En Europe, l'Irlande affiche-t-elle réellement le plus faible taux d'imposition des entreprises ?

Publié le 11 octobre 2021 à 18h14
L'Irlande est souvent pointée du doigt, mais ne pratique pas nécessairement les taux d'imposition les plus réduits en Europe pour les entreprises.
L'Irlande est souvent pointée du doigt, mais ne pratique pas nécessairement les taux d'imposition les plus réduits en Europe pour les entreprises. - Source : PAUL FAITH / AFP

HARMONISATION - Un récent accord signé par 136 pays prévoit d'imposer une taxation minimale des entreprises à 15%. Insuffisant, pour le député LFI Adrien Quatennens, qui cite en exemple l'Irlande. Pourtant, contrairement à ce qu'il assure, Dublin n'applique pas les taux les plus bas en Europe.

"Un accomplissement majeur, décisif", s'est réjoui Bruno Le Maire, évoquant l'accord signé entre 136 pays la semaine passée et qui prévoit une taxation minimale des multinationales à 15%. Désormais, le ministre français de l'Économie souhaite que ce texte se traduise en acte juridique et compte bien pour cela user de la présidence française de l'Union européenne, à compter du premier semestre 2022.

Bien moins enthousiaste, le député de la France Insoumise Adrien Quatennens a fustigé un accord dont il prévoit l'échec. "15%, c’est 10 points de moins que le taux actuel français et seulement 2,5 petits points de plus que le taux irlandais, le plus bas de toute l’Europe. Le dumping fiscal va donc largement continuer comme avant et vous le savez pertinemment", a-t-il réagi. Si les chiffres qu'il avance sont exacts, l'élu du Nord se trompe en indiquant que l'Irlande est le pays avec le taux le plus bas sur le continent. Outre les îles britanniques, des pays comme la Hongrie, Andorre ou la Bulgarie proposaient jusqu'alors des taux encore plus avantageux.

L'Irlande, pays le plus souvent pris en exemple

Il n'est pas surprenant de voir Adrien Quatennens citer l'Irlande dans sa démonstration, Dublin ayant la réputation d'accueillir sur son sol de nombreuses multinationales grâce à des taux d'imposition très attrayants. Les géants du numérique sont d'ailleurs nombreux à y avoir basé leur siège européen, que ce soit Google, Twitter, Facebook, Yahoo! ou bien encore Apple. Avec un taux d'imposition pour les entreprises fixé à 12,5%, l'accord conclu la semaine passée ne devrait en effet pas changer radicalement la donne, puisque la différence mise en avant par le représentant des Insoumis sera bien de 2,5 points. Cela n'a pas empêché l'Irlande de demander des garanties avant d'apposer sa signature, exigeant notamment que le taux prévu de 15% demeure fixe à l'avenir et ne soit pas sujet à de futures réévaluations. 

À l'échelle européenne, les données de l'OCDE permettent de constater que d'autres pays pratiquent aujourd'hui des politiques fiscales encore plus incitatives. Quand en France, les entreprises "ayant réalisé un chiffre d'affaires d'au moins 250 millions d'euros [...] bénéficient d'un taux de 28% jusqu'à 500.000 euros de bénéfices et de 31% au-delà de cette somme", la Hongrie ou la Bulgarie se trouvent notamment en dessous.

Le site Toute l'Europe, qui agrège de précieuses données, s'est appuyé sur les publications de l'OCDE pour réaliser un tableau très complet, mettant en avant les disparités sur le Vieux continent. Plutôt que d'utiliser le taux légal de l’impôt sur les bénéfices des sociétés, le site explique s'appuyer sur le taux d’imposition effectif moyen (TIEM), qui "mesure l’impôt moyen qu’une entreprise acquitte dans le cadre d’un projet d’investissement qui génère des profits économiques positifs". Il en ressort que Chypre (10,4%), le Liechtenstein (10,1%), la Hongrie (10%) ou encore la Bulgarie (9,2%) pratiquent des taux inférieurs à ceux de l'Irlande. Sans oublier Andorre (8,9%). 

Notons que tous ces pays ont signé l'accord sur un relèvement à 15%, au même titre que Jersey, l'Île de Man ou de Guernesey. Ces dépendances britanniques, dont le poids démographique s'avère infime, sont pourtant des plaques tournantes de l'économie mondiale, ne proposant tout simplement aucun impôt sur les sociétés ! Une situation amenée à évoluer à partir de 2023 si ces nouvelles dispositions sont entérinées. Il convient enfin de préciser que si la France constitue aujourd'hui le pays avec le plus haut taux d'imposition pour les entreprises en Europe (environ 10 point au-dessus de la moyenne), il est prévu que celui-ci baisse de manière notable l'an prochain. Le gouvernement défend en effet un abaissement à 25% pour 2022, censé apporter un gain de compétitivité.

Il conviendra à l'avenir d'observer la situation en Estonie. Comptant parmi les 136 signataires, le pays balte proposait jusqu'à présent une fiscalité originale : "Dans le cadre du système estonien d’impôt sur les sociétés, seuls les dividendes sont imposés, tandis que les bénéfices ne le sont pas s’ils sont réinvestis dans l’entreprise", résumait il y a quelques mois le média Euractiv. La Première ministre estonienne Kaja Kallas a justifié son choix d'engager son pays dans ces accords car cela ne "changera rien pour la plupart des opérateurs économiques estoniens et concernera uniquement les filiales de grandes multinationales".

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Thomas DESZPOT

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