Non, Emmanuel Macron ne veut pas rétablir la charia à Mayotte (ni la polygamie, ni la répudiation)

Anaïs Condomines
Publié le 31 mars 2017 à 14h53, mis à jour le 31 mars 2017 à 15h09
Non, Emmanuel Macron ne veut pas rétablir la charia à Mayotte (ni la polygamie, ni la répudiation)

MISE AU POINT - Des sites de la patriosphère affirment qu'Emmanuel Macron souhaite rétablir la charia, la polygamie et la répudiation des femmes à Mayotte. C'est quoi cette histoire ? Eléments d'explications.

Nouvelle extrapolation en vue sur les sites de la patriosphère. Voilà 48 heures environ que fleurissent sur les réseaux sociaux d’extrême droite des articles annonçant l’intention d’Emmanuel Macron d’appliquer la charia - rien qsue ça - à Mayotte. "Macron veut rétablir la charia à Mayotte : polygamie, répudiation des femmes, délit de blasphème" titre ainsi le site Résistance républicaine jeudi 30 mars. Des affirmations, reprises en boucle sur d’autres sites identitaires, qui sont bien loin de correspondre à la réalité. Nous vous l’expliquons dans le cadre du projet CrossCheck.

Tout part de cette interview diffusée sur Mayotte Première, le 22 mars dernier. Mohamadi Bacar Mcolo, présenté comme "directeur de campagne" du comité local Halo Na Macron (traduction mahoraise de "En Marche") est interrogé sur les engagements du candidat à l’égard de ce territoire d’Outre-mer. "On lui a fait certaines propositions, qu’il a prises en compte, c’est pourquoi nous le suivons" explique-t-il (à 3 minutes dans la vidéo). "Concrètement ?" lui demande le journaliste. Mohamadi Bacar Mcolo répond : "Par exemple, les cadis. On sait très bien qu’ils ont été dépouillés de leurs pouvoirs sur le plan local. Le cadi est un pilier de la cohésion sociale à Mayotte, Emmanuel Macron est d’accord pour remettre ces pouvoirs-là."

Capture d'écran Résistance républicaine

"Un rôle de cohésion sociale"

Alors, de quoi est-il question exactement ? De cadis, tout d'abord, et de leur rôle à Mayotte. Juges de paix, médiateurs, figures d'autorité morale et religieuse, les cadis fondent leur activité sur la doctrine musulmane. Depuis les années 2000 et l'Accord sur l'avenir de Mayotte, leurs pouvoirs ont été largement réduits. Nombreux sont ceux qui voudraient les voir réaffectés dans leurs fonctions sociales. Parmi eux, les soutiens d'Emmanuel Macron. 

Pour en savoir davantage, nous avons contacté Hakim Nourdine, un porte-parole d'En marche à Mayotte. Il nous explique : "L'équipe du candidat souhaitait que la société civile de Mayotte lui fasse des propositions pour l'avenir de l'île. Dedans, nous avons effectivement mentionné les cadis." Et de détailler ce qui a été soumis à l'équipe Macron au sujet du système cadial : "Nous ne voulons pas donner un pouvoir aux religieux, mais plutôt les associer à notre projet de société, solliciter leur soutien afin d'assurer la cohésion sociale de la population mahoraise. Il s'agit d'un rôle de médiateur social, de conseil et d'accompagnement de l'action publique. Cela n'a rien à voir avec la charia ou la répudiation."

"Notre honneur d'avoir obtenu l'abrogation de la polygamie et de la répudiation"

Mais Emmanuel Macron a-t-il seulement pris en compte ces propositions ? Nous avons soigneusement écouté le discours qu'il a prononcé lors de son rapide passage à Mayotte, le 26 mars dernier (vidéo en tête de papier, postée sur le site d'Emmanuel Macron). S'il s'attarde sur les thèmes de la jeunesse, de l'immigration clandestine et de l'insécurité - conformément aux pistes lancées par la société civile de Mayotte - le candidat ne prononce pas une seule fois le mot "cadi". En revanche, dans son engagement à "protéger les femmes" mahoraises, Emmanuel Macron prend bien soin de préciser : "C'est notre honneur en 2005 d'avoir obtenu l'abrogation de la polygamie et de la répudiation unilatérale. Mais il y a encore beaucoup de violences faites aux femmes." Preuve, s'il en est, que ne figure pas dans ses plans pour Mayotte l'idée de remettre ces deux pratiques au goût du jour.

Et dans tout cela, quelle est la position du candidat sur les cadis ? Contactée par LCI, son équipe de campagne dément "les fausses rumeurs" au sujet d'un retour de la charia à Mayotte. Elle précise : "Il y a des réalités locales dans certains territoires que nous ne pouvons pas nier, les cadis de Mayotte en font partie, néanmoins l'engagement d'Emmanuel Macron, c'est que les lois de la République s'appliquent à toutes et tous, que toutes les infractions aux lois de la République soient sanctionnées, et que la laïcité s'impose à tous. Il n'y a jamais eu de la part d'Emmanuel Macron, ni des membres de sa campagne, une volonté d'accréditer des prises de position allant dans le sens de ce que laisse entendre la fachosphère. Enfin, il faut rappeler que l'égalité femmes-hommes sera une cause nationale si Emmanuel Macron est élu Président de la République."


Anaïs Condomines

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