Recul de l'âge de la retraite : pourquoi la proposition d'Agnès Buzyn était tout sauf un dérapage

Publié le 19 mars 2019 à 18h24

Source : Sujet TF1 Info

DEBAT - La ministre de la Santé a provoqué un tollé syndical en se disant favorable à titre personnel à un report de l'âge à la retraite. "Aucune modification" n'est à l'étude, a-t-elle finalement déclaré mardi à l'Assemblée. Pour autant, la ministre avait déjà argumenté il y a quelques mois en faveur d'une incitation à travailler plus longtemps.

Un ballon d'essai sitôt lancé, sitôt retiré. Après s'être déclarée, "à titre personnel", favorable à un nouveau report de l'âge minimal de départ à la retraite - actuellement fixé à 62 ans pour 43 ans de cotisation -, dimanche lors du Grand Jury LCI-RTL-Le Figaro, Agnès Buzyn a rectifié le tir mardi à l'Assemblée nationale. Interrogée par le député PCF Pierre Dharréville, la ministre de la Santé a martelé "qu'aucune modification de l'âge de départ à la retraite n'est envisagée ni sur la table des négociations". 

Précision importante : Agnès Buzyn, soutenue par son collègue des Comptes publics Gérald Darmanin, a cependant ajouté que la réforme prévue par le gouvernement, visant à créer un "système universel de retraite" à points, doit permettre à "ceux qui le souhaitent de continuer à travailler après l'âge minimal, et être avantagés financièrement à le faire". Un projet de loi doit en principe voir le jour au printemps. 

Un argumentaire déjà utilisé en octobre

A bien y regarder, la ministre n'a pas vraiment varié dans son argumentation. En octobre 2018, alors que le patronat et les syndicats entamaient les négociations sur les retraites, elle s'était certes engagée, conformément à ce qu'Emmanuel Macron avait garanti durant sa campagne, à ce que l'âge légal du départ à la retraite reste 62 ans. Mais elle avait alors, durant un précédent Grand Jury LCI-RTL-Le Figaro le 21 octobre 2018, estimé que la question du maintien d'une retraite à taux plein à 62 ans devrait être tranché durant la négociation entre les partenaires sociaux. "Le seul engagement qui a été pris, c'est que l'âge de 62 ans restera l'âge minimal de départ. Après, tout le reste est en discussion avec les partenaires sociaux", avait-elle dit. 

Le Medef proposait notamment, sur le modèle existant pour les retraites complémentaires, de fixer à 63 ans, voire davantage, le seuil en dessous duquel un départ à la retraite s'accompagnait d'une décote automatique sur les pensions. "C'est une contribution du Medef, ça les regarde", avait évacué la ministre. Pour autant, le gouvernement planchait déjà sur le principe d'un "âge pivot", comme l'avaient alors révélé Le Monde et Les Echos. Le principe consistait à imaginer, à l'instar du Medef, une décote applicable à la pension de retraite tant que la personne n'aurait pas atteint un âge de référence, par exemple 63 ans. Un principe similaire au régime du secteur privé, Agirc-Arrco, qui prévoit un "malus" de 62 à 67 ans. Une idée que les syndicats refusent pour le régime général, y voyant une façon déguisée de repousser l'âge de départ à la retraite. 

Une variation rhétorique pour dire la même chose ? Le patronat évoquait le principe d'une décote pour ceux qui partiraient à 62 ans, tandis que le gouvernement parle, lui, d'une incitation financière pour ceux qui partiraient plus tard à la retraite. 

Nouvelle donne budgétaire

En octobre dernier, la ministre de la Santé affirmait que la réforme des retraites, destinée à être plus "juste", n'était pas motivée par des considérations financières. La tonalité a changé. Mardi matin sur LCI, Gérald Darmanin a assuré qu'il ne serait pas possible de financer les propositions qui sont sorties de la crise des Gilets jaunes et du Grand débat "sans toucher à ce qui est l'essentiel de notre dépense publique, qui est la dépense sociale, composée en très grande partie des retraites". 

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Selon les dernières estimations du Conseil d'orientation des retraites établies en juin dernier, le solde financier du système s'établirait à -0.2% du PIB en 2022. Quand bien même la branche retraite de la Sécurité sociale affichait un solde positif de 0.2 milliard d'euros en 2018, plusieurs mesures "sociales" prises récemment, dont le gel de la hausse de la CSG pour une partie des retraités et la réindexation des retraites des plus modestes prévue en 2020, font craindre au gouvernement que l'équilibre financier du système ne soit remis en cause. A cela s'ajoute que l'instauration d'une retraite par points est réputée plus favorable aux carrières longues et pourrait accélérer les départs à la retraite dès l'âge légal atteint. Autant de sujets liés à la trajectoire des dépenses publiques qui peut expliquer la sortie de la ministre, qui était tout sauf un dérapage. 


Vincent MICHELON

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