Après avoir soutenu Macron, le maire de Sevran démissionne et étrille la politique du président

Publié le 27 mars 2018 à 20h49, mis à jour le 27 mars 2018 à 21h01
Après avoir soutenu Macron, le maire de Sevran démissionne et étrille la politique du président
Source : AFP

POLITIQUE - C'est un déçu du macronisme. Stéphane Gatignon, maire de Sevran (Seine-Saint-Denis) depuis 2001, annonce sa démission lundi dans les colonnes du "Monde". Celui qui avait soutenu l'actuel président lors de la campagne dresse un constat amer sur son action.

Il a soutenu Macron pour la présidentielle. Il a cru au changement. Il semble constater qu’il s’est trompé. Et veut le marquer par un geste fort : Stéphane Gatignon, maire de Sevran, une des villes les plus pauvres de Seine-Saint-Denis, annonce ce mardi soir dans Le Monde qu’il va annoncer sa démission lors de son conseil municipal, ce même soir. 

Stéphane Gatignon, ancien communiste refondateur, a ensuite été écologiste, avant de suivre Emmanuel Macron pour la présidentielle de 2017. Il était maire de Sevran depuis 2001. Il retrace, pour le quotidien du soir, les actions menées pendant 17 ans pour transformer Sevran. Et se dit aujourd’hui "fatigué. On perd le jus". "Mon but a toujours été de péter le ghetto", dit-il, "mais je crois que, malgré les déclarations qui vont dans ce sens, les gouvernements successifs ne partagent pas cet objectif. On continue à faire de la banlieue un monde parallèle, structuré comme une société précaire qui ne s’en sort que grâce aux solidarités, à la débrouille, à la démerde." Et celui qui avait mené une grève de la faim en 2012 se dit aujourd’hui à bout : "J’avais dit, en y mettant fin, que je démissionnerais le jour où je n’y croirais plus. Nous y sommes", constate-t-il. 

Le nouveau monde de Macron, c’est des ministres sans expérience
Stéphane Gatignon, dans Le Monde

Son constat est amer. "Aujourd’hui, les villes de banlieue sont tenues à la gorge et on nous traite comme si nous étions aussi riches que Puteaux", estime le maire de Sevran. "Je me bats avec mon équipe pour sortir la ville de cette fatalité de cité-dortoir à laquelle l’Etat semble vouloir l’assigner et monter des projets. Mais que de blocages et de situations sur lesquelles tout le monde ferme les yeux !" 

L’homme, qui avait placé tous ses espoirs dans le nouveau président, semble bien déçu. Avec une cinquantaine d’élus et de responsables associatifs, il avait été reçu par le ministre Jacques Mézard le 15 mars dans le cadre d’une mission confiée à Jean-Louis Borloo, qui doit remettre ses propositions pour les banlieues. Ils devaient y présenter leurs travaux et propositions en matière d’emploi, d’insertion, d’éducation. Et ressort avec la sensation de n’avoir pas été écouté. "Jacques Mézard est arrivé avec plus d’une heure de retard, sans s’excuser, et n’a pas dit un mot", rapporte Stéphane Gatignon.  "Le secrétaire d’Etat, Julien Denormandie, était absent ; les fonctionnaires du ministère avaient reformulé nos propositions et on avait du mal à les reconnaître." Il a l’habitude de prendre des coups en politique, mais estime que "avec ce gouvernement, c’est autre chose" : "Le nouveau monde de Macron, c’est le post-politique, des ministres sans expérience."

En marche ! n’est qu’une écurie pour la prochaine présidentielle
Stéphane Gatignon

Sur l’appareil politique, son constat est violent :  "En marche ! me fait penser à Russie unie : les responsables sont nommés pour trois ans. En banlieue, les permanences des nouveaux élus sont vides. En marche ! n’est qu’une écurie pour la prochaine présidentielle." Et sur le terrain, les signes ne sont "pas encourageants" : "Coupes dans le budget de la politique de la ville en 2017, gel des emplois aidés, et maintenant, ce conseil présidentiel des villes, censé rassembler des gens issus des banlieues, il n’est composé que d’anciennes figures ou de personnes (...) Bref, beaucoup d’affichage et de com’, et peu d’action", constate-t-il. 

Le désengagement de l’Etat, il le voit tous les jours. Par exemple sur la sécurité. "Quand je suis arrivé en 2001, j’avais 113 effectifs de police. Aujourd’hui, j’en ai 80, et une seule voiture de la BAC après 23 heures pour Aulnay et Sevran, deux plaques tournantes de la drogue." Le trafic de drogue est plus présent que jamais, ne cessant de se développer sous de nouvelles formes. "Les mafias venues de l’Est, comme du Kosovo – gros producteur de cannabis –, prennent la main. De plus en plus de jeunes – et de plus en plus jeunes – trafiquent à petit prix, embauchés à la journée ou à la semaine, venant parfois de loin."

Retour du religieux

Il constate, aussi, un retour du religieux en banlieue, sort de parade à l’abandon dont les habitants sont victimes. "Les quartiers se replient chaque jour davantage sur leur communauté ethnique ou locale et donc sur la religion. Aujourd’hui, dans ma ville, tous les lieux de culte sont pleins : les mosquées, mais aussi les églises, les lieux de culte hindouistes, bouddhistes, mais aussi les sectes…  Ce n’était pas le cas il y a dix-sept ans. Le religieux redonne un sens face à l’absence de règles et à la précarité, et s’accompagne pour certains d’un fort conservatisme, sur la place des femmes, le rôle de la famille".

Stéphane Gatignon ne quittera pas totalement la politique. Il annonce qu’il restera conseiller municipal de Sevran, conseiller territorial, conseiller métropolitain, "pour être certain que les projets que j’ai portés aboutissent".


La rédaction de TF1info

Tout
TF1 Info