Martine Aubry, NKM, Rama Yade... : "Leurs maris sont tous raides dingues d'elles"

Publié le 10 juin 2015 à 18h19

INTERVIEW - Jean-Louis Brochen, Jean-Pierre Philippe, Joseph Zimet... Ces noms ne vous disent peut-être rien, mais celui de leur compagne est loin de vous être inconnu. Dans son livre "Hommes de...", qui paraît jeudi aux éditions du Moment, la journaliste Bérengère Bonte met pour la première fois dans la lumière ces conjoints de femmes politiques et leur "drôle de statut de prince consort". Elle répond aux questions de metronews.

Comment avez-vous réussi à convaincre ces hommes si discrets de vous parler ?
Je ne voulais pas passer par leurs femmes parce que je savais que ça coincerait dans neuf cas sur dix. J'ai donc cherché à les joindre le plus directement possible. Ensuite, c'est une discussion avec chacun, très différente entre un Patrick Ollier (le mari de Michèle Alliot-Marie, lui-même ancien ministre, ndlr) plus accessible aux médias même s'il est rarement interrogé sur ce rôle-là, et des gens complètement dans l'ombre comme Jean Lebranchu (le mari ancien psychiatre de la ministre de la Fonction publique Marylise Lebranchu, ndlr), qui avait toujours refusé de donner des interviews.

Xavier Cantat, très méfiant vis-à-vis de la presse, s'est montré particulièrement prolixe et corrosif, notamment avec François Hollande qu'il qualifie de "pauvre type"...
Il était manifestement en confiance et j'ai passé plus de six heures avec lui. Il avait envie de parler, ce qu'il n'a pas pu faire durant la période où Cécile Duflot était au gouvernement, et encore moins après l'épisode de son tweet antimilitariste du 14 juillet 2013. C'est un militant, qui a de fortes convictions et supporte mal de ne pas pouvoir les exprimer. Je suis donc tombée au bon moment.

Pourquoi, selon vous, personne n'avait jamais jusqu'ici enquêté sur ces "hommes de" ?
C'est un phénomène plus nouveau qu'il n'y paraît, en tout cas dans son ampleur. La parité fait que cela devient un vrai sujet aujourd'hui, mais cela n'était pas le cas auparavant. Le schéma habituel, c'est Monsieur qui fait de la politique. On a écrit mille livres sur les épouses de politiques, les Premières dames, les femmes de footballeurs... S'intéresser aux hommes de, c'est une manière de valider la place des femmes.

Lorsqu'ils assistent à l'ascension de leur femme, beaucoup doivent mettre leur carrière entre parenthèses. Atteindre à deux les sommets, c'est impossible en politique ?
La preuve est faite que oui, c'est impossible. Regardez par exemple Jean-Marc Germain, le mari d'Anne Hidalgo. Il essaie de mener sa carrière de parlementaire parallèlement à celle de sa femme, a essayé un temps de se démarquer comme député frondeur, n'a pas été très loin de prendre un poste au gouvernement. Mais dans le couple, c'est elle qui a la lumière, et lui l'a bien compris. Après, je ne suis pas sûr qu'indépendamment d'Anne Hidalgo, il aurait eu une carrière plus fulgurante.

C'est aussi ce que vous écrivez de Patrick Ollier, qui lui est convaincu que c'est sa relation avec Michèle Alliot-Marie qui lui a fermé pendant longtemps les portes du gouvernement...
Oui. Il a une carrière loin d'être honteuse, mais je ne suis pas sûre qu'il serait parvenu à occuper les même postes que sa femme s'ils n'avaient pas été ensemble. Au départ, il y a un talent plus important d'un côté ou de l'autre. Et dans tous ces couples, ils se sont vite aperçus que c'était la femme qui avait du talent et une carrière devant elle.

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Y-a-t-il du féminisme derrière ces hommes qui restent dans l'ombre ?
Oui, il y a une forme de féminisme. Ce sont des hommes qui ont véritablement assimilé la parité. L'exemple le plus frappant est Laurent Olléon, qui quitte les cabinets ministériels pour retourner au Conseil d'Etat lorsque Fleur Pellerin prend un portefeuille important, et que cela devient ingérable pour leur vie familiale. Il y une modernité plutôt rassurante chez ces hommes, pas encore représentative de l'ensemble de la société, et en particulier de la classe politique où il y encore un bon paquet de machos.

