Réforme de l'assurance-chômage : pourquoi cette alliance entre syndicats et patronat face au gouvernement ?

Publié le 13 décembre 2017 à 7h01, mis à jour le 13 décembre 2017 à 7h59
Réforme de l'assurance-chômage : pourquoi cette alliance entre syndicats et patronat face au gouvernement ?
Source : BERTRAND GUAY / AFP

FRONT COMMUN - A la veille de l'ouverture des négociations sur la réforme de l'assurance-chômage, les syndicats et organisations patronales ont lancé une mise en garde commune au gouvernement. Ils s'inquiètent d'une remise en cause de leur gestion paritaire et des conditions de l'extension de l'assurance-chômage aux indépendants et aux salariés démissionnaires.

Elles sont loin de partager tous les points de vue sur l'avenir de l'assurance-chômage. Pourtant, les organisations syndicales et patronales gestionnaires de l'Unedic ont transmis mardi, à la veille de l'ouverture de la concertation avec l'Etat, un document commun en guise d'avertissement à la ministre du Travail, Muriel Pénicaud. 

Un "socle de réflexion" dans lequel syndicats et patronat revendiquent le maintien de leur gestion paritaire de l'assurance-chômage, dans laquelle l'Etat pourrait bien s'immiscer. Et préviennent qu'elles comptent être parties prenantes des négociations sur la réforme, et non simplement consultées, comme c'est le cas pour l'heure. 

Voici les principaux points de crispation qui suscitent cette union ponctuelle. 

La défense de la gestion paritaire

Les organisations défendent une tradition française héritée du général de Gaulle qui consiste à leur déléguer, depuis 1958, la gestion de l'assurance-chômage. Le régime assuranciel actuel repose sur une négociation entre les partenaires sociaux sur le taux de contribution des salariés et des employeurs, les conditions d'ouverture de droits ou encore le montant des allocations. La gestion paritaire repose sur des conventions agréées par l'Etat pour au moins deux ans, la dernière remontant à octobre 2017

Quels enjeux pour la réforme de l’assurance chômage voulue par le gouvernement ?Source : JT 20h Semaine

En défendant depuis sa campagne présidentielle une forme de nationalisation de l'Unedic, qui donnerait à l'Etat une capacité de gestion directe du régime, Emmanuel Macron pourrait donc remettre en cause le monopole des organisations syndicales et patronales. La ministre du Travail, Muriel Pénicaud, a notamment indiqué cette semaine que l'extension des indemnités aux travailleurs indépendants ne serait pas du ressort des partenaires sociaux. Le document commun diffusé mardi prône ainsi le maintien d'une gestion paritaire. Une question d'autant plus sensible que le gouvernement a décidé de compenser les baisses de cotisations salariales des travailleurs, socle de l'assurance-chômage, par une hausse de la CSG, qui relève de l'Etat. 

L'inquiétude sur le financement de la réforme

Le gouvernement n'a pas donné jusqu'ici de détail sur la façon dont il comptait financer son projet d'extension de l'assurance-chômage aux travailleurs indépendants et aux salariés démissionnaires, alors que l'endettement actuel de l'Unedic dépasse les 30 milliards d'euros. Un projet évalué à 2.7 milliards d'euros par l'Institut Montaigne, plus de 8 milliards pour d'autres sources. Seul engagement : il ne réduira pas les droits actuels des salariés. 

Pour les syndicats, il n'est pas question de faire payer aux salariés le financement de l'assurance-chômage des indépendants. "Ce serait profondément injuste, alors qu'actuellement, seule la moitié des salariés est indemnisée, estime Denis Gravouil, membre de la direction confédérale de la CGT, sollicité par LCI. Jusqu'ici, nous n'avons aucune piste de financement du côté du gouvernement." Chez FO, le secrétaire général Jean-Claude Mailly a estimé cette semaine qu'il reviendrait, dans le cas notamment des plateformes type Uber ou Deliveroo, aux employeurs d'assumer les cotisations permettant à leurs travailleurs indépendants de toucher le chômage. Ce qui, bien sûr, n'est pas le scénario privilégié par les employeurs concernés. 

Du reste, les conditions de la mise en place de cette "assurance-chômage universelle" restent floues. Le gouvernement n'a pas encore indiqué les conditions exactes dans lesquelles les salariés démissionnaires pourraient toucher l'indemnité (tous les 5, 6 ou 7 ans, et sous réserve d'un "projet" professionnel), ni à quelle hauteur les indépendants pourraient être indemnisés (Les Echos évoquaient cette semaine une indemnité forfaitaire n'excédant pas 700 à 800 euros par mois). 

Le système de sanctions contesté

Les organisations syndicales et patronales contestent, enfin, pour des raisons différentes, les projets du gouvernement visant à sanctionner les employeurs ou les demandeurs d'emploi.

Côté patronal, le Medef désapprouve la mise en place du "bonus-malus" que Muriel Pénicaud veut instaurer pour les entreprises multipliant les recours aux contrats précaires. "Ce n'est pas une bonne idée", a assuré le patron du Medef Pierre Gattaz lors d'une conférence de presse, estimant que cela devait relever de discussions au sein de la branche professionnelle. Côté syndicats, si FO se dit favorable au bonus-malus, la CGT préfère parler d'une "surcotisation sur les contrats courts". Le "socle" de propositions transmis ce mardi au gouvernement a tout simplement mis de côté ce sujet qui divise employeurs et syndicats, mais que le gouvernement veut remettre sur la table. 

Ce qui mobilise surtout les syndicats, c'est le projet du gouvernement de durcir les sanctions contre des demandeurs d'emploi qui refusent plusieurs "offres raisonnables". "Le gouvernement semble regarder ce qui se fait en Allemagne, estime Denis Gravouil (CGT). Là-bas, c'est un système forfaitaire assorti d'obligations très importantes pour les chômeurs, qui doivent accepter n'importe quel boulot, n'importe où." Pour le syndicaliste, renforcer les obligations en France n'a "aucun sens", puisque "la fraude concerne très peu de gens" et que "seules 30% des offres de travail viennent de Pôle Emploi". 

Bref, des revendications différentes, voire opposées sur certains dossiers, mais une préoccupation commune : ne pas laisser l'Etat seul à la manœuvre dans cette réforme qui doit en principe aboutir, au printemps 2018, à un projet de loi porté par le gouvernement. 


Vincent MICHELON

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