Affaire Matzneff : trois maisons d'édition cessent de commercialiser ses livres

Publié le 9 janvier 2020 à 22h47

Source : Quotidien

CONSÉQUENCES - Les livres de l'écrivain Gabriel Matzneff, où il détaillait sans ciller ses actes pédophiles, ne seront plus commercialisés par trois maisons d'éditions : la maison Gallimard, ainsi que les éditions de la Table ronde et de Leo Scheer.

Et de trois. Les éditions de la Table Ronde, Gallimard et les éditions Leo Scheer ont toutes décidées d’arrêter de commercialiser les livres de Gabriel Matzneff qu’elles publiaient jusqu’alors. Ces décisions ont été motivées par l’engouement pour "Le consentement" (Grasset) de Vanessa Springora, qui s’est placé dans le top 5 des ventes physiques et numériques d’Amazon France pour sa semaine de sortie. L’autrice et éditrice y fait le récit de son expérience traumatisante avec l’écrivain de 36 ans son aîné, qui la séduite et manipulée lorsqu’elle n’avait que 13 ans, éclairant d’un jour nouveau les pratiques pédophiles de Gabriel Matzneff.

Les exemplaires en librairie seront rappelés par les éditeurs

"La souffrance exprimée par Madame Vanessa Springora dans Le Consentement, fait entendre une parole dont la force justifie cette mesure exceptionnelle", s’est ainsi justifié Gallimard ce mardi. La maison d’édition a décidé de ne plus vendre les nombreux tomes du Journal intime de l'écrivain, qu'elle publiait depuis trente ans. Les éditions de La Table Ronde - également contrôlées par Antoine Gallimard via son groupe Madrigall - qui ont publié cinq volumes du même journal entre 1979 et 1992, vont également en cesser la commercialisation.

Le lendemain, les éditions Léo Scheer ont annoncé à leur tour l’arrêt de la vente du volume du journal de Gabriel Matzneff "Les Carnets Noirs 2007-2008", et surtout, de l’ouvrage controversé "Les moins de 16 ans". C’est dans ce dernier livre que l’écrivain livrait le plus explicitement son attirance pour les mineurs, filles et garçons. Les exemplaires de ces différents livres encore présents en librairie vont tous être rappelés par leurs éditeurs.

Sollicité par BFMTV, Gabriel Matzneff a réagi dans une lettre à la décision d'Antoine Gallimard : "Je pense qu’il a raison, cela calmera les excités". Dénonçant une "vague de néo-puritanisme", il a ajouté "Je trouve idiot, extravagant, que l’on me fasse en 2020 grief de livres publiés il y a plus de trente ans, voire il y a plus de quarante ans !" Un déni qui caractérise toutes ses prises de parole depuis le début de la polémique.

Plainte, enquête ouverte, fin de son aide sociale

"Le consentement" a eu d'autres conséquences pour l'écrivain, qui a vécu jusqu'à ses 83 ans sans être inquiété de ses actes. Ses pratiques pédophiles ont été en effet largement tolérées dans le milieu littéraire, célébrant sa plume, jusqu'à lui remettre en 2013 le prix Renaudot de l'essai. 

Depuis le lendemain de la sortie du livre de Vanessa Springora, le jeudi 2 janvier, Gabriel Matzneff est visé par une enquête pour "viol sur mineur" de moins de 15 ans, ouverte par le parquet de Paris. Sa chronique régulière avec le Point a depuis été interrompue et le ministre de la culture, Franck Riester, a proposé de réexaminer les décorations remises à l'écrivain, officier des Arts et Lettres depuis 1995 et chevalier de l'Ordre national du mérite depuis 1998, lors des prochaines réunions des organismes qui les attribuent.

Le ministre est également à l'oeuvre pour mettre fin à l'aide dont bénéficie actuellement Gabriel Matzneff. Cette aide publique du Centre Nationale du Livre est accordée à des auteurs vieillissants ayant de faibles revenus. Franck Riester a estimé lundi que cette allocation, dont il bénéficie depuis 2002, n'était "pas justifiée". "Est-ce que M. Matzneff, par le caractère autobiographique de ses récits, contribue par ses écrits à la renommée de la littérature française en se faisant le chantre de la pédocriminalité? Je considère que non. Est-ce que le train de vie fastueux décrit dans ses livres justifie le versement d'une telle allocation? Je considère également que non", a-t-il estimé lors d'un point presse.

"Je pense qu'il y a un changement d'époque, une écoute différente pour ce genre de récit", a estimé Vanessa Springora dans l'émission Quotiden, se disant "abasourdie" par les réactions suscitées par son livre. Évoquant aussi "une prise de conscience très récente" dans le contexte MeToo, elle a affirmé qu'il "n'aurait pas eu la même réception" cinq ans plus tôt. Ni le même impact, dont découlent toutes ces mesures prises pour défaire des décennies d'impunité.


La rédaction de TF1info

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