GIROUETTE - Lors de la première journée de son procès pour fraude fiscale lundi, Jérôme Cahuzac a usé d’une stratégie de défense un peu particulière : il a admis être coupable et reconnu l’existence d’un compte en Suisse, mais a expliqué avoir fait cela pour servir la carrière politique de Michel Rocard. Retour sur la défense de l’ancien ministre du Budget et son évolution depuis la révélation de cette affaire, en décembre 2012.
A l’ouverture de son procès pour fraude fiscale lundi, l’ancien ministre du Budget Jérôme Cahuzac a déclaré, pour la première fois, que son premier compte ouvert en Suisse en 1992 avait servi à "financer" le courant politique de Michel Rocard. Selon lui, ce compte avait été ouvert par un intermédiaire pour servir "pendant sept mois, de novembre 1992 à mai 1993" dans le but d'aider une éventuelle campagne présidentielle de Michel Rocard en 1995, sans que ce dernier ne soit au courant.
Cahuzac reconnaît donc les faits et plaide coupable, mais ne s’estime pas entièrement responsable. "Ce compte, c’est du financement d’activités politiques pour un homme dont j’espérais qu’il aurait un destin politique national." Ce mardi, beaucoup lui reprochent d’avoir mentionné le nom de Michel Rocard, exemple d’intégrité en politique, décédé au début du mois de juillet dernier.
Ces aveux, "tristes" et "dégoûtants" selon les mots du Premier ministre Manuel Valls, viennent en tout cas parachever une stratégie de défense qui n’a cessé d’évoluer depuis la révélation de "l’affaire Cahuzac" le 4 décembre 2012. Lorsque Mediapart écrit qu'il disposerait d'un compte en Suisse, Cahuzac nie immédiatement, sur son blog et dans la presse. Au sein du Parlement, lors des questions au gouvernement, il "démen(t) catégoriquement les allégations contenues sur le site Mediapart". Il continue : "Je n’ai jamais eu de compte à l‘étranger, ni maintenant, ni avant." Le ministre reçoit le soutien de l’Elysée, du Premier ministre Jean-Marc Ayrault et de ses collègues du gouvernement.
Cahuzac reconnaît via son site internet détenir 600.000 euros sur un compte à l'étranger
Le 19 mars 2013, le parquet de Paris ouvre une information judiciaire contre X pour enquêter sur des soupçons de "blanchiment de fraude fiscale" et "perception par un membre d’une profession médicale d’avantages procurés par une entreprise dont les services ou les produits sont pris en charge par la Sécurité sociale". Jérôme Cahuzac clame une nouvelle fois son innocence mais démissionne. Le 2 avril, changement de stratégie : mis en examen, il reconnaît via son site internet détenir 600.000 euros sur un compte à l’étranger. Après avoir affirmé en vain et contre tout qu’il était innocent, Cahuzac finit donc par avouer.
Avec cette démission, le gouvernement vacille, et ceux qui le soutenaient auparavant n’ont pas de mots assez durs pour qualifier ses actes et ses mensonges. Cahuzac racontera cette "solitude". "Plus une poignée de main, plus de tape sur l’épaule". Quand on lui demande pourquoi avoir continué à nier, il explique : "Je sais que si la vérité est révélée, ma vie est détruite. Quand on a beaucoup travaillé, fait beaucoup de sacrifices, on résiste. C’est assez humain, me semble-t-il." "J’ai fait du mal, j’en suis conscient (…) Après les aveux, j’ai décidé de tout prendre sur moi."
"Ce que j’ai fait ne correspondait pas à ce que la morale élémentaire m’aurait commandé de faire"
Jérôme Cahuzac
Deux semaines plus tard, il choisit de faire des excuses publiques à la télévision. "Ce que j’ai fait ne correspondait pas à ce que la morale élémentaire m’aurait commandé de faire" explique-t-il sur BFM TV. Une opération de communication qui sonne faux pour de nombreux observateurs.
Lundi, son procès a-t-il sonné la fin des mensonges ? C'est ce que lui a demandé le procureur Jean-Marc Toublanc, voulant savoir s'il avait menti au juge d'instruction ou au tribunal. "Je n'ai pas menti au tribunal" a répondu Jérôme Cahuzac. Le croira qui voudra.
VIDEO. Jérôme Cahuzac assaillit par les journalistes après ses révélations