Taxer les GAFA : quels défis attendent le gouvernement ?

par Mathilde ROCHE
Publié le 17 décembre 2018 à 18h09
Taxer les GAFA : quels défis attendent le gouvernement ?
Source : istock

FISCALITÉ - Le ministre de l'Economie Bruno Le Maire a annoncé ce lundi l'instauration d'une taxe Gafa dès janvier 2019, visant à imposer les géants du web à hauteur de leurs activités en France. Alors que la taxe doit rapporter 500 millions d'euros, peu d'informations ont filtré sur les modalités d'imposition des entreprises concernées.

Un demi-milliard euros de recettes. C’est, selon le gouvernement, ce que rapportera la “taxe Gafa” (pour Google, Apple, Facebook et Amazon) chaque année à l’état français. Puisque, à Bruxelles, les négociations sur une taxe européenne des géants du web patinent, la France se replie sur une solution nationale.Le Premier ministre Edouard Philippe et le ministre de l'Economie Bruno Lemaire affirment tous deux ce lundi 17 décembre que la taxe s'appliquera dès janvier 2019. Un véritable défi législatif à résoudre en quelques semaines. 

Redéfinir les conditions d’imposition des entreprises

“Il est profondément injuste que la fiscalité de ces groupes ne soit pas en ligne avec celle des autres entreprises” affirme Edouard Philippe dans les Echos ce lundi 17 décembre. Une injustice censée être réparée d’ici quelques semaines. Mais aucune information concrète n’a été donnée quant à la mise en place de cette taxe. Selon Vincent Vicard, économiste au Centre d'études prospectives et d'informations internationales (CEPII), la principale difficulté de ce projet est de “déterminer comment taxer une entreprise qui n’a pas d’établissement stable en France”. L’établissement stable, c’est la présence physique - locaux, salariés - d’une société dans un pays. Il détermine si les activités de cette société sont imposables dans le pays en question, et combien elles sont imposables. 

Une condition obsolète à l’ère du numérique, dont les géants du web ont bien su profiter ces dernières années. Avec des sièges sociaux établis en Irlande ou au Luxembourg - qui ont des conditions fiscales très intéressantes pour les entreprises -, les Gafa ont pu éviter de payer des millions d’euros d'impôts dans les pays où ils génèrent le plus de chiffre d'affaires, comme la France.

Pour contourner cette juridiction permettant aux Gafa de faire de l’optimisation fiscale (légale), l’objectif est de changer "d’assiette fiscale". Soit de modifier le montant sur lequel est calculé l'impôt. Au lieu de taxer les bénéfices, l’état taxerait donc le chiffre d’affaires. "Mais là aussi, cela pose des questions complexes sur le calcul” accorde Vincent Vicard. "Qu’est ce qui représente leur chiffre d’affaires ? Les ventes ou le nombre d'utilisateurs ? Comment déterminer les ventes de Google en France par exemple ? Quel est le rôle des internautes dans le profit de Google ?" Ce sont des questions auxquelles le gouvernement devra rapidement répondre. 

Revenus publicitaires et vente de données personnelles

Face à cette situation inédite et dans l’urgence de l’annonce, le gouvernement semble vouloir s’inspirer d’une mesure initialement envisagée par la Commission Européenne en mars 2018 : la proposition d’une "taxe sur les services numériques" (TSN). Une taxe de 3 % sur le chiffre d'affaires généré par certaines activités numériques, comme la vente d’espaces publicitaires ciblant les utilisateurs de l’interface, la mise à disposition de plateformes mettant en relations des utilisateurs ou encore la transmission à titre onéreux des données des utilisateurs.

Depuis, l’Allemagne a fait capituler la France et un accord a été trouvé sur la seule imposition des revenus publicitaires. Cette taxe Gafa à l’échelle nationale serait une manière pour le gouvernement d’élargir de nouveau l'imposition aux revenus générés par la vente de données personnelles et grâce aux services facilitant les interactions entre utilisateurs. 

Toujours dans la proposition de loi Européenne, la TSN devait s'appliquer aux entreprises "dont le chiffre d’affaires mondial excède 750 millions d’euros et dont le chiffre d’affaires tiré de services numériques au sein de l’Union européenne excède 50 millions d’euros." Pour la taxe française de 2019, le champ des entreprises ciblées est encore inconnu. 


Mathilde ROCHE

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