Ecole, organisation de l'islam, associations, certificat de virginité : ce que prévoit le projet de loi contre le séparatisme

Publié le 6 octobre 2020 à 15h45, mis à jour le 6 octobre 2020 à 15h51

Source : JT 13h Semaine

ISLAMISME - Le projet de loi sur le séparatisme sera présenté le 9 décembre, jour anniversaire de la loi de 1905. Instruction obligatoire dès 3 ans au détriment de l'enseignement à domicile, neutralité des salariés des entreprises publiques, organisation de l'islam en France, contrôle du financement des associations, voici les grandes lignes de la loi à venir.

Emmanuel Macron en a fait l'un des grands chapitres de la fin de son quinquennat. Le projet de loi contre le séparatisme, qui vise en premier lieu l'islamisme, sera présenté en conseil des ministres le 9 novembre prochain, date anniversaire de la très symbolique loi de 1905 de séparation des Eglises et de l'Etat. 

Le chef de l'Etat, en déplacement aux Mureaux, a détaillé vendredi 2 octobre les grandes lignes de ce texte qui doit être débattu au Parlement au cours du premier semestre 2021. Le ministère de l'Intérieur a détaillé plusieurs pistes le 6 octobre. Il comprendra de nombreux chapitres ayant trait à l'éducation, aux associations, aux services publics et jusqu'à l'organisation de l'islam. 

"Nous devons nous attaquer au séparatisme islamiste", a déclaré Emmanuel Macron, ciblant "un projet conscient, théorisé, qui se concrétise par la déscolarisation, des pratiques sportives communautarisées, l’endoctrinement et la négation de nos principes". "Force est de constater qu’il y a un islamisme radical qui conduit à nier les lois de la République, à banaliser les violences, à créer les conditions de dérives politiques mais aussi violentes", a également martelé le chef de l'Etat, évoquant une "crise profonde de l'islam partout dans le monde".  

Cantines, piscines : la reprise en main des préfets

Dans le futur texte de loi, les préfets auront la possibilité de suspendre des actes pris par des maires "sous la pression de groupes", a annoncé le chef de l'Etat. Cela concerne, par exemple, les décisions locales qui ont pu conduire à instituer des "menus confessionnels" dans les cantines scolaires, à subventionner une association à visée communautariste, à sélection des ouvrages dans une bibliothèque ou à réserver des créneaux horaires aux hommes et aux femmes dans les piscines municipales. En outre, les préfets pourront "se substituer à l'autorité locale" si cette décision n'était pas appliquée. 

Pour ce faire, a précisé le ministère de l'Intérieur mardi 6 octobre, une procédure de "carence républicaine" sera introduite dans le droit. Elle permettra au préfet de suspendre les décisions d'une collectivité qui "méconnaîtraient gravement la neutralité du service public, sous le contrôle du juge administratif". 

La neutralité étendue aux délégations de services publics

Autre mesure d'ordre public, le projet de loi doit également combattre des "contournements" au sein des services publics exercés par des entreprises. L'obligation de neutralité, déjà applicable aux agents publics, sera "étendue aux salariés des entreprises délégataires", c'est-à-dire aux agents de droit privé chargés d'une mission de service public. Emmanuel Macron a cité en exemple le cas où un contrôleur refusait l'accès au bus à une femme en raison de sa tenue, ou un autre cas où des agents portaient des signes ostentatoires dans le cadre de leur mission. Autre exemple cité par Beauvau : celui où une entreprise de transports publics autoriserait dans ses locaux la constitution d'une salle de prière. 

La mesure concerne aussi l'ensemble des organismes parapublics, comme Pôle Emploi, les organismes HLM, chambres consulaires, CAF, CPAM. Le texte donnera au déléguant les moyens, notamment sous forme d'astreintes, de faire respecter le principe neutralité par le délégataire. 

Une charte de laïcité pour toutes les associations

Pour lutter contre "le déploiement de stratégies assumées d'endoctrinement" par le biais des associations sportives, culturelles ou autres, les critères permettant de prononcer une dissolution en conseil des ministres seront étendus au principe "d'atteinte à la dignité de la personne", "atteintes physiques ou psychiques". 

En outre, Emmanuel Macron a confirmé que toute association devra désormais signer "un contrat d'engagement pour le respect des valeurs de la République et des exigences minimales de la vie en société". En cas de non respect de cette "charte de laïcité",  les responsables de l'association devront rembourser les subventions touchées. Le contrôle des associations sera également renforcé. 

Concrètement, le projet de loi "conditionne le versement des aides publiques dès le premier euro", a précisé la place Beauvau, à la signature de ce contrat d'engagement. En outre, il va élargir les motifs de dissolution en conseil des ministres pour les associations "en cas d'atteinte à la dignité de la personne ou lorsque l'association se livre à des pressions psychologiques ou physiques sur les personnes, notamment les publics vulnérables que sont les enfants". Sans attendre la dissolution, un mécanisme de "suspension conservatoire" pourra être mis en oeuvre. 

Fin de l'enseignement à domicile, sauf exception

"Dès la rentrée 2021, l'instruction à l'école sera rendue obligatoire pour tous dès 3 ans", a annoncé vendredi Emmanuel Macron. Si l'enseignement a de fait été rendu obligatoire à 3 ans dès la rentrée 2019, cette annonce vise à empêcher le recours à l'instruction à domicile, qui sera désormais exceptionnelle (pour raison médicale). 