La plupart de ces hommes gravitent eux-aussi dans les cercles du pouvoir. Lequel joue le plus le rôle de conseiller politique auprès de sa compagne ?
Laurent Olléon a clairement un rôle politique pur auprès de Fleur Pellerin. La politique, même politicienne, l'intéresse, l'amuse, beaucoup plus que sa femme, qui n'aime pas du tout cela et ne sait d'ailleurs à ce jour jamais présentée à une élection. Ils sont vraiment complémentaires, c'est un sujet qui occupe tout l'espace chez eux, bien qu'ils aient trois enfants. Même s'il s'en défend, Joseph Zimet joue lui-aussi un rôle très important auprès de Rama Yade.

Cela semble également évident pour Louis Aliot, le compagnon de Marine Le Pen...
Lui était homme politique avant d'entrer dans sa vie, et il a statutairement une place dans l'organigramme du FN, donc c'est un peu différent. Il n'y a pas deux cas similaires, c'est cela qui est intéressant.

A propos de Louis Aliot justement, il vous fait une déclaration étonnante : "Le jour où elle entre à l'Elysée, j'arrête tout"...
J'étais stupéfaite quand il a affirmé cela. Il donne le sentiment de s'être laissé embarqué dans cette vie-là et qu'elle ne l'intéresse pas. Pour lui la politique, "ce ne sont que des emmerdes", qui l'empêchent de voir ses enfants, ses amis, de faire du bateau... On a l'impression que c'est un cauchemar pour lui. Et je pense qu'il est sincère quand il le dit.

Parmi tous les couples auxquels cous vous êtes intéressée, lequel est le plus soudé ?
C'est difficile à dire car c'est un jugement très intime. Mais dans ces couples qui fonctionnent et résistent à l'épreuve du pouvoir, les hommes sont tous raides dingues de leur femmes. Il faut cela pour supporter cette vie : rester dans l'ombre, devoir la boucler, avoir ses vacances gâchées...

Vous dites que Jean-Pierre Philippe, le mari de Nathalie Kosciusko-Morizet, est l'un des rares totalement focalisé sur l'objectif de l'accession de sa femme à l'Elysée. Les autres auraient selon vous beaucoup de mal à endosser le costume de "Premier homme de France" ?
C'est pour l'instant un rôle peu flatteur puisqu'on ne connaît que celui de Première dame, qui ne l'est pas. Donc forcément, cela ne leur fait pas envie. J'ironise dans mon livre en imaginant untel ou untel s'occupant de la roseraie de Bernadette Chirac, mais j'espère justement qu'ils moderniseraient et appréhenderaient différemment ce rôle. Je rêve d'un Premier homme à l'Elysée à la Joachim Sauer, le mari d'Angela Merkel, complètement extérieur au monde du pouvoir.

C'est un rôle que pourrait par exemple tenir Jean-Louis Brochen, le discret mari de Martine Aubry...
Oui, il a une vie professionnelle et publique absolument dingue. Mais même si son parcours d'avocat engagé continue régulièrement à rattraper Martine Aubry, il ne veut rien faire qui puisse perturber les fonctions de sa femme. A l'Elysée, ce serait sans doute la même chose.

On voit dans votre livre que ne pas être du même bord politique que sa femme n'empêche pas de la soutenir et de l'aider à faire progresser ses idées, comme dans le cas des maris de NKM et Rama Yade...
C'est comme pour tous les couples lambda. Et dans la politique aujourd'hui, la frontière droite-gauche est quand même un peu plus ténue. Le mari de Rama Yade est clairement de gauche, mais elle n'a pas une structure politique très franchement partisane : ce qu'elle voulait, c'est faire de la politique avec Sarkozy. Dans ce cadre-là, il n' y a pas vraiment de problème. De plus, Rama Yade comme NKM sont des femmes qui aiment mêler les genres, brouiller les pistes en prenant à droite et à gauche pour faire un joyeux big-bang de contrastes et de contraires. C'est aussi une question d'époque et de génération.

Un dernier mot, pour finir, sur une très surprenante affirmation de Louis Aliot, qui vous dit n'avoir jamais rencontré le mari de sa "nièce" Marion Maréchal-Le Pen, Mathieu Decosse. Vous le croyez ?
C'est ce qu'il prétend et je lui ai reposé plusieurs fois la question. C'était avant le clash d'avril chez les Le Pen, et je ne sais pas si c'est vrai ou faux. Mais je ne serai pas étonnée qu'ils ne se connaissent pas plus que cela. Cela en dit long sur l'état de la famille.
 


Bérengère Bonte est journaliste à Europe 1.
Bérengère Bonte est journaliste à Europe 1. - Sipa

La rédaction de TF1info

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