Valéry Giscard d'Estaing, le président qui a brisé les codes de la communication

Publié le 3 décembre 2020 à 11h25, mis à jour le 3 décembre 2020 à 13h34

Source : TF1 Info

IMAGE - Le septennat de Valéry Giscard d'Estaing a marqué une rupture forte dans la communication politique à la française, après de Gaulle et Pompidou. Causeries au coin du feu, bains de soleil en maillot... L'ancien président a tenté à de nombreuses reprises de moderniser la façon de parler aux Français.

"On élit un homme, pas un programme." Ce mantra de Jacques Hintzy, le communicant de Havas qui a fait sa campagne présidentielle en 1974, semble avoir été celui de Valéry Giscard d'Estaing. Convaincu qu'il fallait modifier la façon de parler aux Français, l'ancien chef de l'État, décédé mercredi, a contribué à casser les codes d'une communication politique à la française particulièrement verrouillée par ses prédécesseurs. 

Inspiré par la stratégie de marketing politique qui avait accompagné l'élection de Kennedy aux États-Unis, et conscient que, dans les années 1970, chaque Français avait désormais un poste de télévision à la maison, Giscard s'est entouré dès sa campagne de ces spin doctor qui faisaient alors leur apparition, aux confins de la pub et de la politique. L'historien Michel Winock rappelait ainsi en 2017 qu'il a engagé en 1974, pour sa communication politique, l'un des plus fameux d'entre eux, Joseph Napolitan, auteur de The Election Game and How to Win it (que l'on peut traduire par "Le jeu de l'élection et comment le gagner").

Candidat, VGE n'a pas hésité à poser sur ses affiches de campagne à côté de sa fille, à diffuser les fameux tee-shirts "Giscard à la barre". Président, il fera appel à son épouse, Anne-Aymone, pour l'accompagner lors de ses vœux en 1975, une séquence censée dépoussiérer cette coutume mais qui ne sera pas rééditée par la suite. 

Président en maillot de bain

Après les mandats cadenassés de Charles de Gaulle et de Georges Pompidou, ayant acté la fin de l'ORTF dès son élection, Giscard n'hésite pas à mettre en scène sa vie privée, entretenant l'image d'un président jeune et en bonne santé. On le voit prenant le soleil en maillot de bain sur une plage de Saint-Jean-Cap-Ferrat, faisant du ski à Courchevel avec sa famille, jouant au tennis à Brégançon, ou encore en footballeur. Séquences sportives, mais aussi musicales : VGE l'accordéoniste, VGE chantant "Douce Nuit" en duo avec Claude François...

L'homme qui veut "regarder les Français dans les yeux" s'affiche aussi au volant de sa propre voiture, s'invite chez les Français pour le dîner, ou commente, depuis son canapé, une émission consacrée à la condition des femmes diffusée en 1977 sur TF1. La même année, invité des Dossiers de l'écran, il répond durant trois heures aux questions d'un panel de 60 Français, se déplaçant de table en table pour leur parler - une séquence qui évoque d'une certaine façon les débats organisés par son lointain successeur, Emmanuel Macron, durant la crise des Gilets jaunes. Il est aussi celui qui invite des éboueurs malien pour un petit-déjeuner de Noël à l'Élysée. 

Une communication qui a contribué à son élection, mais qui a également connu des ratés. Son obsession à vouloir se montrer proche des Français a souvent été moquée - on pense au sketch de Thierry Le Luron et Pierre Desproges singeant les "causeries au coin du feu". De plus, comme le rappelle cet article du Monde publié en juin 1981, après sa défaite face à Mitterrand, cette image vient se heurter avec sa conception, finalement plus traditionnelle, du pouvoir, et son attitude jugée distante par beaucoup. Ultime séquence présidentielle, cet "au revoir" depuis l'Élysée, resté dans les annales comme l'un des moments les plus ratés de la communication politique. 


Vincent MICHELON

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