Les Républicains font leur rentrée en désordre de bataille à 20 mois de la présidentielle

Publié le 28 août 2020 à 16h00, mis à jour le 28 août 2020 à 16h12
Les Républicains font leur rentrée en désordre de bataille à 20 mois de la présidentielle
Source : AFP

OBJECTIF 2022 - L'état-major des Républicains exhorte ses troupes à attendre encore un an pour aborder la question du candidat de la droite à la présidentielle, afin de se consacrer à la construction d'un projet. Mais certaines ambitions s'affirment d'ores et déjà dans une forme de discrète cacophonie.

Christian Jacob, le patron des Républicains, rêvait d'une rentrée sous le signe de l'unité retrouvée. Pourtant, c'est dans une forme de dispersion que les ténors de la droite semblent aborder le retour aux affaires, alors que le gouvernement s'apprête à annoncer son plan de relance pour l'économie, sur fond de crise sanitaire qui perdure. 

Officiellement, les adhérents LR sont conviés à des journées d'été organisées les 4 et 5 septembre à Port-Marly (Yvelines). Mais de nombreux responsables du parti n'ont pas attendu cette échéance, et se rendront dès ce samedi à La Baule, pour des universités d'été bis à l'invitation du maire Franck Louvrier, à l'instar de Gérard Larcher, Rachida Dati ou encore Eric Woerth. Un événement "complémentaire", assurent les organisateurs, mais qui donne le sentiment d'un certain éparpillement. D'autant que plusieurs personnalités de la droite organisent leurs propres pots de rentrée en présence de leurs soutiens. 

François Baroin décidera à l'automne

Plus ennuyeux pour Christian Jacob, l'été a vu éclore les premières ambitions présidentielles à près de vingt mois de l'échéance, et alors que le mouvement, à peine revigoré par les élections municipales, n'a pas encore de projet alternatif à proposer face à l'actuelle majorité LaREM. Début août, le numéro 2 du parti Guillaume Peltier avait déjà appelé chacun à s'abstenir de lancer ce casting jusqu'à l'été 2021. Dans une interview au Figaro, vendredi, Christian Jacob sonne à nouveau l'alerte : "Rien ne serait pire que de griller les étapes en se focalisant cet automne sur la question de la primaire au détriment du travail de fond". 

Pressés d'avoir leur champion, certains cadres LR ne l'ont pas écouté et ont œuvré, durant l'été, à mettre la pression sur François Baroin, le président de l'Association des maires de France (AMF) afin qu'il sorte du bois. Ses partisans voient en lui le seul recours possible pour la droite face à Emmanuel Macron et Marine Le Pen. "Le temps n'est pas à la présidentielle", a répondu l'intéressé dans une interview au JDD, en juin dernier. "Quelle que soit ma décision, je clarifierai mes intentions à l'automne", a-t-il toutefois promis, prenant ainsi les devants sur le calendrier souhaité par l'état-major. Depuis, les soutiens pleuvent. "Dis-nous que tu vas te présenter... Tu es le meilleur pour nous faire gagner", lui a notamment lancé, sur LCI, Philippe Juvin, le maire de Colombes et chef des urgences à Georges-Pompidou.

L'interview politique du lundi 24 août : Philippe JuvinSource : TF1 Info

Le temps des ambitions

Si le suspense reste total sur les intentions de François Baroin, plusieurs fois pressenti lors des dernières élections, d'autres ténors ont décidé que le moment était venu d'afficher leurs ambitions, selon leur propre calendrier. "Je serai candidat à une primaire de la droite", a annoncé le 22 août le sénateur Bruno Retailleau, un proche de François Fillon incarnant l'aile conservatrice du mouvement. 

D'autres candidats potentiels de poids vont donner du grain à moudre à Christian Jacob, puisqu'ils ont officiellement quitté LR. C'est le cas du président des Hauts-de-France Xavier Bertrand, qui a annoncé le 10 août, au beau milieu de l'été, qu'il "se préparait" à l'élection présidentielle, et qu'il ferait fi de toute désignation interne à son ancien parti puisque seuls les électeurs seraient les juges de paix, lors des élections régionales prévues en 2021. Il a d'ores et déjà mis sur les rails un mouvement, La Manufacture, afin de porter sa candidature le cas échéant. 

Idem pour Valérie Pécresse. La présidente de la région Ile-de-France, qui a quitté LR pour fonder le mouvement Libres, a laissé comprendre sur RTL qu'il faudrait compter avec elle à l'avenir. "A ce stade, je n'exclus rien, je n'écarte rien", a indiqué l'ancienne ministre de Nicolas Sarkozy, tout en affirmant qu'il était trop tôt pour aborder le sujet. Valérie Pécresse a d'ailleurs répondu présente à l'invitation de Christian Jacob au week-end de rentrée de son ancien parti. 

Quant à Rachida Dati, auréolée de son score honorable aux municipales à Paris, elle a également pris soin de ne rien exclure. "Certains m'en parlent", affirme-t-elle à Ouest-France. "J'aborde cette question avec beaucoup d'humilité. La fonction présidentielle n'est pas une fonction comme les autres."

"Départage", le mot mystère

Si la direction du parti prie les ambitieux de ne pas se déclarer trop tôt, c'est aussi parce que la méthode de désignation est loin d'être réglée. La question de la primaire de la droite divise profondément les ténors du parti, refroidis par les précédentes expériences. Si Philippe Juvin jugeait, sur LCI, "indispensable d'avoir une primaire à droite au premier tour pour avoir une chance d'être qualifié", d'autres, à l'instar de Rachida Dati, estiment que "c'est une machine à perdre", génératrice "de haine et de divisions". 

Faudrait-il envisager un autre mode de désignation ? C'est ce que laisse entendre Christian Jacob auprès du Figaro, employant un terme insolite, le "départage", que l'on connaissait jusqu'ici plutôt dans le vocabulaire juridique des prud'hommes. "Je ne désespère pas d’avoir un candidat qui s’impose naturellement", indique le patron de LR. "Si ce n’est pas le cas avant l’été, alors nous devrons réfléchir collectivement à un système de départage." 

Même lexique de rentrée pour Gérard Larcher, invité vendredi de LCI. "Il faudra choisir entre des candidats, ce qui est plutôt une chance", a assuré le président du Sénat. "On a pas mal de talents." De quelle façon ? "Par un départage", a-t-il avancé, sans plus de précision. La priorité sera, estime le sénateur, d'éviter à tout prix que les candidats de droite ne finissent par s'affronter au premier tour de l'élection présidentielle. "Ne pas être présent au second tour serait catastrophique, je ne veux pas m'y résoudre. Je ferai tout ce qui est possible pour que cela n'arrive pas." Reste à trouver le mode d'emploi.


Vincent MICHELON

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