"Emmerder" les non-vaccinés : "Macron veut se refaire une santé électorale au détriment d’une minorité"

Publié le 5 janvier 2022 à 13h06

Source : TF1 Info

ANALYSE - Comment décrypter les propos polémiques d'Emmanuel Macron, désireux d'"emmerder les non-vaccinés" ? LCI a posé la question au spécialiste en communication politique Philippe Moreau-Chevrolet.

Ses déclarations ont provoqué un tollé. Dans une interview publiée ce mercredi dans Le Parisien, Emmanuel Macron assume d'avoir "très envie" d'"emmerder" les non-vaccinés. "Et donc on va continuer de le faire, jusqu’au bout. C’est ça, la stratégie", ajoute-t-il. Une formulation et une stigmatisation d'une partie de la population qui ont choqué. Mais qui sont tout sauf un dérapage incontrôlé. Le spécialiste en communication politique Philippe Moreau-Chevrolet y voit une stratégie électoraliste populiste et un moyen de faire oublier les récents échecs du gouvernement.

Emmanuel Macron a-t-il utilisé le terme "emmerder" consciemment ? Pourquoi ?

C'est tout sauf un dérapage, l'expression est choisie et calculée. Après des vœux aux Françaises et Français apaisés, c'est un changement de pied très violent. Ça peut indiquer une volonté de faire oublier les chiffres extrêmement mauvais de l’épidémie, le fiasco de la rentrée scolaire mal gérée par Jean-Michel Blanquer, ou de reprendre la main médiatiquement.

Il s'agit de faire oublier des échecs par des propos qui feront encore plus polémique ?

Oui, c’est une stratégie populiste. Elle cible une minorité de gens, les non-vaccinés, à laquelle la majorité de la population est de plus en plus hostile. Le but est d'essayer de se refaire une santé électorale au détriment d’une minorité, en la pointant du doigt de manière violente et vulgaire. Donald Trump l'a utilisée, son conseiller Steeve Banon avait expliqué qu'il s'agissait d'envoyer une énorme bombe avec un truc bien dégoûtant qui occupe l’attention et fait réagir pour reprendre le contrôle de l’agenda et être au centre du dialogue. Ainsi, même si vous êtes affaiblis vous n'êtes pas attaqué sur votre politique. 

Nous sommes arrivés au bout de la méthode soft."
Philippe Moreau-Chevrolet

Fini la pédagogie à l'égard des non-vaccinés, donc ?

Oui, nous sommes arrivés au bout de la méthode soft, de la pédagogie et de la conviction. Constatant que ça ne fonctionne pas, le président de la République a choisi de passer à la méthode violente. Sauf qu'au lieu d’assumer l’obligation vaccinale, il continue dans le "en même temps", en contraignant sans obliger. C’est sa stratégie depuis le début, c’est plus confortable électoralement. Il a la majorité de la population avec lui, même s'il perd quelques soutiens après cette sortie. Mais il a fait ses calculs et estimé qu’électoralement il avait plus à gagner à se mettre au centre de l’attention et faire oublier ses mauvais résultats épidémiques. 

Est-ce un signe de plus de son entrée en campagne ?

Très clairement, il est en campagne. Vous n’insultez pas 10% de la population française quand vous n'en espérez pas un gain politique, il faudrait être fou. Ça veut dire qu’il n’est plus président, il est candidat. Toutefois, le fait de stigmatiser une minorité, quelle qu'elle soit, n’est jamais bon signe pour l’état du pays.


Justine FAURE

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