GOUVERNEMENT - Après avoir refusé d'entériner la démission de son ministre de l'Intérieur Gérard Collomb, bientôt candidat aux municipales à Lyon, Emmanuel Macron a fini par indiquer mardi 2 octobre "attendre désormais les propositions du Premier ministre", acceptant à demi-mots ce départ de nouveau réclamé quelques heures plus tôt. Le signe d'une difficulté à maîtriser le calendrier, un mois après le départ surprise de Nicolas Hulot le mois dernier.
Emmanuel Macron a dit "niet" et il a fini par accepter... Après le premier refus du chef de l'Etat annoncée la veille, Gérard Collomb a rajouté à la cacophonie ambiante en réitérant, ce mardi, sa demande de démission du gouvernement en vue des municipales à Lyon, où il souhaite se représenter. Une suggestion que le chef d'Etat a fini par entériner à demi-mots, en précisant qu'il "attendait désormais les propositions du Premier ministre" pour remplacer son ministre, quelques instants après qu'Edouard Philippe avait assuré à l'Assemblée qu'il lui proposerait "les décisions qui s'imposent" dans ce moment de flottement.
"Je maintiens ma demande", avait fait savoir le ministre de l'Intérieur auprès du Figaro, mardi 2 octobre. "Je ne veux pas que le fait que je sois candidat quelque part demain puisse troubler la marche du ministère de l'Intérieur. Il faut une clarté vis-à-vis de nos concitoyens et une clarté vis-à-vis des Lyonnais."
Lundi soir, l'Elysée avait fait savoir qu'il n'en était pas question, du moins tant qu'Emmanuel Macron ne le déciderait pas. "Face aux attaques dont le ministre fait l'objet depuis qu'il a confirmé qu'il serait candidat, le moment venu, à la mairie de Lyon, le président de la République lui a renouvelé sa confiance et lui a demandé de rester pleinement mobilisé sur sa mission pour la sécurité des Français", faisait savoir l'Elysée à LCI. Un mot d'ordre repris en boucle au sein du gouvernement et de la majorité, où l'on présentait presque la démission comme une initiative anodine. "Il a simplement voulu demander au Président s'il était toujours confirmé dans ses fonctions", minimisait la ministre de la Santé Agnès Buzyn sur Europe 1. Même élément de langage du côté de la député LaREM Aurore Bergé, pour qui "il n'y a aucune crise ouverte", mais "un processus naturel" qui a permis "de réaffirmer un principe". Autant d'éléments de langage balayés par la dernière communication de l'Elysée.
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Avis de tempête
L'insistance de Gérard Collomb à vouloir quitter le gouvernement montre que la situation est loin d'être le long fleuve tranquille décrit par la majorité. Les déclarations du ministre de l'Intérieur s'ajoute à une longue liste de péripéties qui ont progressivement abîmé sa relation avec le chef de l'Etat, dont il était l'un des premiers soutiens durant la campagne présidentielle. Un divorce largement amorcé par l'affaire Benalla - dans laquelle le ministre s'est totalement déchargé sur le cabinet de l'Elysée et la préfecture de police -, puis les propos de Gérard Collomb sur "le manque d'humilité" de l'exécutif, et pour finir ses ambitions insistantes affichées pour sa ville de Lyon alors que les municipales n'ont lieu que dans dix-huit mois.
Des dissonances qui n'ont évidemment pas échappé à l'opposition. "Ça va durer longtemps, ce sketch ?" a tancé sur Twitter la présidente du Rassemblement national Marine Le Pen.
Gérard Collomb dépose à nouveau sa démission. Ça va durer longtemps ce sketch ? Au moment où l’insécurité gangrène notre pays et où nos forces de l’ordre ont plus que jamais besoin d’une direction ! 🤡 #CirquePinder MLP — Marine Le Pen (@MLP_officiel) 2 octobre 2018
"Nous avons désormais un ministre intermittent qui consacre plus de temps à Lyon [...] Cette situation ne peut plus durer", a estimé un peu plus tôt le député LR Eric Ciotti, tandis que son homologue LFI Adrien Quatennens qualifiait le gouvernement "d'auberge espagnole" et jugeait qu'Emmanuel Macron aurait été plus avisé "d'accepter sa démission".
Garder la main
Ministre d'Etat et ministre de l'Intérieur, Gérard Collomb, dont le départ semble donc acté, est l'un des piliers du gouvernement. La crise autour de son possible départ intervient un mois seulement après le départ fracassant de Nicolas Hulot, l'ex-ministre de la Transition écologique qui s'estimait incapable de poursuivre sa tâche, puis celui de la ministre des Sports Laura Flessel. Contraint à un remaniement qu'il n'avait nullement souhaité, Emmanuel Macron n'a probablement aucun intérêt à subir un nouveau mouvement de troupes au sein de l'exécutif, d'autant qu'il cherche à ouvrir, depuis la rentrée, un nouveau chapitre de son quinquennat (plan pauvreté, réforme de l'assurance chômage, loi Pacte, bioéthique, etc.) et qu'il tente de reprendre la main alors qu'il dévisse dans l'opinion. Il n'avait aucun intérêt, non plus, à sortir du gouvernement un Gérard Collomb qui hésite de moins en moins à dire ses quatre vérités à l'exécutif.
En outre, la jurisprudence retenue par l'Elysée en prévision des élections municipales de 2020 - à savoir une démission au moment de l'entrée officielle en campagne - dépasse le seul cas de Gérard Collomb. D'autres piliers de l'exécutif pourraient prochainement afficher leurs ambitions en vue des municipales, comme Gérald Darmanin (Tourcoing), Mounir Mahjoubi, Marlène Schiappa et Benjamin Griveaux (Paris), ou encore Christophe Castaner, dont le nom a circulé pour Marseille même si le patron de LREM écarte l'hypothèse pour l'heure. Le chef de l'Etat voulait donc se donner du temps avant un remaniement global qui pourrait intervenir au plus tôt au printemps prochain. Manifestement, il n'est pas simple de rester "le maître des horloges".
En attendant, la priorité est de faire cesser la cacophonie qui règne à la tête de l'exécutif. Et qui semble irriter au plus haut point Edouard Philippe, lequel martelait encore mardi à l'Assemblée nationale que "chaque ministre qui compose ce gouvernement doit se concentrer pleinement à sa tâche". Le Premier ministre qui, lui-même, n'a"pas du tout exclu" de se représenter dans sa ville du Havre en 2020...