Ecœurement et colère après la mort de Gulcin, 34 ans, tuée par son conjoint malgré plusieurs appels au secours

Anaïs Condomines
Publié le 7 février 2019 à 18h55
Ecœurement et colère après la mort de Gulcin, 34 ans, tuée par son conjoint malgré plusieurs appels au secours

FEMINICIDE - Gulcin, 34 ans, a été tuée le 28 janvier dernier par son ex-conjoint violent. La responsable de l'association locale venant en aide aux femmes victimes de violences, auprès de LCI, laisse éclater sa colère.

Depuis le début de l'année, elle est la dix-neuvième femme à tomber sous les coups de son compagnon. Gulcin, 34 ans, est décédée le 28 janvier dernier à Annemasse (Haute-Savoie), poignardée par son ex-conjoint alors qu'elle venait, accompagnée d'un ami, récupérer ses enfants en garde partagée. La personne à ses côtés a elle aussi reçu des coups de couteau et s'en sort grièvement blessée, selon nos confrères de France Bleu Pays de Savoie qui rapportent cette histoire, jeudi 7 février.

Aujourd'hui, l'heure est à la colère pour celles qui ont tenté de venir en aide à Gulcin, avant qu'il ne soit trop tard. Car cette monitrice d'auto-école, mère de quatre enfants, avait émis des signaux de détresse pour le moins explicites, au moins deux ans avant le drame. C'est ce que rapporte à LCI Anne Van Den Eshof, responsable de la structure Espace Femmes de La Roche-sur-Foron dans un témoignage en forme de coup de gueule. En tant qu'antenne locale du réseau "Solidarité Femmes" - joignable en urgence au 3919 - ses équipes et elles ont reçu Gulcin à plusieurs reprises. 

Elle était à bout
Anne Van Den Eshof

"Nous avons rencontré Gulcin une première fois en 2017" nous raconte-t-elle. "Elle avait appelé en urgence et voulait se séparer de son compagnon qui avait un comportement abusif. Elle voulait être informée sur ses droits. On avait vu avec elle, à l'époque, ce qu'on appelle les stratégies de protection. C'est-à-dire comment se mettre à l'abri. Mais dans son cas, c'était particulièrement compliqué car elle avait quatre enfants et ne voulait vraiment pas aller en foyer d'hébergement."

La deuxième rencontre intervient en décembre 2018, soit quelques semaines avant son décès. "Elle était très en colère" se souvient Anne Van Den Eshof. "Nous étions très inquiète pour elle. Elle nous disait avoir déposé plusieurs plaintes et que rien ne s'était passé. Elle était séparée, avait retrouvé un logement et un travail. Mais malgré cela, son ex-compagnon continuait de la harceler et de lui envoyer des messages de menaces. Selon elle, il l'avait même ouvertement menacée dans le bureau du juge aux affaires familiales. Et pourtant, les droits de visite classique des enfants ont été appliqués, sans davantage de protection. Elle était à bout. Elle disait 'ce sera lui ou moi'. Elle a quitté notre permanence fâchée car lui avions suggéré, dans cette période tendue, d'adopter ce qu'on appelle dans notre jargon une 'position basse', c'est à dire de penser avant tout à sa sécurité. Elle ne nous entendait plus."

Toute-puissance

France Bleu indique que Gulcin avait déposé, au total, cinq plaintes contre son mari, sans pour autant obtenir une ordonnance de protection. Une information que nous n'avons pas pu vérifier, le parquet étant injoignable et l'association Espace Femmes n'ayant pas, comme dans d'autres cas, conservé une copie des plaintes. Pour la responsable du réseau,  "une chose est certaine", dit-elle. "Ce qui s'est passé était prévisible."

"Nous sommes très en colère" ajoute-t-elle. "Aujourd'hui, il faut que les femmes portent plainte six ou sept fois pour que quelque chose soit fait. Malgré la nouvelle loi contre les violences, les ordonnances de protection aux victimes ne sont quasiment pas délivrées en Haute-Savoie. Il y a encore trop de conditions d'accès. Alors maintenant il faut soit mettre en oeuvre une vraie priorité nationale au niveau judiciaire sur ces sujets, soit dire aux femmes d'arrêter de parler. Car même si elles portent plainte, on ne met pas un terme assez vite aux comportements violents et menaçants. Je ne sens pas une volonté farouche de politique pénale répressive. Les conjoints violents restent tout-puissants et ils le savent bien."

Selon France Bleu, le suspect, âgé de 44 ans, a été interpellé puis placé en détention provisoire. Il a été mis en examen pour meurtre sur conjoint et tentative de meurtre. 


Anaïs Condomines

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