Macron offre le Journal d'un Curé de campagne au pape François : à chaque président de la République son cadeau (plus ou moins de bon goût)

par Sibylle LAURENT
Publié le 26 juin 2018 à 12h44, mis à jour le 26 juin 2018 à 14h14
Macron offre le Journal d'un Curé de campagne au pape François : à chaque président de la République son cadeau (plus ou moins de bon goût)

CADEAU ! - C’est une tradition lors des visites officielles au Vatican : président de la République et pape procèdent à un échange de cadeaux. Le tout est très protocolaire, mais marque, d’une certaine manière, la personnalité du président offrant. Petit tour des cadeaux faits par les présidents de la 5e République.

En as de la communication, il n'a pas fait de faux pas. Et de toute façon, son hôte aurait sans doute l’amabilité de ne pas lui faire remarquer. N’empêche, c’est une tradition bien ancrée dans le protocole auquel a souscrit Emmanuel Macron, pour sa visite au pape François au Vatican ce mardi : l’échange de cadeaux qui suit l’entrevue avec le pape.

Le cadeau intello (mais sans prise de risque) de Macron

Emmanuel Macron a offert au pape une édition ancienne en italien du "Journal d’un curé de campagne" de Georges Bernanos. Emmanuel Macron l’a présenté au pape en faisant le service après-vente lui montrant la tranche, la couverture, feuilletant les pages... "C’est un livre que j’aime beaucoup, je vous ai mis un petit mot", dit-il. Cadeau reçu dans un grand sourire du pape. 

Le choix est réussi, sans trop de risque : cet écrivain catholique est particulièrement apprécié par le pape François. Simple, donc, mais efficace. Et personnalisé, avec ça !

Le président a reçu en échange une – imposante – fusion en bronze, d’une vingtaine de centimètres de diamètre à vue de nez. Elle représente, explique le Vatican dans un communiqué, Saint Martin, représenté à cheval et dans son armure romaine. Ce saint, connu pour avoir divisé son manteau et l’avoir donné à un pauvre. "En lui, les éléments de force comme son armure, sa puissante monture et son épée, se transforment en instrument de solidarité d’altruisme, de participation, fondement de la culture de la paix", indique le communiqué. Message subliminal ? Sans doute, parce que le pape aurait confié, en montrant la pièce à Emmanuel Macron, mélangeant italien et français : "C'est la vocation des governanti a protéger les pauvres... tutti siamo poveri..."

Le cadeau du pape François à Emmanuel Macron : une médaille de saint Martin.
Le cadeau du pape François à Emmanuel Macron : une médaille de saint Martin. - Capture écran/LCI

Le cadeau simple mais bien adapté de Hollande

Le président François Hollande a effectué sa première visite au Vatican, le 24 janvier 2014.  IL est décrit par les médias à l’époque comme particulièrement impressionné et crispé à son arrivée. Après l’entrevue, il se détend. Et offre au pape François une biographie de Saint François d’Assise, datant de 1929. Un cadeau simple, mais bien apprécié par le pape qui a pris le nom de ce saint. 

Ce que le pape a d’ailleurs relevé dans un sourire : "C’est notre patron !", raconte-t-il en recevant le présent.  Dans sa déclaration à la presse, François Hollande explique que c’est "un bel ouvrage, dont la simplicité peut répondre à celle qui rayonne aux débuts de ce pontificat." En retour, le pape lui a offert une médaille.

Au cours de son mandat, l’air de rien, François Hollande ira plusieurs fois voir le pape par la suite, en visite privée. La deuxième audience a lieu en août 2016, après les attentats de Nice et Saint-Etienne-du-Rouvray. Il voulait lui expliquer la "gratitude" du peuple français après ses "paroles très réconfortantes" après les attentats. Il a alors offert une porcelaine de Sèvres portant les armes de la République française, précise un communiqué du Vatican. De son côté, le pape François a fait cadeau d'une sculpture de bronze, oeuvre de l'artiste Daniela Fusco, qui se veut la représentation de la prophétie d'Isaïe, "Le désert deviendra jardin", selon ce communiqué. La force du symbole...

Le cadeau égocentré (ou immodeste) de Nicolas Sarkozy

Nicolas Sarkozy lui aussi a fréquenté assidument le Vatican. Mais sa première visite avait fait particulièrement parler, le président français ayant choisi pour l’accompagner l’humoriste Jean-Marie Bigard. 

