PRECEDENTS - Le président de l'Assemblée nationale Richard Ferrand a porté plainte après une tentative d'incendie à son domicile, constatée vendredi soir dans le Finistère. Avant lui, près de 80 députés de la majorité ont été la cible de menaces ou de dégradations au cours des trois derniers mois, a indiqué lundi le ministère de l'Intérieur.
Une violence qui va crescendo contre les parlementaires de la majorité. Richard Ferrand a porté plainte vendredi soir après la tentative d'incendie volontaire de son domicile privé, situé dans le Finistère. L'enquête n'a pas permis, pour l'heure, d'identifier les responsables de cet incendie, mais cet "acte grave", selon les mots du président de l'Assemblée nationale, n'est que l'énième chapitre d'une longue série de menaces, insultes ou dégradations de permanences qui visent depuis trois mois, en marge du mouvement de contestation sociale, les membres de la majorité.
Au total, a indiqué lundi le ministère de l'Intérieur, près de 80 députés LaREM auraient été pris pour cible au cours de ces derniers mois, les actes délictueux ayant pris des formes très diverses, des dégradations de permanences aux atteinte au domicile en passant par les menaces de mort et autres menaces, adressées généralement par courrier anonyme. Les faits ont été essentiellement constatés dans le sud, le sud-ouest et l'Ile-de-France, et ont nécessité, précise l'Intérieur, des renforts de patrouille autour des lieux visés.
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Permanences dégradées à la chaîne
Le cas le plus classique est celui des permanences prises pour cibles dans les circonscriptions des parlementaires. Des dégradations qui vont du tag, ou du caillassage de vitrine, comme cela a été le cas en décembre pour Guillaume Chiche à Niort, et pour Cédric Villani courant janvier dans l'Essonne, au déversement de foin (Marie Lebec, Hauts-de-Seine, Amélie de Montchalin, Essonne) voire de fumier (le député Modem Bruno Millienne, Yvelines), en marge des contestations dans le monde agricole. Des actes qui ne concernent pas uniquement des élus de la majorité, la députée LFI Caroline Fiat ayant elle aussi été la cible d'un déversement de fumier en décembre, en Meurthe-et-Moselle.
Merci à l’agriculteur responsable de ce chef d’œuvre pour ce cadeau matinal. Merci aux responsables syndicaux qui n’ont pas réellement joué l’apaisement. Des menaces pesaient depuis décembre. J’étais justement à court de fumier 👍 Je vais néanmoins porter plainte. @dguillaume26 pic.twitter.com/yFarwNVLgc — Bruno Millienne (@BrunoMillienne) 24 janvier 2019
Début janvier, le député de la Vienne Sacha Houlié avait constaté quant à lui des inscriptions sur sa permanence : "vendu", "peuple insoumis"... Dans l'Eure, fin novembre, la permanence de la députée Claire O'Petit avait été attaquée plusieurs fois à coups de masse, tandis que son collègue du Vaucluse Adrien Morenas retrouvait ses locaux murés à deux reprises. Début décembre, la députée Modem Patricia Gallerneau trouvait l'entrée de sa permanence vendéenne ensevelie sous un tas d'ordures. Un mois plus tard, le 6 janvier, la même élue se réveillait avec un mur de parpaings dressé devant son domicile.
Insultes racistes, antisémites et homophobes
Un cran au-dessus, les nombreuses menaces, insultes racistes, antisémites ou homophobes dont plusieurs députés de la majorité ont été les victimes. Début 2018, bien avant le mouvement de contestation, la députée de Paris Laeticia Avia avait déjà été la cible d'une lettre particulièrement violente à son encontre.
Le 23 novembre dernier, Huguette Tiena (Lot) a subi le même sort en étant visé par des propos racistes et des incitations à la haine raciale. Elle avait tweeté ces messages particulièrement violents :
#StopRacisme . Le drame des couleurs humaines, chacun de nous se sent atteint au meilleur de son intelligence et de sa sensibilité, lorsqu'il assiste au spectacle d’individus déguisés en #gilets #jaunes qui renient ce qui fait la beauté d'une nation civilisée. @LaREM_AN pic.twitter.com/PtIJmV9ipi — Huguette Tiegna (@HuguetteLREM46) 22 novembre 2018
Début décembre, Elise Fajgeles (Paris), après s'être emmêlée les pinceaux sur le montant du Smic lors d'un débat, avait été la cible d'une vague de messages antisémites. Le 10 janvier, le député Bruno Studer avait découvert sa permanence de Strasbourg recouverte de tags antisémites, racistes et homophobes.
