Renaud Muselier et Thierry Mariani, frères ennemis des régionales en Paca

V.M
Publié le 22 juin 2021 à 19h10

Source : TF1 Info

DESTINS CROISES - Le président sortant de la région Paca et son challenger du RN se livrent un combat particulièrement virulent depuis le début de la campagne. Un duel fratricide, près de 40 après leurs débuts communs dans les rangs de la droite.

Dans cette campagne, tout est permis entre eux. Le combat fratricide que se mènent Renaud Muselier (LR) et Thierry Mariani (RN), finalistes des élections régionales en Provence-Alpes-Côte d'Azur, est à la mesure de l'enjeu : le maintien de cette région dans le giron de la droite ou sa bascule symbolique dans celui de Marine Le Pen. Elle est surtout à la mesure de la proximité passée entre les deux candidats. 

Depuis le début de la campagne, les deux hommes se sont mené une lutte sans merci. D'un côté, la tête de liste RN fustige les dépenses jugées excessives, les fautes présumées de gestion et le bilan sécuritaire du président sortant, poussant ce dernier à saisir le procureur de la République pour "propagation de fausse nouvelle en période électorale". De l'autre, Renaud Muselier laisse son camp engager - hors délai - un recours contre son adversaire, arguant d'une fausse domiciliation dans le Vaucluse. Dernièrement, Renaud Muselier s'est rendu à Valréas, commune autrefois dirigée par Thierry Mariani (1989-2005), alors UMP, pour y démolir point par point le bilan de l'ancien maire, façon de souligner son incapacité présumée à gérer un exécutif. Une sortie que le candidat RN, qui assurait encore en avril qu'il n'était "pas son ennemi", n'est pas près de lui pardonner. 

Les tensions ont trouvé leur paroxysme lors du débat organisé le 16 juin sur LCI, à l'occasion duquel Renaud Muselier a accusé son rival d'avoir "baisé la babouche du grand mufti sous le portrait de Bachar al-Assad", en référence au déplacement polémique de l'ex-député LR en Syrie et rappelé que, jeune militant, Thierry Mariani n'avait de cesse d'affronter le Front national. "J'ai déjà été ministre, vous n'avez été que secrétaire d'État", rétorquait Mariani lors du même débat, donnant une idée de la rancœur désormais accumulée entre les deux hommes. 

Nourris à la même écurie du RPR

Quelques mois auront suffi pour effacer plusieurs décennies de camaraderie. "Ça ne m’arrange pas", anticipait Renaud Muselier auprès du Figaro avant le lancement de la campagne. "Humainement, ce sera compliqué. On a été fabriqué dans le même moule. C’est trente ans de vie commune. Aujourd’hui, le retrouver contre moi, ça fait un petit choc."

C'est peu dire que les deux hommes, qui n'ont que neuf mois d'écart, ont fait leurs armes côte à côte. En mars 1981, alors que Nicolas Sarkozy, président du comité de soutien des jeunes à la candidature de Jacques Chirac à la présidentielle, donne sa première interview sur TF1, c'est bien Thierry Mariani qui apparaît en arrière-plan, aux côtés, notamment, de Brice Hortefeux. Dans les années 1980, on les retrouve au sein des "jeunes du RPR" : Mariani est en charge des fédérations, Muselier est délégué des Bouches-du-Rhône. 

Dans les années 1990, ils arrivent ensemble aux responsabilités, chacun depuis son fief : Mariani dans le Vaucluse, Muselier à Marseille, dans l'ombre de Jean-Claude Gaudin. Les deux responsables gravissent les échelons de la politique locale dans cette grande région Paca qu'ils se disputent aujourd'hui. Dans les Bouches-du-Rhône, Renaud Muselier ferraille bien souvent avec la gauche. Depuis son fief de Valréas, Thierry Mariani engage le combat contre l'extrême droite, vainqueur notamment, lors des législatives de 2002, de Jacques Bompard, ancien cadre fondateur du FN. 

Leurs itinéraires s'entremêlent, sans s'affronter. Renaud Muselier, secrétaire d'État sous Jacques Chirac, tête de liste UMP en aux régionales de 2004, vise, en vain, la mairie de Marseille. Thierry Mariani, avant de devenir ministre de Nicolas Sarkozy, est dépêché en Paca par ce dernier pour conduire les listes de la droite aux régionales de 2010 et tenter, là encore en vain, de prendre la région à la gauche. Pour ces élections, Thierry Mariani a choisi un directeur de campagne de confiance : Renaud Muselier. 

Divergence idéologique

Une écurie commune, mais des influences qui n'ont cessé de les éloigner au cours des années. À Renaud Muselier, chiraquien historique, le sarkozyste Thierry Mariani oppose une ligne droitière, qu'il décline comme une arme contre son adversaire d'alors, le FN. "J'ai montré des convictions très claires depuis 1993 sur l'immigration et la sécurité", clame-t-il ainsi en 2010. "Mais, à l'inverse de Le Pen, je propose des solutions, pas des slogans." Député, il est l'auteur de plusieurs textes sur l'immigration, dont des amendements en 2007 visant à autoriser les tests ADN dans le cadre du regroupement familial et à permettre d'établir des statistiques raciales et ethniques. En juin 2010, il cofonde, avec le député des Alpes-Maritimes Lionnel Luca, la Droite populaire, un collectif défendant une ligne dure, notamment sur l'immigration et les mœurs, au sein de l'UMP. Mis en sommeil, ce collectif sera ressuscité en 2019 pour devenir un satellite du RN.

Renaud Muselier prend le chemin inverse. En 2015, il mène avec Christian Estrosi la bataille pour la région Paca. Au second tour, la droite remporte la région face au FN grâce au désistement de la gauche. Une séquence politique qui marquera durablement Christian Estrosi et ses alliés. Partisan d'un vaste rassemblement de la droite et du centre, Renaud Muselier s'inscrit, dès 2017, dans une forme d'opposition modérée à Emmanuel Macron, durcissant le ton par moments à l'égard du gouvernement, comme lors des tensions avec les autorités politiques marseillaises autour de la gestion de la crise sanitaire, tout en ménageant ostensiblement la tête de l'exécutif, dont le Premier ministre, Jean Castex, auquel il accorde "toute sa confiance". Jusqu'à ce fameux rapprochement avec la majorité présidentielle, en mai, à l'origine d'un séisme à droite à l'occasion des élections régionales. 

Deux choix politiques frontalement opposés, dont l'épilogue - sans doute provisoire - se jouera dimanche dans les urnes. 


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