En 2007, Nicolas Sarkozy a ainsi fait cadeau à Benoît XVI de trois livres. Deux romans en édition originale de Bernanos (déjà !), intitulé la Joie et l’Imposture. Le troisième livre est en fait son livre... un livre d’entretien que Nicolas Sarkozy a réalisé avec le dominicain Philippe Verdin et le philosophe Thibaud Collin, La République, les Religions, l'Espérance (Cerf). Le livre pouvait paraître adapté au président, puisqu’il y posait sa vision de la République et la religion. 

Mais les moqueurs n’ont pu s’empêcher de plaisanter ce président qui a cru bon de soumettre au pape ses illustres pensées. Mais c’est peut-être au final le cadeau qui a fait la différence, car d’après le Figaro, en remerciant pour les romans de Bernanos, Benoit XVI a répondu : "Je les ai déjà lus dans la Pléiade", lui a répondu Benoît XVI dans un parfait français. 

Le cadeau différent de Chirac

Jacques Chirac, pour sa visite fastueuse au président en janvier 1996, a peut-être estimé que niveau littérature, on avait fait le tour des auteurs chrétiens ou des livres portant sur le christianisme. Ou qu’un livre, c’était trop sérieux. Il a offert à Jean-Paul II une statue en bois de la Vierge à l’enfant datant du XVIe siècle provenant de la région de Tours.  

"Il y a aussi les certificats avec", a précisé aimablement Jacques Chirac, rapporte à l’époque le journal La Croix.  Soucieux de bien faire, en bon élève. En échange, il s’est vu offrir une mosaïque représentant la place Saint-Pierre et des médailles. 

Le cadeau historico-chiadé de Mitterrand

François Mitterrand n’est venu qu’une fois au Vatican, mais sa visite, en février 1982, est entrée dans l’histoire des présidents de la Ve république : l’audience, qui devait durer trois quart d’heure, a duré une heure et quart. Pour l’instant, c’est la plus longue de tous les présidents. 

Visiblement, le courant est bien passé, avec Jean-Paul II : un journaliste décrit dans les archives de l’Ina une rencontre "amicale, humoristique, chaleureuse, émouvante", et analyse ce rapprochement : "Ce qu’ils ont en commun sans doute, c’est une certaine conception de l’homme ou en tout cas une certaine interrogation sur l’homme et aussi une inquiétude en ce qui concerne le monde et l’évolution du monde."

Pas de livre, pour François Mitterrand, mais "la reproduction des sceaux apposés en 1270 par 18 cardinaux réunis en conclave au bas d’une lettre adressée à saint Louis, roi de France, souhaitant la réunion d’un second Concile à Lyon pour refaire l’union des Églises d’Orient et d’Occident", rapporte La Croix dans ses archives. De la part du pape, un livre sur la Rome chrétienne. 

Pour la petite histoire, le pape propose des médailles et des chapelets, comme il le fait avec ses visiteurs. Dans leur livre "La décennie Mitterrand", les journalistes Pierre Favier et Michel Martin-Roland rapportent que François Mitterrand n’ose pas en prendre un, mais glisse à Michel Vauzelle, ministre qui l’accompagne : "Prenez-en un pour ma sœur".

Le cadeau littéraire-guindé de Giscard d’Estaing

Valéry Giscard d'Estaing ira trois fois au Vatican. La première le 1er décembre 1975, il offre à Paul VI des épreuves de quatre ouvrages de Péguy, autre grand écrivain catholique, annotées de la main de l’auteur. Le pape lui a fait présent, de son côté, d’une peinture sur bois du XVe siècle. VGE sera également le premier président à être reçu par Jean-Paul II.

Pas de cadeau pour Pompidou

En fait, Georges Pompidou n’est jamais allé en tant que président au Vatican. C’est le contexte qui explique en partie sa volonté de ne pas rendre visite à Paul VI, dans une époque post-68, et des relations tendues entre l’Eglise, conservatrice, et la société en pleine contestation. La seule fois où il a mis les pieds à Rome est juin 1959. Il accompagne le général de Gaulle, comme Premier ministre lors de sa rencontre avec Jean XXIII.

Le cadeau biblique de De Gaulle

Question protocole et marques de respect, c’est sans doute De Gaulle qui en a le plus fait. Epoque oblige, sans doute, et ces gestes ne passeraient plus aujourd’hui. Rien ne l’y oblige, et pourtant, en rendant visite au pape en juin 1959, De Gaulle s’agenouille devant le pape, et baise son anneau. Il lui fait cadeau du manuscrit d’une bible du XIVe siècle sur parchemin. A noter qu’aujourd’hui, si les présidents offrent des cadeaux avec des allusions à la religion, ils s’orientent sur des présents et des auteurs bien laïcs.


Sibylle LAURENT

Tout
TF1 Info