Enseignement de la Shoah : "La culture populaire est très importante dans la transmission"

Publié le 22 janvier 2020 à 21h20

Source : Sujet TF1 Info

MÉMOIRE - Selon un sondage publié mercredi, 1 Français sur 4 de moins de 38 ans n'aurait jamais entendu parler de la Shoah. Prudent à propos de ces chiffres, l'historien Tal Brutmann, spécialiste de la Shoah, estime que l'enseignement de sujet s'est amélioré au cours du temps.

Un sondage inquiétant sur le niveau de connaissance des Français à propos de la Shoah. Selon une étude publiée mercredi 22 janvier par l'institut Shoen Consulting, 57% des Français ignoreraient le nombre de juifs tués dans les camps d'extermination, et un quart des personnes âgées de moins de 38 ans affirmerait ne pas avoir entendu parler de la Shoah. 

En outre, selon cette étude réalisée par téléphone et en ligne entre les 9 et 16 novembre 2019 auprès de 1100 personnes de plus de 18 ans, 10% des sondés penseraient que "soit l'Holocauste est un mythe, soit le nombre de juifs assassinés pendant l'Holocauste a été largement exagéré". 

La pédagogie de l'enseignement français en la matière est-elle en cause ? Très prudent quant aux résultats du sondage cité, l'historien Tal Bruttmann, spécialiste de la Shoah et de son enseignement, estime que le niveau de connaissance dépend notamment du milieu familial et social. 

LCI : Un sondage paru ce jour indique que six Français sur dix ignoreraient le nombre de victimes de la Shoah, en particulier chez les jeunes. Ces résultats vous surprennent-ils ?

Tal Bruttmann : Le problème avec ce type de sondage est de savoir comment il a été réalisé en détail. Quand il indique qu’un quart des "moins de 38 ans" disent ne pas avoir entendu parler de la Shoah, cela n’est pas significatif. S’agit-il de personnes âgées plutôt de 18 ans, ou de 35 ans ? Nombre d’entre eux vont en effet acquérir ce savoir entre 18 et 35 ans. Si la Shoah a été enseignée au lycée, on peut avoir oublié cet enseignement, avant de l’acquérir à nouveau plus tard. Cela dépend beaucoup du niveau de culture des gens. On peut toutefois retenir que 84% des personnes interrogées disent avoir entendu parler de la Shoah, ce qui est loin d’être négligeable. 

Un autre chiffre semble intéressant, celui des 10% de négationnistes [selon le sondage, ces 10% de personnes interrogées pensent que "soit l’Holocauste est un mythe, soit le nombre de Juifs assassinés pendant l’Holocauste a été largement exagéré", ndlr]. Il y a toujours une frange imprégnée de négationnisme, bien qu’on ne sache pas dans ce sondage qui est inclus dedans, des jeunes ou des moins jeunes… 

Les enseignants sont mieux formés qu'avant
Tal Bruttmann, historien

LCI : Selon ce sondage, l’acquisition des connaissances sur la Shoah passe souvent par la lecture du "Journal d’Anne Frank" ou la découverte de "La Liste de Schindler", le film de Steven Spielberg…

Tal Bruttmann : Cela montre que la culture populaire est très importante dans la transmission. Cela montre aussi que l’Education nationale ne doit pas être seule à apporter sa part. D’ailleurs, les personnes interrogées estiment que l’école n’est pas le seul lieu d’enseignement, et que c’est aussi le rôle de la famille, ce qui est une approche intelligente. 

LCI : Y a-t-il un âge où l’on acquiert en particulier ces connaissances ?

Tal Bruttmann : Cela dépend entièrement de votre milieu familial. Je connais une famille dont un enfant en a entendu parler dès l’âge de 7 ans. Cela est très compliqué à déterminer. En général, vous avez entendu parlez de la Shoah à l’adolescence, mais il n’est pas possible d’obliger les gens à s’y intéresser. 

LCI : La pédagogie de l’enseignement de la Shoah a-t-elle évolué au cours des dernières années ?

Tal Bruttmann : Les enseignants sont mieux formés qu’avant, notamment sur la distinction entre la Shoah et la question du système concentrationnaire. L’enseignement évolue en permanence. Si le volume horaire n’a pas augmenté, la spécificité de la Shoah est mieux maîtrisée. En outre, avec Internet, les ressources sur le sujet sont beaucoup plus nombreuses.

Les déplacements scolaires dans les camps, Auschwitz, Drancy, ou au Mémorial de la Shoah, participent de cet enseignement. S’ils sont coûteux à organiser, ils concernent probablement chaque année des dizaines de milliers d’élèves, ce qui est loin d’être négligeable. 


Vincent MICHELON

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