L'Assemblée vote la fin du "verrou de Bercy" contre les fraudeurs fiscaux : de quoi parle-t-on ?

Publié le 19 septembre 2018 à 22h21, mis à jour le 19 septembre 2018 à 22h27
L'Assemblée vote la fin du "verrou de Bercy" contre les fraudeurs fiscaux : de quoi parle-t-on ?

FRAUDE FISCALE - L'Assemblée nationale a voté mercredi à la quasi-unanimité la fin pour les plus gros fraudeurs du monopole des poursuites actuellement détenu par l'administration fiscale, le fameux "verrou de Bercy". Une "avancée décisive" et "historique", selon le gouvernement. Mais quel est donc ce dispositif ? On vous explique.

Ce mercredi, les députés ont adopté en première lecture - par 112 voix et 5 abstentions - l'article du projet de loi anti fraude fiscale qui instaure un mécanisme de transmission automatique des dossiers les plus graves au parquet des affaires. Le seuil déclenchant cette transmission est fixé à 100.000 euros. Jusqu'à maintenant, lorsqu'un agent du fisc constatait un cas de fraude, il devait en référer à sa hiérarchie avant de pouvoir saisir la justice. 

C'était alors au ministère public d'apprécier la nécessité de poursuites éventuelles et de permettre la saisie du parquet. Avec l'adoption par l'Assemblée de la fin de ce "verrou", les choses vont changer. Et tout ceci, entre autres, pour éviter un nouveau cas Cahuzac. Car en 2013, le ministre aurait dû, s'il n'avait pas démissionné, décider ou non s'il allait faire suivre son propre dossier à la justice... 

Le principe du "verrou de Bercy" (article L228 du Livre des procédures fiscales) consiste à donner à l'administration fiscale le monopole des poursuites pénales en matière fiscale. Il s'agit donc d'une dérogation importante au droit commun et au principe de séparation des pouvoirs, spécifique à la fraude fiscale, passible selon l'article 1741 du code général des impôts, outre les sanctions fiscales, d'une amende de 500.000 euros et de cinq ans d'emprisonnement. 

L'article adopté rend désormais automatique la transmission des dossiers les plus graves - sans consultation préalable de la Commission des infractions fiscales (CIF), actuellement chargée de présélectionner les dossiers. Pour les dossiers moins graves, c'est-à-dire portant sur des montants fraudés inférieurs à 100.000 euros, mais néanmoins jugés suffisamment problématiques par l'administration pour justifier une transmission au parquet, la CIF restera néanmoins consultée.

La création d'une "police fiscale"

Ce "verrou desserré" devrait permettre aux magistrats d'étendre leurs investigations à des faits nouveaux sans plainte complémentaire de l'administration. Désormais, lorsqu'une fraude fiscale sera avérée, l’administration aura l'obligation de transmettre le dossier à la justice pour d’éventuelles sanctions pénales. Gérald Darmanin, ministre des Comptes Publics a indiqué qu'une prochaine circulaire co-signée avec la garde des Sceaux prévoira notamment que "les agents des finances publiques sont déliés du secret professionnel à l'égard du procureur". 

Un changement qui pourrait, selon les estimations du ministère, conduire à un doublement des affaires transmises à la justice. Celle-ci serait alors amenée à traiter quelque 2500 cas de grandes fraudes fiscales par an, contre un petit millier de plaintes aujourd'hui, toujours selon les estimations de Bercy. Pour "mieux détecter la fraude" et "mieux la sanctionner", la loi prévoit "une police fiscale" opérationnelle au 1er juillet 2019, selon le ministre. 

Le "verrou de Bercy", mis en place dans les années 1920 et défendu par l'administration au nom de l'efficacité, est la cible depuis plusieurs années de nombreuses critiques, notamment des magistrats et des ONG, qui l'accusent de favoriser une certaine forme d'opacité.


La rédaction de TF1info

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