Une "votation citoyenne" pour unir la gauche aux Européennes ? L'idée d'Hamon peine à percer

Publié le 8 février 2019 à 14h53
Une "votation citoyenne" pour unir la gauche aux Européennes ? L'idée d'Hamon peine à percer
Source : AFP

POLITIQUE - Dans une interview au "Monde", le chef de file de Génération.s et ancien candidat socialiste à l’élection présidentielle Benoît Hamon propose une "votation citoyenne" rassemblant les forces de gauche pour composer une liste commune aux élections européennes. Une idée réaliste ou utopique ? Qu’en pensent les chefs de parti concernés par cet appel du pied ?

A quatre mois des élections européennes, la gauche est en mauvaise posture. Selon un sondage Opinion Way-Tilder pour Les Echos publié le 31 janvier dernier, La France insoumise et Europe Ecologie-Les Verts recueilleraient 8% des suffrages, le Parti socialiste 6%, Génération.s 4% et le Parti communiste 2%. Des scores loin des 20% promis à La République en marche et des 22% prédits au Rassemblement national de Marine Le Pen. Pour avoir une chance de peser dans les débats, l’ancien candidat socialiste à la présidentielle et actuel chef de file de Génération.s Benoît Hamon propose ce vendredi dans une interview au journal Le Monde de composer une liste commune regroupant plusieurs partis de gauche.

"Les différences entre les organisations justifient-elles de partir séparément ? Elles ne sont pas indépassables. Si on fait reposer l’unité sur les appareils, il n’y aura pas d’union. Cela doit passer par un vote citoyen. Le grand moment politique que vit la France depuis plusieurs semaines nous y invite" explique l’ancien ministre de François Hollande.

Pour désigner cette liste d’union, Benoît Hamon propose "une votation citoyenne" qui s’adresserait à "l’ensemble des citoyens, de gauche et écologistes, et sera électronique et physique". Benoît Hamon souhaite que le rejoignent La France insoumise, le Parti socialiste, les Radicaux de gauche, Europe Ecologie-Les Verts, le Parti communiste, Nouvelle Donne, Diem25 (le mouvement de l’ex-ministre des Finances grec Yanis Varoufakis, ndlr), Place publique (mouvement fondé par l’essayiste Raphaël Glucksmann, lui-même partisan d'une union des gauches, ndlr) et tous "les collectifs citoyens attachés à plus de justice sociale et écologique". Quiconque souhaite apporter son soutien à cette initiative peut le faire sur le site déjà mis en ligne www.votationcitoyenne.eu

Concernant le mode de scrutin, Benoît Hamon propose "un vote préférentiel". Les électeurs devraient choisir trois listes selon leur ordre de préférence. "Ainsi ils donneront trois points à la première, deux à la seconde et un à la troisième et tout le monde sera inclus dans le résultat" explique-t-il au Monde.

Listes aux Européennes : le bal des inconnusSource : La matinale

Déjà des refus catégoriques

Oui mais voilà, quelques minutes seulement après la publication de l’interview, la tête de liste écologiste pour les européennes Yannick Jadot, a rejeté cet appel du pied. Au moment "où l’Europe va mal (…), ce qu’on me propose en permanence c’est une union de façade à l’échelle française plutôt que la clarté dans le débat européen" a-t-il justifié sur franceinfo. "La politique c’est la cohérence, la sincérité et la clarté. Le sujet c’est pas la vanité, c’est la clarté. L’écologie c’est pas la gauche. l’écologie veut occuper une place centrale dans le débat politique. L’écologie c’est bien plus que la gauche" a ajouté celui qui avait déjà refusé la proposition d’alliance de Ségolène Royal il y a quelques semaines. Et "tous ceux qui font ces propositions-là n’ont pas bien compris comment fonctionnait le Parlement européen" a-t-il ajouté. "Voter socialiste aux élections européennes, c’est voter pour un député qui siégera au groupe socialiste. Dedans il y a les Roumains et leur dérive autocratique, les Slovaques qui font alliance avec l’extrême droite, et ils ont choisi un candidat au niveau européen qui s’appelle Frans Timmermans, qui est pour le dumping fiscal, le glyphosate et tous les accords de libre échange."

Il semble également peu probable que Jean-Luc Mélenchon donne une suite favorable à Benoît Hamon, lui qui avait déjà refusé une alliance lors de l'élection présidentielle de 2017. Il y a un an, évoquant déjà les élections européennes, le leader de La France insoumise avait de nouveau réaffirmé son opposition à un quelconque rapprochement. Benoît Hamon avait assuré que "la porte restait ouverte" si Jean-Luc Mélenchon revenait sur ses positions concernant l’Union européenne (brandir la menace d’une sortie de l’Europe en cas d’échec des renégociations des traités). Ce à quoi ce dernier avait répondu : "Renoncer à nos idées pour avoir un accord ? Même pas en rêve".

Les idées, ce sont d'ailleurs ce qui rend le rêve d’union de Benoît Hamon difficile à mettre en place. En effet, comment réconcilier des députés issus de partis aussi différents que le Parti socialiste, La France insoumise et le Parti communiste ? Comment s’accorderont-ils, au moment de voter une loi au Parlement ? "Il y a des points de programme sur lesquels on ne sera pas d’accord" admet Benoît Hamon. "Alors pourquoi pas un double vote : à la fois sur les listes et sur les éléments saillants des programmes" continue-t-il.

Une alliance réduite avec le PS et Place publique ?

L’espoir pourrait peut-être venir de l’ancien parti de Benoît Hamon, le Parti socialiste, dont le secrétaire général Olivier Faure s’est dit le 3 février dernier, toujours dans une interview au Monde, prêt à renoncer à une liste socialiste pour les européennes, et a lui aussi plaidé pour une union de la gauche. "Je ne souhaite qu’une seule bannière, celle de nos combats communs. Je n’ai fixé aucun préalable à qui que ce soit car nous devons nous réunir sur un projet. (…) Ce à quoi nous devons travailler, c’est à une liste de rassemblement large, qui réunisse celles et ceux qui partagent des combats communs" expliquait-il. Vendredi matin, le porte-parole du parti Pierre Jouvet avait accueilli favorablement la proposition de Benoît Hamon. "L’idée de l’union fait enfin son chemin" s’est-il réjoui, sans se prononcer sur la "méthode" proposée par l'ancien socialiste, une question "secondaire". "Je n’ai pas exactement compris le système. Techniquement, je ne vois pas comment il veut faire ça" a-t-il commenté, appelant les uns et les autres à se "mettre autour de la table" pour en discuter.

Toujours ce vendredi 8 février, en fin de matinée, le mouvement Place publique a envoyé un communiqué dans lequel il se "réjouit" lui aussi que "Benoît Hamon et Génération.s répondent à leur tour à son appel au rassemblement de la gauche et des écologistes en vue des européennes. (…) Place publique propose à tous de se réunir dès la semaine prochaine pour définir les modalités citoyennes et politiques du rassemblement que nous appelons toutes et tous de nos vœux". Une union pourrait donc voir le jour, mais en comité réduit.


Justine FAURE

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