8,8 milliards d'humains en 2100 : cette nouvelle estimation qui pose question

Propos recueillis par Cédric Stanghellini
Publié le 15 juillet 2020 à 18h02, mis à jour le 16 juillet 2020 à 10h10

Source : JT 13h Semaine

DÉMOGRAPHIE - Une nouvelle estimation prédit une population mondiale à 8,8 milliards d'habitants en 2100, avec un pic à 9,7 milliards en 2064. C’est beaucoup moins que ce que prévoyait l'ONU. Pourquoi un tel écart ? Est-ce le début d'un déclin du nombre d'habitants ? Éléments de réponses avec le démographe Gilles Pison, directeur de recherche à l’Ined.

La population mondiale atteindra un pic de 8,8 milliards en 2100 selon une étude publiée dans The Lancet et réalisée par Institute for Health Metrics and Evaluation de Seattle (Etats-Unis). Si ce chiffre semble important, c'est 2 milliards de moins que les dernières prévisions publiées par la très respectée Division de la population des Nations unies. En 2019, cette dernière prévoyait 9,7 milliards d’habitants en 2050 et près de 11 milliards vers 2100. 

8,8 milliards... seulement ? Le chiffre fait débat. Il pourrait en effet laisser entrevoir une baisse de la population mondiale au XXIIe s.  Afin de mieux comprendre cette évolution démographique attendue, LCI a sollicité l'éclairage du Pr Gilles Pison, professeur au Muséum national d'histoire naturelle, chercheur associé à l'Ined et auteur de l'Atlas de la population mondiale (Éditions Autrement). 

LCI : Pourquoi y a-t-il une différence de plusieurs milliards de personnes d'ici 2100 entre les prévisions des Nations unies et de cette dernière étude américaine ?

Gilles Pison : A une échelle aussi grande que 2100, les aléas sont si importants que les chercheurs établissent leurs prévisions en fonction d'hypothèses. Ces dernières sont différentes selon chaque étude et les estimations sont donc différentes. En revanche, les prévisions d'ici à 2050 sont plus fiables. Les femmes, qui auront des enfants d'ici 2050, sont déjà nées et on connait l'évolution du taux de fécondité. Nous pouvons donc estimer plus facilement la population mondiale d'ici 30 ans qu'à la fin du siècle. Personnellement, j'estime que nous serons au moins 10 milliards en 2050. 

Comment peut-on expliquer cette évolution ? 

La croissance démographique mondiale sera portée par l'Afrique, où le nombre d'enfants par femme est plus important qu'ailleurs. La population à venir de ce continent restera donc encore jeune. A contrario, les continents européen et nord-américain et, dans une moindre mesure, le continent sud-américain, connaissent un vieillissement de leur population doublé d'une chute de la natalité. Le XXIe siècle sera pour eux marqué par une démographie déclinante. Un phénomène que nous observons également dans les pays les plus développés d'Asie. 

Alors, la population mondiale va-t-elle décliner ou, au contraire, continuer à croître ?

Si le chiffre de 10 ou parfois 11 milliards d'humains sur Terre peut sembler impressionnant, en réalité, la croissance démographique se tasse depuis plusieurs dizaines d'années. Nous arrivons même dans la situation où des pays connaissent désormais moins de naissances que de décès, comme en Europe du sud ou au Japon. Ces 200 dernières années, la population mondiale a été multipliée par 8, passant de moins de 1 milliard à 7,5 milliards de personnes aujourd'hui. Une proportion de hausse que nous n'atteignons plus du tout. Certains démographes imaginent même une première baisse démographique à partir du XXIIe siècle.

Que pensez-vous des mouvements qui militent pour la régulation stricte des naissances afin de préserver l'avenir de la planète ? 

Certains prétendent que la meilleure façon de sauver la planète est de ne pas avoir d'enfant du tout dans nos pays. Je ne pense pas que ce soit le bon combat. La croissance démographique mondiale ralentit en raison de l'adoption de la famille de petite taille partout. Il est illusoire de penser pouvoir arrêter la croissance tout de suite en raison de l'inertie démographique. A court terme, une génération pour un démographe, nous n'échapperons pas à un surcroît d'environ deux milliards d'habitants. En revanche il est possible d'agir sur les modes de vie, et ceci tout de suite, pour les rendre plus économes en ressources et plus respectueux de l'environnement et de la biodiversité. Aux jeunes qui se demandent s'ils vont avoir ou non des enfants, je dis : les enfants, c'est fatiguant, c'est des contraintes, c'est des coûts. Si vous ne souhaitez pas en avoir, n'en ayez pas. Si malgré tout vous souhaitez en avoir, ayez-en, et le nombre que vous souhaitez. Mais éduquez les en sorte qu'ils soient respectueux de l'environnement et aient un mode de vie durable. La question importante n'est pas le nombre des humains mais la façon dont ils vivent.


Propos recueillis par Cédric Stanghellini

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