Tribune de Sarkozy : la Stasi, c'est quoi au fait?

Publié le 21 mars 2014 à 10h16
Tribune de Sarkozy : la Stasi, c'est quoi au fait?

POLEMIQUE – Nicolas Sarkozy incrimine, dans la tribune publiée dans Le Figaro, les méthodes de la justice dans le cadre de l'enquête dont il fait l'objet sur un financement libyen présumé de sa campagne. Placé sur écoute téléphonique, l'ex-président n'hésite pas à comparer le fonctionnement de la justice française à celui de la Stasi, l'ancienne police politique de l'Allemagne de l'Est. Un parallèle historique suspect, mais pas surprenant.

Stasi . Le mot suscite l'effroi chez les anciens habitants de l'ex-RDA, même vingt-cinq ans après la chute du Mur de Berlin. Dans l'imaginaire collectif, la célèbre et terrifiante Staatssicherheit (Sécurité de l'Etat, regroupée dans un ministère), évoquée par Nicolas Sarkozy au détour de sa tribune dans Le Figaro , évoque la quintessence de la police politique instaurée dans les régimes totalitaires.

Avec ses effroyables implications : la délation généralisée, la surveillance globale de la population par l'Etat, la privation des libertés individuelles et l'arbitraire pour les citoyens. Sans oublier les centaines de victimes, dont les 500 à 1.600 personnes abattues alors qu'elles tentaient de traverser le rideau de fer durant la guerre froide.

La police politique, un thème récurrent

L'ancien chef de l'Etat, en mettant violemment en cause le fonctionnement de la justice dans l'affaire du financement libyen présumé de sa campagne, n'a évidemment pas choisi ce terme au hasard. Visé par des écoutes téléphoniques dans le cadre de l'instruction du parquet national financier, il a brandi l'un des symboles, aujourd'hui tronqué, du socialisme soviétique.

En soi, l'assimilation de l'actuel Parti socialiste français au régime soviétique n'est pas une arme récente. Mercredi matin, la candidate UMP à la mairie de Paris, Nathalie Kosciusko-Morizet, avait vu dans les propos du ministre PS Benoît Hamon sur les écoutes téléphoniques "la logique de la Stasi" . La veille, Bruno Le Maire comparaît déjà la France à l'ex-RDA et brandissait, comme Nicolas Sarkozy, l'exemple du film La vie des autres (2007) qui raconte l'histoire des écoutes téléphoniques en Allemagne de l'Est durant la Guerre Froide. Le thème n'est pas l'apanage de la droite. Fin février, le patron du Parti de gauche, Jean-Luc Mélenchon, avait fustigé "la police politique de Jean-Marc Ayrault" , dénonçant dans ce contexte la position du Premier ministre vis-à-vis des opposants au projet d'aéroport de Notre-Dame des Landes. "Tout le monde doit être en ordre derrière lui", avait explicité Jean-Luc Mélenchon à propos du chef du gouvernement.

Quand Patrick Buisson dénonce des journalistes "gestapistes"

L'ex-conseiller du Président, Patrick Buisson, récemment mis en cause pour avoir lui-même enregistré les conversations de son patron, n'aurait probablement pas renié le parallèle avec la RDA. Début mars, il avait lui-même accusé des journalistes d'I-télé d'employer "des méthodes de basse police, d'Etats totalitaires" pour tenter de l'interroger. Avant de dénoncer leurs "méthodes gestapistes et de voyous" . Gestapo (Allemagne nazie), Stasi, même combat ?

La Stasi, police politique de la RDA crée en 1950, étroitement liée au KGB soviétique et dissoute officiellement en 1990, aurait employé plus d'un demi-million d'agents , près de 2 % de la population de la RDA, dont au moins 175.000 "informateurs" qui étaient chargés d'espionner les conversations dans la rue et jusque dans leur propre famille. A la chute du régime communiste, près de 200 km d'archives ont été retrouvées. Elles avaient été patiemment collectées durant les quarante années d'existence de ce ministère tentaculaire qui occupait à lui seul 49 immeubles, dont une prison – transformée en mémorial – où l'on enfermait les opposants politiques. Dans la prison, qui se visite aujourd'hui : des caméras, des miradors, 160 cellules et 120 salles de torture psychologique .


Vincent MICHELON

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