Séparatisme : que contient le projet de loi débattu à partir de ce lundi à l'Assemblée ?

Publié le 1 février 2021 à 6h41

Source : TF1 Info

DÉBAT PARLEMENTAIRE - Le projet de loi "confortant le respect des principes de la République" est débattu à partir de ce lundi 1er février à l'Assemblée nationale. Un texte promis par Emmanuel Macron pour lutter contre "le séparatisme islamiste" et fortement décrié dans l'opposition.

Mesure phare du quinquennat d'Emmanuel Macron, fortement décriée dans l'opposition de gauche, le projet de loi visant à lutter contre "les séparatismes", principalement islamiste, est débattu à partir de ce lundi 1er février à l'Assemblée nationale. Enserré dans un calendrier dédié à la crise sanitaire, ce texte d'une cinquantaine d'articles devrait toutefois susciter des discussions assez vives entre la majorité qui le défend, une opposition de gauche qui y voit un dispositif ciblant les musulmans de France, et une droite considérant que les mesures s'avèrent insuffisantes pour combattre l'islamisme. 

Annoncé en octobre par Emmanuel Macron lors de son discours aux Mureaux, et présenté en conseil des ministres début décembre, le projet de loi "confortant le respect des principes de la République" prévoit un large spectre de mesures touchant à la liberté d'association, au service public, à la haine en ligne, au financement des cultes mais aussi à l'enseignement. 

Association cultuelles sous surveillance

Le texte revoit en profondeur les mécanismes de financement des associations, dans le but de prévenir d'éventuelles dérives sectaires, ou islamistes. Le projet de loi prévoit tout d'abord de conditionner toute subvention publique à une association à un "contrat d'engagement républicain". En cas de rupture de ce contrat, la subvention devrait être rendue. L'engagement figurera également dans le règlement des fédérations sportives agréées. 

En outre, les associations cultuelles, généralement fondées sur le régime de la loi de 1901, seront incitées à se constituer désormais sur celui de la loi de 1905, plus exigeant sur le plan de la transparence financière. Avec, en contrepartie, des incitations fiscales. Les associations qui resteront sous le régime de la loi de 1901 auront les mêmes contraintes, mais sans les avantages de la loi de 1905. 

Par ailleurs, les dons étrangers dépassant 10.000 euros seront soumis à un régime déclaratif de ressources, et les associations concernées devront faire l'objet d'une certification par un commissaire aux comptes. S'y ajoutent une disposition "anti-putsch" destinée à empêcher la prise de contrôle d'une mosquée par des extrémistes, ainsi qu'une "interdiction de paraître" dans les lieux de culte pouvant être prononcée par un juge. 

Enfin, le projet de loi prévoit d'élargir les motifs de dissolution d'une association en Conseil des ministres et de suspendre ses activités à titre conservatoire, pour une durée de trois mois. 

Neutralité du service public

Les agents de droit privé chargés d'une mission de service public seront soumis au principe de neutralité au même titre que les agents de droit public, alors que la jurisprudence prévalait jusqu'ici. 

Une procédure dite "de carence républicaine" permettra par ailleurs au préfet, sous le contrôle du juge administratif, de suspendre les décisions ou actions d'une collectivité qui méconnaîtrait la neutralité du service public. 

S'agissant des auteurs de menaces, ils pourront être interdits d'exercer des fonctions "au contact du public", et les délits "relatifs à la provocation et à l'apologie d'actes terroristes" seront intégrés au fichier FJIAIT, dédié aux auteurs d'infractions terroristes. 

Nouvel arsenal pénal

Parmi les dispositions de ce texte figurent également, sur le volet pénal, des mesures présentées par le garde des Sceaux Éric Dupond-Moretti comme une réponse au drame ayant endeuillé la France le 16 octobre dernier. "Je suis parti de la mort de Samuel Paty", avait indiqué en décembre le garde des Sceaux. "Nous avons regardé dans les éléments factuels que nous avions ce qui manquait au dispositif", a-t-il ajouté, rappelant que l'assassinat de l'enseignant était "parti d’une vidéo, puis de propos haineux qui sont devenus mortifères"

L'article 4 vise à punir de cinq ans d'emprisonnement et 75.000 euros d'amende toute personne menaçant, violentant ou intimidant un élu ou un agent du service public dans le but de se soustraire aux règles des services publics.

Deux nouveaux délits verront le jour pour combattre les appels à la haine, notamment sur les réseaux sociaux. Le premier visera "la mise en danger de la vie d'autrui par divulgation d'informations relatives à sa vie privée", puni de trois ans d'emprisonnement et 45.000 euros d'amende. Le second délit vise à protéger les agents publics, avec une peine relevée à cinq ans de prison et 75.000 euros d'amende lorsque la personne visée est dépositaire de l'autorité publique ou chargée d'une mission de service public. Une peine complémentaire d'interdiction du territoire national pendant dix ans sera prévue.

Le texte de loi prévoit en outre d'instaurer de nouvelles dispositions dans la procédure pénale visant à "lutter contre la haine en ligne". Il s'agira de permettre l'interpellation immédiate des auteurs et leur jugement en comparution immédiate.

Instruction obligatoire à l'école

L'une des mesures les plus controversées concerne le durcissement des règles relatives à l'école à domicile, ou "instruction en famille", qui ont conduit, aux yeux de l'exécutif, à déscolariser 4000 à 5000 enfants au profit d'un enseignement fondamentaliste. Le texte prévoit l'instruction à l'école pour tous dès l'âge de 3 ans, n'envisageant l'instruction à domicile (article 21) que dans des cas très limités, notamment pour raisons de santé, et selon un système de demande dérogatoire. Face à un risque d'inconstitutionnalité brandi par le Conseil d'État, le gouvernement a toutefois prévu d'élargir ces dérogations, sous le contrôle des rectorats. "C'est une disposition de défense des droits de l'enfant", a assuré Jean-Michel Blanquer en décembre. L'école à la maison concerne actuellement près de 62.000 enfants, un chiffre ayant augmenté de 20% depuis 2016, selon le gouvernement. 

Parmi les mesures relatives à l'éducation figure également le renforcement de l'encadrement des écoles hors contrat, avec un "régime de fermeture administrative" en cas de dérives, sous le contrôle du juge administratif. Ouvrir un établissement privé sans autorisation sera passible d'un an de prison et 15.000 euros d'amende. Ces établissements devront fournir la liste des personnes chargées d'y enseigner - leur casier judiciaire pourra être contrôlé par les autorités -, et pouvoir préciser leurs modalités de financement à tout moment. 

Certificats de virginité et polygamie formellement interdits

Enfin, le projet de loi interdira formellement aux professionnels de santé d'établir des "certificats attestant de la virginité d'une personne", un délit qui sera passible d'un an de prison et de 15.000 euros d'amende. Plus précisément, il ne sera plus possible d'établir un certificat "sans lien avec des raisons de santé", a précisé Marlène Schiappa lors de la présentation du texte. 

S'ajoute à cette mesure un renforcement de la lutte contre la polygamie - interdiction de délivrer un titre de séjour aux étrangers vivant dans cette situation, possibilité de réexaminer les pensions de réversion - et une surveillance accrue d'éventuels mariages forcés, avec la possibilité pour l'officier d'état civil de recevoir les futurs époux séparément et l'obligation pour lui de saisir le procureur de la République en cas de doute. 


Vincent MICHELON

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