Extinction Rebellion : le mouvement bénéficie-t-il d'une forme "de tolérance" des autorités ?

Publié le 11 octobre 2019 à 19h05
Extinction Rebellion : le mouvement bénéficie-t-il d'une forme "de tolérance" des autorités ?
Source : JACQUES DEMARTHON / AFP

À LA LOUPE – Mobilisés à Paris depuis le début de la semaine, les militants du mouvement Extinction Rebellion ont bloqué ponts et rues sans jamais être délogés. L'absence de réaction des forces de l'ordre et des autorités questionne, y compris au sein du mouvement écolo. Une stratégie délibérée ?

Place du Châtelet, rue de Rivoli… Les blocages du mouvement écologiste Extinction Rebellion (XR) se sont multipliées toute la semaine à Paris.  Et des actions d'envergure sont encore prévues ce week-end. Non-violente, l'organisation multiplie les actions dans la capitale, mais aussi dans 50 pays à travers le monde. A Londres, New York ou encore Sydney, les actions entreprises par les militants ont entraîné des interventions policières. 

Il n'en est rien à Paris où malgré le blocage d'axes routiers, l'occupation de places publiques, aucune intervention policière n'avait été signalée à l'heure où nous écrivons ces lignes. Des scènes de calme qui contrastent avec le climat de tension qui entoure les mobilisations sociales des derniers mois, en particulier celles des Gilets jaunes. La tolérance apparente qui s'observe autour de XR étonne, comme en témoignent certains messages sur les réseaux sociaux.

Figure des Gilets jaunes, Maxime "Fly rider" Nicolle s'est montré très remonté dans un live vidéo partagé sur Youtube : "Ils débarquent après 10 mois de mouvement social […] où on se fait démonter la gueule tous les weekends, on se fait démonter médiatiquement, on se fait démonter judiciairement, on se fait démonter policièrement. […] Le signe Extinction Rebellion, on va se le foutre sur les gilets jaunes, peut-être que ça va passer !" 

Surpris au sein même du mouvement

Du côté d'Extinction Rebellion, on s'avoue surpris par la (non) réaction des autorités. "Nous avons été un peu étonnés", confie à LCI une militante, "mais de toute façon, face à notre mode d'action, ils sont un peu coincés : si on nous évacue alors que l'on agit dans le calme, on obtient le soutien de la population, et si les autorités ne font rien, ce n'est pas moins efficace et nous pouvons poursuivre nos actions". Elle dément la levée de camp un temps annoncée, "nous allons juste nous réorganiser pour ne pas y perdre trop d'énergie", et explique qu'aucun contact n'a été noué avec la préfecture de police. Contactée, cette dernière ne s'est pas encore exprimée sur d'éventuelles consignes de "tolérance". 

La mairie de Paris ne s'est pas non plus prononcée sur la question. On peut toutefois noter qu'Anne Hidalgo a affiché un soutien prudent au mouvement, comme à "toutes les actions pacifiques". Du côté de XR, on précise que si des discussions ont eu lieu avec la municipalité, elles n'ont porté que sur des points de logistique : "pour que l'on s'organise avec les poubelles, ce genre de choses". Face à cette situation, la cheffe de file du groupe LRI (Les Républicains et indépendants au Conseil de Paris, Marie-Claire Carrère-Gée, a pris la parole. Fustigeant sur RTL une " poignée de militants d'extrême-gauche qui instrumentalisent une cause qui est très juste", elle souhaite que les autorités cessent de se "faire les complices" du mouvement écologiste. 

Une nouvelle approche des mouvements sociaux ?

Comment expliquer que des occupations illégales, à l'instar de celle observée dans le centre commercial Italie 2 à Paris, n'aient pas donné lieu à des évacuations ? Les militants d'Extinction Rebellion émettent des hypothèses : "On imagine assez facilement que la préfecture tente, entre guillemets, de profiter de la situation", glisse l'une d'entre eux, "des éventuels débordements pourraient alors justifier une évacuation." Et légitimer, de fait, une action policière. 

Lors d'une assemblée générale de XR, plusieurs intervenants se sont interrogés sur cette situation, assurant se trouver face à "un dilemme". "Si on reste et qu'il se passe quoi que ce soit, on se tire une balle dans le pied", analysait l'un deux. Ces opérations, qui avaient vocation "à créer des perturbations", se retrouvent en quelque sorte contrecarrées si elles se déroulent avec une forme d'aval des autorités. 

Il y a quelques jours, le mouvement avaient réagi sur sa page Facebook, répondant à une série d'interrogations dans une publication. "Si nous ne subissons pas beaucoup de répression (malgré les appels de Ségolène Royal) c'est surtout que les images du gazage du Pont de Sully ont fait le tour du monde et ont rendu la tâche des forces de l'ordre bien plus difficile", peut-on notamment lire. Une référence à une précédente mobilisation à Paris fin juin, conclue par une intervention policière très musclée. "Nous n'avons aucun lien avec le gouvernement et nous n'agissons pas dans leur intérêt", précise XR.

Quoi qu'il en soit, la gestion de ce mouvement aujourd'hui dans la capitale tranche avec la situation dans d'autres pays. Rien qu'au Royaume-Uni, au moins 1.000 ont été arrêtées par les forces de police depuis le début de la semaine, suite – entre autres –, à des blocages à Heathrow, le plus grand aéroport de Londres et d'Europe.

Vous souhaitez réagir à cet article, nous poser des questions ou nous soumettre une information qui ne vous paraît pas fiable ? N'hésitez pas à nous écrire à l'adresse alaloupe@tf1.fr.


Thomas DESZPOT

Tout
TF1 Info