INTERVIEW - Le Sénat a adopté mardi à l'unanimité l'amendement de Laurence Rossignol qui prévoit l'inéligibilité des élus condamnés pour harcèlement sexuel. Interrogée par LCI, l'ex-ministre des Droits des femmes s'étonne que le gouvernement ait émis un avis défavorable à cet amendement. Et en profite pour tirer la sonnette d'alarme quant à la baisse annoncée du budget de son ancien ministère.
Il prévoit l'inéligibilité des élus condamnés pour harcèlement sexuel et/ou moral. Mardi, à l'occasion de l'examen des projets de loi sur la moralisation de la vie publique, un amendement de Laurence Rossignol (PS) a été adopté à l’unanimité par les sénateurs. En préambule du texte, l’ancienne ministre des Droits des femmes rappelait qu’un élu condamné pour violences volontaires ou violences sexuelles pouvait déjà être déclaré inéligible pour une durée maximale de 5 ans (délits) ou 10 ans (crimes). Ceci étant, "l'inéligibilité, lorsqu'elle sanctionne des sanctions pénales, est une peine complémentaire facultative qui n'est de fait que très peu prononcée", ajoutait-elle.
Jointe par LCI, la sénatrice de l’Oise se félicite évidemment de l’adoption de son amendement par le Sénat. "J’espère qu’il sera confirmé par l’Assemblée nationale, voire encore amélioré, ce qui est d'ailleurs la nature même du travail parlementaire de faire mieux d’une chambre à l’autre", souligne-t-elle. "L’adoption de cet amendement est une indication forte envoyée à l’Assemblée dans le débat parlementaire. Je n’imagine pas qu'elle revienne là-dessus", ajoute-t-elle.
J'ai proposé et deposé un amendement sur l'inéligibilité des élus condamnés pour harcèlement #loiconfiance @elueslocales pic.twitter.com/DsEABfEaZD — laurence rossignol (@laurossignol) 6 juillet 2017
"Je demande que les économies ne touchent pas le ministère du Droit des femmes"
L’ancienne ministre s’étonne toutefois de l’avis défavorable exprimé par la ministre de la Justice Nicole Belloubet. Selon elle, elle s’y est opposée "uniquement dans un souci de sécurité du texte et de cohérence". D’après Laurence Rossignol, le gouvernement craint que cet amendement soit trop restrictif : "Leur interrogation : ‘On vise le harcèlement sexuel et moral mais est-ce qu’on n’oublie pas autre chose ?’". Une crainte qu'elle estime injustifiée puisque "le gouvernement a la possibilité de réécrire et de sous-amender".
Satisfaite de voir son amendement adopté, la sénatrice n’a toutefois pas l’esprit tranquille. Après l’annonce de la baisse des dépenses publiques dans tous les ministères - annoncée jeudi dernier par Christophe Castaner sur notre antenne et confirmée mardi par Gérard Darmanin, le ministre des Comptes publics -, elle craint pour la survie des dispositifs d’aide aux femmes victimes de violences. "Est-ce que cette baisse va aussi concerner le ministère des Droits des femmes ?", s’interroge-t-elle.
Selon elle, le budget de ce ministère étant peu élevé, "les économies attendues seront minuscules au regard du budget global de l’Etat". A l’inverse, une telle baisse risquerait de nuire aux dispositifs d’aide aux victimes. "Cela peut détruire le tissu associatif. Je demande ainsi que les économies budgétaires ne touchent pas au budget du ministère des Droits des femmes".
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Pour mémoire, le dernier quinquennat a été émaillé de plusieurs affaires mêlant des élus. Si la plainte visant le député Denis Baupin, accusé d'agression sexuelle et de harcèlement, a été classée sans suite pour prescription, le maire de Bar-sur-Loup Richard Ribero a, lui, été condamné à huit mois de prison avec sursis pour harcèlement moral à l'encontre d'une employée de mairie. Actuellement, un membre de la majorité, le député de la REM Romain Grau, est sous le coup d'une plainte pour harcèlement moral sans son entreprise, ce qu'il nie.