Alain Bauer : "La violence est devenue l’élément régulateur de la vie"

Publié le 25 août 2020 à 12h51, mis à jour le 25 août 2020 à 13h08

Source : TF1 Info

INTERVIEW - Invité d'Elizabeth Martichoux mardi 25 août, le criminologue Alain Bauer a évoqué l'ancrage historique de la violence en France. Il a également fustigé l'absence d'une doctrine pénale globale à l'origine d'une manque de "cohérence" en la matière.

Un problème systémique en France ? Invité d'Elizabeth Martichoux ce mardi 25 août sur LCI, le criminologue Alain Bauer est revenu sur le rapport de l'Etat et des Français à la violence. Interrogé sur les heurts qui ont émaillé l'après match de PSG-Bayern Munich, le professeur au Cnam estime qu'elles sont le reflet de la "confrontation entre deux mondes : l’univers du centre et celui de la banlieue". Et de faire valoir : "Il n’y a rien de nouveau, on redécouvre un phénomène historique." 

Plus largement, Alain Bauer relève que s'est progressivement créé un "principe du rapport de force et de la violence comme relation entre l’Etat et la société". Selon lui, "l'Etat ne négocie jamais s’il n’y a pas de rapport de force". 

Le niveau de violence serait toutefois, d'après le criminologue, relativement "stable" en France malgré une perception pouvant être différente. Même si, pointe-t-il, une explosion du "taux d'homicidité" (sic) se constate. "Le nombre d’homicides, de tentatives d’homicide, de coups et violences volontaires et de règlement de compte a atteint son plus haut niveau en 2019." 

"Il vaut mieux une vitrine cassée qu’un mort"

Alain Bauer s'est aussi prononcé sur la politique pénale dans son ensemble, estimant qu'elle souffre d'un cruel manque de "cohérence" avec l'absence de communication entre policiers et magistrats. "La dernière fois que l’on a parlé de politique pénale c’était avec Alain Peyrefitte", affirme t'il. 

Des carences au plus haut niveau de l'Etat qui se retrouvent dans l'action policière. La police se retrouve ainsi "contingentée entre deux extrêmes : en faire trop - tuer/blesser des gens - ou suivre la doctrine adoptée en 1968 : 'la casse oui, les blessés et les morts non'". En d'autres termes, on accepte dans une certaine mesure les dégradations matérielles pour ménager et sauver des vies humaines. "La stratégie c’est la stratégie de 1968. Il vaut mieux une vitrine cassée qu’un mort. Elle n’a pas évolué. Les policiers ont ordre de maintenir l’ordre sans mort et sans blessé", précise Alain Bauer.

"Une violence est une violence (...) même perpétrée par un policier"
Alain Bauer sur LCI

Le chercheur a enfin évoqué le sujet des "violences policières", jugeant que "ce n’est pas l’institution, ce sont des policiers qui sont violents". "Violence policière n’est pas un gros mot. Le fait de ne pas dire le terme, c’est nier la réalité. Il faut faire avec", souligne-t-il. Offensif, il ajoute qu'"à force de ne jamais dire les choses - violences policières, guerre d’Algérie… -, on crée des blocages culturels qui nous empêchent de traiter certains problèmes". 

Interrogé, enfin, sur l'affaire Jacob Blake, cet homme noir de 29 ans grièvement blessé par la police alors qu'il se trouvait avec ses enfants, Alain Bauer estime qu'il ne s'agit pas d'une "bavure" mais bien d'une "violence policière" : "Une violence est une violence et une tentative d’homicide est une tentative d’homicide, même perpétrée par un policier." 


Maxence GEVIN

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