Qui est Piotr Pavlenski, l'homme qui revendique la publication des vidéos intimes attribuées à Benjamin Griveaux ?

Publié le 14 février 2020 à 11h43, mis à jour le 14 février 2020 à 15h57

Source : TF1 Info

PORTRAIT – Militant et artiste russe réfugié en France, Piotr Pavlenski a revendiqué la publication des vidéos d'une conversation intime de Benjamin Griveaux. Un homme habitué depuis près de dix ans aux controverses et coups d'éclat. Contacté par LCI, il a justifié son geste.

Benjamin Griveaux a jeté l'éponge ce vendredi dans la course à la mairie de Paris, suite à la publication de documents portant atteinte à sa vie privée. Derrière le site "Pornopolitique" qui les a publiés se trouve un homme : Piotr Pavlenski. Dans un coup de fil à Libération, cet artiste et militant russe a revendiqué la mise en ligne de cette vidéo intime.  "Ça ne me dérange pas que les gens aient la sexualité qu’ils veulent, ils peuvent même baiser des animaux, pas de problème, mais ils doivent être honnêtes", a-t-il expliqué au quotidien. "Mais lui veut être le chef de la ville et il ment aux électeurs. Je vis désormais en France, je suis Parisien, c’est important pour moi."

Contacté par LCI, Pavlenski est allé encore plus loin : "Griveaux a été le premier, nous allons continuer. L’activité de mon site ne fait que commencer", prévient-il. "Benjamin Griveaux doit être clair. Mon objectif est de dénoncer le puritanisme en politique et l’hypocrisie des responsables. Aujourd’hui cet objectif est atteint. Pour moi, il est hypocrite. Il utilise en permanence sa famille, sa femme, ses enfants pour son image publique alors qu’il fait tout le contraire. Je pense qu’une personne qui commande doit être claire."

La mutilation comme moyen d'expression

Comment cet homme de 35 ans, né à Saint-Pétersbourg en 1984 a-t-il obtenu une telle vidéo ? Le flou persiste. "Benjamin Griveaux doit être clair. Mon objectif est de dénoncer le puritanisme en politique et l’hypocrisie des responsables. Aujourd’hui cet objectif est atteint. Pour moi, il est hypocrite. Il utilise en permanence sa famille, sa femme, ses enfants pour son image publique alors qu’il fait tout le contraire. Je pense qu’une personne qui commande doit être claire." Il est néanmoins possible de remonter les traces de ce militant qui revendique un art politique, exprimé à travers des performances publiques. 

C'est en 2012 que Piotr Pavlenski s'est fait connaître du grand public. Afin de défendre ses compatriotes russes féministes membres des Pussy Riot, il s'était alors cousu les lèvres. Une manière de dénoncer l'emprisonnement de deux militantes qui avaient défié Vladimir Poutine avec une prière punk dans une cathédrale moscovite.  

Pavlenski récidive en 2013 et recourt à nouveau à l'automutilation en clouant ses organes génitaux entre des pavés de la Place Rouge, à Moscou. Cette action, qu'il a nommée "fixation", visait selon les dires de l'artiste à proposer une "métaphore de l'apathie, de l'indifférence politique et du fatalisme de la société russe moderne". Quelques mois plus tôt, c'est dans sa ville natale de Saint-Petersbourg qu'il s'enroulait, nu, dans des fils barbelés, dénonçant des lois répressives.

Le Pétersbourgeois, coutumier des "performances" en public, a de nouveau utilisé la nudité en octobre 2014. Après avoir escaladé totalement dévêtu le mur d'un hôpital psychiatrique, il s'est coupé un morceau de l'oreille droite. "Le retour de la psychiatrie à des fins politiques donne à l’appareil policier le pouvoir de déterminer le seuil entre la raison et la folie", lance-t-il alors.

