui promettant l'introduction de cette fameuse dose. Comme d'autres avant lui, son Premier ministre Edouard Philippe y est favorable, sans savoir s'il s'agira "d'une petite dose ou d'une dose totale". Et comme d'autres, Emmanuel Macron devra procéder à un redécoupage électoral pour y parvenir. Sauf que cette fois, cette loi électorale sera assortie d'une baisse du nombre de parlementaires. Et surtout, cette fois, les Gilets jaunes et le Grand débat sont passés par là. 

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Antoine RONDEL

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