À LA LOUPE – Le député et chef de file de la France Insoumise juge exagéré de se focaliser sur les régimes spéciaux de retraites, qui ne concernent selon lui qu'une fraction des pensionnés. Sont-ils vraiment très minoritaires ?
Fervent opposant à la réforme des retraites annoncée par le gouvernement, Jean-Luc Mélenchon a expliqué sa position le 3 novembre dans l'émission Questions Politiques. Le député de la 4e circonscription des Bouches-du-Rhône a notamment été interrogé sur la question des régimes spéciaux, souvent décrits comme des "privilèges" pour les salariés qui en bénéficient.
Le leader des Insoumis a estimé qu'il s'agissait en substance d'un débat anecdotique, les régimes spéciaux ne concernant en définitive qu'une faible portion des 16,1 millions de retraités français. "C'est à peine 3% de la population des retraités qui est dans les régimes spéciaux", s'est-il exclamé, "tout le reste, 97%, est au régime général."
Une question de définition
Pour vérifier les chiffres avancés par Jean-Luc Mélenchon, encore faut-il s'accorder sur le périmètre des régimes spéciaux. Les estimations du nombre de personnes concernées varient, selon que l'on inclue ou non telle ou telle catégorie de salariés. Il y a quelques semaines, Checknews concluait que "les régimes spéciaux au sens large (avec les fonctionnaires de l’État, des collectivités locales et des hôpitaux) regroupaient […] 4,2 millions de retraités".
Si l'on s'en tient à ce chiffre, les déclarations du député insoumis paraissent très éloignées de la réalité. Et pour cause : "la fonction publique d'État et territoriale n'est généralement pas comptabilisée dans les régimes spéciaux", précise le Conseil d'orientation des retraites (COR).
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Pour analyser la part de pensionnés concernés par les régimes spéciaux, le COR explique à LCI que les calculs ne sont pas forcément évidents. La faute aux nombreux Français "polypensionnés". Kezaco ? Il s'agit de tous les salariés qui ont changé de secteur d'activité durant leur carrière, passant d'une caisse de retraite à une autre. Exemple simple : une personne ayant effectué 10 ans dans la Marine avant de changer de carrière et de trouver un job dans la restauration.
Pour observer la question de manière objective, le COR recommande de se pencher sur le nombre global de pensions versées (un peu plus de 21 millions). Il indique ainsi que l'on "retrouve à peu près le chiffre de 3% correspondant aux régimes spéciaux". Jean-Luc Mélenchon avance donc des chiffres cohérents, à condition de ne pas inclure parmi les régimes spéciaux les salariés de la fonction publique, parmi lesquels certains bénéficient d'un âge de départ à la retraite anticipé.
À la fin de sa démonstration, le leader de la France Insoumise effectue toutefois un raccourci hasardeux. Si 3% des pensions versées sont liées à un régime spécial, on ne peut pas dire que 97% des pensions se rapportent au régime général. La Direction de la recherche, des études, de l'évaluation et des statistiques (DREES), précise en effet que 83 % des retraités de droit direct perçoivent une pension de la CNAV.
Et si l'on résonne en euros ?
Si les régimes spéciaux dans leur définition la plus restrictive concernent en effet un nombre réduit de pensionnés, qu'en est-il des montant versés ? Souvent considérés comme plus avantageux, ces régimes spéciaux représentent 4,2% des sommes globales versées au titre des pensions, selon des données communiquées par la Caisse nationale d'assurance vieillesse. Cette dernière ajoute que "la part du régime général est plus faible car beaucoup d’assurés sont polypensionnés".
Lorsque l'on s'en tient uniquement aux sommes versées, et pas au nombre de pensionnés, la répartition s'effectue comme suit.
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