École musulmane d'Albertville : en quoi consiste l'amendement ajouté par Darmanin ?

Publié le 13 avril 2021 à 12h56, mis à jour le 13 avril 2021 à 13h57
École musulmane d'Albertville : en quoi consiste l'amendement ajouté par Darmanin ?
Source : GEOFFROY VAN DER HASSELT / AFP

DÉCRYPTAGE - Le Sénat a donné son feu vert à un amendement de dernière minute du gouvernement au projet de loi sur le séparatisme. Ce dernier permettrait au préfet de s'opposer à l'ouverture d'une école hors contrat soutenue par un État étranger "hostile" à la République.

Le gouvernement réagit. En réponse à la polémique naissante concernant la construction, à Albertville, d'une école par l'association Millî Görüş, Gérald Darmanin a ajouté lundi 12 avril un amendement au projet de loi "confortant le respect des principes de la République". Ce nouveau texte, déposé à l'initiative d'Emmanuel Macron et approuvé par le Sénat dans la soirée, vise à lutter contre les ingérences étrangères sur le sol français, via l'ouverture d'écoles hors contrat. 

En l'état actuel du droit, aucun mécanisme ne permet de bloquer la construction d’une telle école. Le seul recours se trouve donc sur le terrain administratif, ce qui est loin de représenter une garantie suffisamment efficace. "Malheureusement, nous ne pouvons pas nous opposer à l’ouverture d’une école hors contrat, alors qu’elle a manifestement le caractère d’une ingérence étrangère ou touche la souveraineté de notre pays et ses principes fondamentaux", a d'ailleurs regretté Gérald Darmanin.

Avec ce nouvel article voté, sous-amendé par le président de la commission des Lois du Sénat François-Noël Buffet (LR), le préfet pourra s'opposer à l'ouverture d'un établissement privé "pour des motifs tirés des relations internationales de la France ou de la défense de ses intérêts fondamentaux". Une issue dont s'est réjoui sur Twitter le ministre de l'Intérieur : "Cet outil législatif nouveau permettra de s'opposer à l’ouverture d’écoles comme celle d'Albertville par le Millî Görüş". 

Concrètement, "le préfet pourra soumettre à l’autorité administrative […] des notes de renseignement qui prouvent que les intérêts de la nation sont en jeu. La DGSI ou Tracfin peuvent nous démontrer qu’il s’agit d’ingérences étrangères et une volonté de séparatisme", précise Gérald Darmanin. Dans certains cas, l'État aurait donc une plus grande marge d'action pour limiter ou interdire l'ouverture d'un établissement jugé dangereux. Sont notamment visés les projets pilotés par certains pays ne cachant pas "leur hostilité à la République et ses valeurs" en vue "de promouvoir leurs intérêts et leur idéologie". 

11 établissements déjà affiliés à Millî Görüş

Si la controverse a donné un caractère urgent à cette mesure, la problématique n'est pourtant pas nouvelle. Selon Gérald Darmanin, "11 établissements", écoles maternelles et élémentaires, sont déjà affiliés à l'association Millî Görüş dans l'Hexagone, regroupant "des milliers d'enfants". Ils se trouvent à "Blois, Strasbourg, Mulhouse" ou encore "Annecy, Corbeil-Essonnes" ou "Metz". Par ailleurs, dix nouvelles structures scolaires hors contrat sont également "prévues dans l'année qui vient". 

Le nouvel amendement a été adopté par la chambre haute par 243 voix pour et 28 contre. "Dans l'embarras", le groupe PS s'est abstenu. Laurence Rossignol a notamment fustigé "une rédaction pas sérieuse" minant de bonnes "intentions". De leur côté, les groupes CRCE à majorité communiste et écologiste ont voté contre, Pierre Ouzoulias (CRCE) se disant "très triste" de sa rédaction n'évoquant par les "droits de l'enfant"

"Gênant de découvrir un amendement au dernier moment"

Au centre aussi, les réactions étaient relativement contrastées : il est "toujours un peu gênant, après deux semaines de débats, de découvrir un amendement au dernier moment. On a toujours la crainte de légiférer dans l’urgence avec plus de questions en suspens que de réponses apportées", s'est désolé Laurent Lafon, président de la commission de la culture et de l’éducation, au micro de Public Sénat. "On est frappés par l’imprécision juridique et le flou de certains termes", conclut le sénateur UDI du Val-de-Marne, dont le groupe a, malgré tout, voté en faveur de l'amendement. 

Ce texte semble en revanche donner entière satisfaction à la droite qui l'a largement approuvé. Martine Berthet, sénatrice LR de Savoie et ancienne maire d’Albertville, a "remercié le ministre d’avoir pris en compte la demande de très nombreux élus". Le président de la région Auvergne-Rhône-Alpes, Laurent Wauquiez (LR), s'est, lui, réjoui d'une "première avancée concrète". "Notre cri d'alerte a permis de faire avancer les choses", conclut-il au micro de BFMTV. 

Pour rappel, la décision du tribunal administratif de Grenoble le week-end dernier a obligé le maire d'Albertville (Savoie) à autoriser la construction d'une école primaire privée à l'initiative de la Confédération islamique Millî Görüş (CIMG), proche de la Turquie. L'instance a prononcé l'annulation du refus du permis de construire estimant que les motifs avancés par la mairie, portant notamment sur les places de stationnement, n'étaient pas recevables. Une position autorisant, dans les faits, la construction de l'école vouée à accueillir 400 élèves. 

Le Sénat doit achever lundi soir l'examen en première lecture du projet de loi "séparatisme".

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Maxence GEVIN

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