Nuées d'étourneaux : de Brest à Ajaccio, un spectacle grandiose mais de grosses nuisances

M.D.
Publié le 18 novembre 2020 à 13h25, mis à jour le 18 novembre 2020 à 18h18

Source : JT 13h Semaine

NATURE - En ce moment, des centaines de milliers d'étourneaux investissent des villes françaises. Mais si leur ballet aérien laisse les spectateurs admiratifs, au sol, les nuisances sont beaucoup moins appréciées des riverains.

Chaque année, tel un mauvais remake des Oiseaux d'Hitchcock, le même scénario se répète. Dès le mois de novembre, des centaines de milliers d’étourneaux viennent nicher dans de nombreuses villes françaises. Au moment du crépuscule, ces oiseaux migrateurs se donnent en spectacle, comme à Brest (Finistère) dans la vidéo ci-dessus. "C’est assez incroyable à voir", s’émerveille une riveraine, accompagnée de sa fille elle aussi subjuguée à la vue de ce ballet aérien hypnotique. "Ils sont des milliers, c’est vraiment beau !", s’enthousiasme la fillette à ses côtés. 

Cette chorégraphie, connue sous le nom de "murmurations", peut donner l’impression qu’ils dansent dans le ciel. Il s’agit en réalité d’une stratégie d’auto-défense pour se protéger des autres oiseaux prédateurs. Lorsqu’un danger menace, les étourneaux d’une même zone s’élèvent ensemble des arbres pour former une masse compacte et difficile à attaquer. Un spectacle qui ravit les amoureux de la nature mais qui n’est cependant du goût de tout le monde. Loin s’en faut ! "C’est une invasion, ça piaille de partout !", fulmine une habitante croisée non loin de là. 

La puanteur est telle qu’on ne peut plus ouvrir les fenêtres. C’est épouvantable
Une habitante de Brest

Des nuisances sonores mais aussi olfactives qui empoisonnent la vie des habitants, surtout en cette période de confinement. "On nous dit d’aérer pour le coronavirus mais la puanteur est telle qu’on ne peut plus ouvrir les fenêtres. C’est épouvantable", tempête une autre, exaspérée par le ballet incessant des étourneaux. Si celui-ci laisse les spectateurs admiratifs, au sol, la déferlante de fientes est beaucoup moins appréciée des riverains. Et au petit matin, c’est un autre ballet qui commence, celui des engins de nettoyage chassant les déjections qui jonchent les trottoirs et le mobilier urbain. 

Pour remédier à ce problème, la mairie de Brest a fait installer des effaroucheurs, des dispositifs émettant un bruit destiné à éloigner les oiseaux. Mais rien n’y fait. La municipalité a donc décidé d’attaquer le problème à la racine, ou plutôt à la cime. "On sait que les étourneaux se posent sur les arbres à feuilles persistantes ou les résineux. Pour éviter qu’ils ne viennent, nous allons poser des filets", explique Jean-Claude Kervennix, responsable de la propreté du centre-ville de Brest. 

À Ajaccio, la mairie a fait appel à un fauconnier

A l’autre bout de la France, à Ajaccio (Corse du sud), les autorités locales expérimentent depuis cinq une autre stratégie. Des faucons et des buses sont utilisés pour faire fuir hors du centre-ville les quelque 200.000 étourneaux de passage. Une méthode à la fois écologique et respectueuse de la protection animale utilisée depuis cinq ans par la mairie et qui a fait ses preuves, selon l’adjoint chargé de l’hygiène, Jean-Pierre Aresu. Selon lui, la présence des étourneaux pose "un problème de santé publique" car leurs fientes "peuvent transmettre des bactéries à l'homme"

Depuis une semaine, à l'aube et au crépuscule, Ludwig Verschatse, fauconnier d'origine flamande, lâche l'un de ses rapaces pour "créer un sentiment d'insécurité" chez les oiseaux qui, après une journée dans les collines autour d’Ajaccio, dans des oliviers sauvages, rejoignent la ville pour y passer la nuit, à l'abri des feuilles des platanes. "On repousse les étourneaux de la ville, qui n'est pas leur habitat naturel, vers les Sanguinaires", un chapelet d'îles situé à sept kilomètres du centre-ville d'Ajaccio, poursuit ce spécialiste. Pour cela, Ludwig Verschatse peut compter sur ses deux faucons Gerfaut, nommés Hunt et Apollo, et ses trois buses de Harris.

La mission de ces oiseaux d'élite consiste à évoluer entre la cime des arbres et le groupe des étourneaux afin de les empêcher de s'y poser, simplement à travers sa présence dissuasive. Pour eux, "c'est un jeu, comme un chien qui joue avec un ballon", s'amuse le fauconnier. Un travail qui nécessite des années d'entraînement. "Il faut en moyenne trois ans de travail quotidien avant que le rapace ait pigé ce qu'on lui demande", en l’occurrence de ne pas tuer les étourneaux et de revenir manger auprès de son maître, poursuit-il, en insistant : "On n'est pas là pour éradiquer les étourneaux mais pour les effaroucher".

Mais cette année, en raison de la détection d'un cas de grippe aviaire en Haute-Corse, la France et donc la Corse sont placées depuis mardi sous des mesures de précaution qui empêchent de faire voler les rapaces, mettant un terme plus tôt que prévu à cette opération d'effarouchement qui était envisagée jusqu'à dimanche. Les habitants d'Ajaccio vont devoir prendre leur mal en patience et cohabiter avec les oiseaux migrateurs encore quelques temps. Quoi qu’il arrive, les volatiles reprendront en février leur voyage vers des pays plus chauds, comme l’Espagne ou l’Italie. 


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