Les mots me manquent pour décrire mon dégoût devant tant de #haine . Total soutien à mon ami le député @LaREM_AN @BrunoStuder67 . Le combat contre l' #antisemitisme , le #racisme , les #discriminations doit être mené avec #determination en #France et en #Europe . #StopViolences pic.twitter.com/GhIlux6D5z — Thierry Michels (@ThierryMichels) 10 janvier 2019
Le 28 novembre, Ludovic Mendes (Moselle) a été le destinataire, lui aussi, de missives contenant des insultes à caractère raciste.
L'un des messages les plus violents a été adressé, début janvier, à Jean-François Mbaye (Val-de-Marne), sous la forme d'un courrier anonyme le traitant de "noir de service" et lui annonçant : "tu vas mourir".
En 2019, voici ce que je reçois encore de lâches anonymes à mon bureau de l'Assemblée. Suis-je choqué ? Apeuré ? NON ! Je suis encore plus déterminé à éradiquer le fléau raciste de notre beau pays la France 🇫🇷🇫🇷. Bien entendu je porterai plainte... #StopRacisme (Propos violents) pic.twitter.com/3uEXG5aZuZ — Jean François MBAYE (@JFMBAYE) 4 janvier 2019
Menaces de mort
Depuis trois mois, les menaces de mort se multiplient à l'encontre des membres de la majorité, ainsi que des tentatives d'intimidation. Les députées des Yvelines Aurore Bergé et Marie Lebec ont ainsi reçu un courrier leur promettant de les "décapiter sur place", comme a pu le raconter la première à LCI. Le 22 novembre, Olivier Gaillard (Gard) se faisait livrer un cercueil devant sa permanence. Le 6 décembre, Emilie Chalas (Isère) était contrainte d'annuler une réunion publique, sur recommandation des services de renseignement, après avoir reçu des menaces promettant de "régler ses comptes". Le lendemain, Benoît Potterie (Pas-de-Calais) recevait un courrier contenant une cartouche de fusil de chasse avec cette promesse : "la prochaine fois, ce sera entre les deux yeux".
Laurence Gayte (Pyrénées-Orientales) a été quant à elle destinataire de courriels menaçant de la faire guillotiner. En Haute-Garonne, Mickaël Nogal a reçu, lui, les menaces par SMS, lui demandant de "démissionner" s'il souhaitait "sauver sa peau".
Intrusion dans la vie privée
Avant la tentative d'incendie chez Richard Ferrand, les parlementaires ont régulièrement été ciblés à leur domicile. Jean Terlier (Tarn) a reçu, chez lui, au début de l'année, une carte postale avec une tête de mort. Avant Noël, une quarantaine de Gilets jaunes avaient manifesté devant son domicile, sous les yeux de son fils de 9 ans. Le 24 novembre, une quarantaine d'individus cagoulés s'introduisaient dans la propriété viticole de Mireille Robert (Aude), tentant de mettre le feu à des palettes et invectivant la députée avant de prendre la fuite à l'arrivée des gendarmes. La même semaine, une vingtaine de manifestants tentaient de forcer la porte du domicile de Christophe Lejeune (Haute-Saône). Le 3 décembre, Florian Bachelier a raconté avoir été menacé directement par un homme cagoulé devant son domicile, à Rennes. Et le 8 décembre, la voiture de Jacqueline Dubois, ainsi que celle de son compagnon, étaient incendiées à son domicile en Dordogne.
Le déchaînement n'a pas visé que des parlementaires. Le 8 décembre dernier, le domicile du ministre de la Transition écologique François de Rugy sur l'île d'Ouessant a été recouvert de tags. Et fin janvier, le secrétaire d'Etat Mounir Mahjoubi a annoncé avoir porté plainte après avoir été la cible de menaces "particulièrement graves" sur les réseaux sociaux.