L'objectif affiché par cette mesure est d'empêcher "des contournements", alors que plus de 50.000 enfants suivent l'instruction à domicile actuellement, un chiffre en hausse selon le chef de l'Etat. Selon ce dernier, de nombreuses déscolarisations conduisent actuellement à placer les enfants dans "des écoles illégales" à visée religieuse. 

Concernant l'école, Emmanuel Macron a également confirmé la fin des Elco, afin de mettre un terme à "l'ingérence étrangère" dans l'enseignement des langues à l'école, notamment l'arabe. Enfin, les écoles hors contrat verront leurs contrôles renforcés, qu'il s'agisse du contenu des enseignements, du parcours des personnels ou du financement. 

Interdiction des certificats de virginité

Le projet de loi contiendra l'interdiction et la pénalisation de "toute pratique visant à attester de la virginité d'une femme", a indiqué mardi le ministère de l'Intérieur. 

En outre, il va renforcer la "réserve générale de polygamie" pour la délivrance de tous les titres de séjour, quelle que soit leur nature, et inscrire dans le droit le mécanisme de "réserve héréditaire", permettant de rétablir dans leurs droits les femmes "lésées dans un héritage par l'application d'une loi étrangère". 

Les obligations d'investigations seront par ailleurs renforcées en cas de doute sur le consentement libre dans le cadre des mariages présumés forcés. 

Renforcement de la loi de 1905

"Il nous faut aider l'islam à se structurer pour être un partenaire de la République pour les affaires que nous avons en partage", a énoncé Emmanuel Macron parmi les mesures du projet de loi, vantant l'émergence d'un "islam des Lumières". La future loi sur le séparatisme va ainsi "libérer l'islam en France des influences étrangères" en mettant fin, en quatre ans, au lien de l'islam consulaire impliquant la Turquie, le Maroc et l'Algérie, au profit d'une formation des imams en France. *

En outre, pour lutter contre le financement "opaque" d'associations cultuelles par des fondations ou Etats étrangers, les mosquées seront incitées à basculer du régime de la loi de 1901 à celui de la loi de 1905. "Nous allons répliquer les contraintes qui existaient dans le cadre de la loi de 1905 sans les avantages fiscaux de cette loi. Il ne s’agit pas d’interdire les financements de l’étranger, mais de les rendre transparents", a précisé Emmanuel Macron. Le chef de l'Etat a en outre annoncé un dispositif pour empêcher des "extrémistes" de prendre le contrôle d'une mosquée. 

Plusieurs mesures seront inscrites dans la loi de 1905 : le dispositif "anti-putsch" visant à "protéger les associations cultuelles de prises de contrôle malveillantes", mais également les dispositions en matière de police des cultes visant à préserver les lieux de culte "d'agissement et de diffusion d'idées et de propos hostiles aux lois de la Républiques", selon la place Beauvau. 

Emmanuel Macron a en outre annoncé que le Conseil français du culte musulman (CFCM) aurait la responsabilité de "former une génération d'imams promouvant une vision compatible avec les valeurs de la République". Le CFCM doit finaliser d'ici six mois un travail de labélisation des formations, de certification des imams et de rédaction d'une charte contraignante pour ces derniers.

Renforcer la recherche et l'enseignement de l'islam

Le soutien à la structuration d'un islam à la française s'accompagnera de mesures en faveur de l'enseignement supérieur, a également annoncé Emmanuel Macron. L'Etat soutiendra à ce titre la Fondation de l'islam de France à travers un investissement de 10 millions d'euros, et un "institut scientifique d'islamologie" sera créé, ainsi que des postes supplémentaires dans l'enseignement supérieur pour "continuer le travail sur la civilisation musulmane".

"Je vois des théories en sciences sociales de tradition anglo-saxonne totalement importées. Nous devons réinvestir le champ des sciences sociales et de l'histoire, en développant la controverse scientifique", a fait valoir le chef de l'Etat. Ce dernier souhaite en outre "enseigner davantage la langue arabe", dans le cadre scolaire ou périscolaire, avec "d'ici à deux ans, une politique de connaissance des langues à l'école, des enseignants et des locuteurs certifiés".

Enseigner davantage la langue arabe, école ou périscolaire. Plus de 60000 jeunes vont l’apprendre pour le pire. D’ici à deux ans, une politique de connaissance des langues de civilisation à l’école, avec enseignants et locuteurs certifiés. 

Au-delà du projet de loi, Emmanuel Macron a estimé que le combat contre le séparatisme consistait à "refaire entrer la République dans le concret des vies". Il a cité des mesures déjà prises comme le dédoublement des classes pour 300.000 élèves, l'ouverture de 80 "cités éducatives", les moyens supplémentaires pour la rénovation urbaine ou encore l'extension des horaires des bibliothèques. L'enjeu est "d'assurer une présence républicaine au bas de chaque immeuble", a promis Emmanuel Macron, annonçant des investissements supplémentaires dans l'Anru, des moyens de police et de gendarmerie, ainsi que la mobilisation d'une part du plan de relance économique au profit des quartiers populaires. 


Vincent MICHELON

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