Violences policières : qui veut réformer l'IGPN, et pourquoi ?

Publié le 1 décembre 2020 à 18h37, mis à jour le 2 décembre 2020 à 10h12
Violences policières : qui veut réformer l'IGPN, et pourquoi ?
Source : STEPHANE DE SAKUTIN / AFP

SÉCURITÉ - L'idée de réformer l'Inspection générale de la police nationale (IGPN) fait son chemin dans l'opposition mais aussi dans la majorité, à l'heure des débats sur les violences dans la police. Si Gérald Darmanin défendu l'institution lundi soir, Jean Castex a annoncé mercredi que des propositions seraient faites à Emmanuel Macron "d'ici 15 jours".

Face aux cas de violences commises par des agents, faut-il revoir le fonctionnement de la "police des polices" ? Les derniers faits relatifs à l'interpellation violente de Michel Zecler à Paris ont ranimé le débat sur la réforme, voire la suppression de l'Inspection générale de la police nationale (IGPN), réclamée de longue date par des responsables de gauche. 

L'institution, chargée de contrôler les services de la Direction générale de la police nationale, de mener des inspections administratives et de veiller au respect des règles de déontologie, est régulièrement mise en cause pour son présumé manque d'indépendance vis-à-vis de l'objet de ses enquêtes. Si elle est de plus en plus saisie, avec un bilan de 1.460 enquêtes judiciaires ouvertes en 2019, soit plus de 20% de hausse en un an, après la séquence des Gilets jaunes, l'IGPN ne sanctionne pas davantage les fonctionnaires. 

Gérald Darmanin a eu beau répéter, lundi à l'Assemblée, que "55% des sanctions dans la fonction publique concernent la police", l'IGPN est critiquée principalement pour ses conclusions jugées trop tièdes à l'égard des policiers mis en cause, à l'instar de celles relatives à l'évacuation du camp de migrants de la place de la République, à Paris, la semaine dernière.

Dissoudre ou réformer l'IGPN ?

Les propositions ont fusé ces derniers jours pour réformer la façon dont les forces de l'ordre sont contrôlées. Quitte à supprimer l'institution ? "Il faut dissoudre l'IGPN", qui est "une mascarade", a ainsi déclaré le député LFI Adrien Quatennens mardi sur Radio Classique. "Des policiers y décident entre policiers du sort de policiers et on voit le résultat. Il faut une instance démocratique avec des policiers, magistrats, citoyens", a ajouté le lieutenant de Jean-Luc Mélenchon, faisant référence aux saisines de l'IGPN consécutives au mouvement des Gilets jaunes. "Il faut dissoudre le lieu par lequel la confiance populaire dans la police s'est effondrée", argumentait aussi, le 28 novembre, Jean-Luc Mélenchon. 

Après la diffusion des images du producteur parisien tabassé par des policiers, le Parti radical de gauche (PRG) a proposé de son côté de remplacer l'IGPN par la création d'un parquet spécialisé. 

Dans l'opposition de gauche, d'autres voix réclament non pas une suppression mais une réforme en profondeur afin de rendre l'institution plus indépendante. Le patron du PS, Olivier Faure, a appelé de ses vœux, mardi, des "états généraux sur la police, conclusifs avant l'été", dans le cadre des débats autour de la proposition de loi sur la sécurité globale, prônant la mise en place "d'un contrôle indépendance de la police". Une position commune avec les écologistes, l'eurodéputé Yannick Jadot ayant aussi plaidé pour la création d'une structure indépendante. 

Gérald Darmanin ouvert à des évolutions

Lors de son audition devant la commission des lois, lundi, Gérald Darmanin a fait un pas vers une possible réforme de l'IGPN, dans la lignée des premières propositions faites en juin par son prédécesseur, Christophe Castaner. Deux sujets, jusqu'ici écartés, sont désormais sur la table : l'idée d'une fusion avec d'autres inspections, et la possibilité de nommer à sa tête une personnalité extérieure. 

"Faut-il prévoir une évolution ? Comme toute institution, elle mérite d'être regardée, interrogée, améliorée", a expliqué le ministre de l'Intérieur. "Placer l'IGPN hors de la Direction générale de la police nationale ? Ça se regarde. Fusionner l'IGPN avec l'Inspection générale de la gendarmerie nationale et l'Inspection générale de l'administration ? Certains soulèveront des difficultés, mais cela peut être souligné. Faut-il mettre à sa tête quelqu'un qui n'est pas de la maison ? Je n'y vois pas d'inconvénient, mais dans ce cas, faisons-le pour toutes les inspections." Le ministre a également plaidé pour que l'IGPN puisse faire des préconisations à l'exécutif dans le cadre d'enquêtes administratives. 

Gérald Darmanin a toutefois écarté l'idée d'une indépendance totale, jugeant "normal" qu'il y ait une inspection à l'Intérieur, car "tout corps de ministère a son inspection"

Au sein de la majorité, des voix s'élèvent également pour appuyer une transformation de l'IGPN. "La groupe LaREM est prêt à travailler étroitement avec Gérald Darmanin sur les pistes de réforme, si cela aide à renforcer le lien entre les Français et leur police", a ainsi plaidé le député Sylvain Maillard. Sa collègue Fiona Lazaar (Val d'Oise) a publié une tribune appelant également à une "refonte" de l'institution. 

Les propos de Gérald Darmanin rejoignent d'ailleurs une réflexion au sein même de l'exécutif, qui veut ouvrir des pistes de réforme après la série d'affaires de violences. Au-delà de la question de la réécriture de l'article 24 du texte sur la sécurité globale, un travail a été lancé, selon nos informations, pour "faire évoluer la police". Mercredi, Jean Castex a indiqué qu'il n'était "pas défavorable" à l'idée d'une personnalité indépendante à la tête de l'IGPN. Le Premier ministre remettra une série de propositions au chef de l'Etat "d'ici 15 jours"


Vincent MICHELON

Tout
TF1 Info