Condamné à un an de prison en France

Visé par une enquête après s'être cloué le scrotum, Piotr Pavlenski a été arrêté puis placé en détention préventive à la fin de l'année 2015. La justice russe lui reprochait alors d'avoir mis le feu aux portes de l'ancien siège du KGB. Au cours de son incarcération, il effectue un passage d'un mois dans un hôpital psychiatrique, à l'issue duquel des experts assurent que l'artiste ne souffre "d'aucune maladie psychiatrique" et l'estimant ainsi pleinement responsable de ses actes. "Les résultats des tests sont en ma faveur", avait réagi Pavlenski. 

La vie du militant est marquée par un tournant au début de l'année 2017. Accusé avec sa compagne Oksana Chaliguina de tentative de viol par une comédienne d'un théâtre indépendant moscovite, il choisit l'exit et la France. Déplorant ce qu'il qualifie de "dénonciation mensongère", il dépose une demande d'asile et se réfugie à Paris. À Marianne, il se dit "prêt à faire de la prison, mais pas à entraîner compagne et enfants dans le malheur" pour des faits qu'il certifie ne pas avoir commis et estime "fabriqués de toutes pièces". 

Sa demande d'asile obtenu, Piotr Pavlenski a poursuivi son militantisme artistique. Sa première action dans l'Hexagone se déroule en octobre 2017, lorsqu'il incendie des détritus collés à la façade d'une succursale de la Banque de France. Pourquoi l'avoir visée spécifiquement ? Car elle "a pris la place de la Bastille", justifie l'artiste dans un communiqué, "les banquiers ont pris la place des monarques". Placé en détention provisoire à Fleury-Mérogis, Pavlenski bénéficie après quasiment un an sous les verrous d'une liberté sous contrôle judiciaire. Il écope à l'issue de son procès d'un an de prison ferme mais reste libre étant donné la durée de sa précédente incarcération.

Son itinéraire mouvementé, l'activiste l'a raconté dans un livre. Intitulé "Le cas Pavlenski", il présente sa vision de "la politique comme art". Jeudi soir, après la publication de la vidéo intime impliquant Benjamin Griveaux, le trentenaire russe a justifié ses actes. "C’est quelqu’un qui s’appuie en permanence sur les valeurs familiales, qui dit qu’il veut être le maire des familles et cite toujours en exemple sa femme et ses enfants. Mais il fait tout le contraire." En signant son geste, l'artiste a une nouvelle fois revendiqué un pied de nez au(x) pouvoir(s). Il lui faudra aussi assumer les probables conséquences judiciaires d'une telle publication. 

Pour se défendre, Piotr Pavlenski pourra compter sur l'avocat Juan Branco. Ce dernier, interrogé par une journaliste du Figaro, a expliqué la démarche de son client : "Il considère que le régime en France est violent et répressif pour son peuple. Son acte est donc un acte politique. Je l'ai prévenu des risques..."

Impliqué dans une autre affaire

À la mi-journée ce vendredi, Mediapart a révélé qu'avant de faire "basculer la campagne de Paris", Piotr Pavlenski était déjà dans le viseur de la police. Lors du réveillon du 31 décembre, le Russe est soupçonné d'avoir blessé deux personnes à l'aide d'un grand couteau. Cette altercation, note le site, se serait produite "dans un appartement parisien cossu du boulevard Saint-Germain", à l'occasion d'une fête "co-organisée par Juan Branco", avocat qui assiste aujourd'hui le militant dans les suites judiciaires qui l'attendent.

"Je crois effectivement que les services de police veulent l’entendre", a confié à Mediapart Me Marie-Alix Canu-Bernard, avocate de Piotr Pavlenski dans le premier dossier. Si ce dernier reconnait son implication dans une bagarre, il nie l'usage d'une arme. Le couteau dont il a été fait mention n'aurait été brandi selon ses dires que pour dissuader des "provocateurs" de s'en prendre à lui.  

La version livrée par un témoin diffère : l'artiste aurait en effet essayé de porter des coups avec ce couteau avant qu'un invité lui "brise une bouteille de champagne sur le crâne". Malgré ce coup, Pavlenski serait parvenu à planter la lame dans la cuisse d'une personne et à en blesser une deuxième au visage. Des démêlés qui valaient au Russe d'être recherché par la police depuis début janvier pour violences volontaires avec arme.


Thomas DESZPOT

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