Fermeture de la mosquée de Pantin : "On est en train de tout mélanger", estiment les fidèles

M.D.
Publié le 20 octobre 2020 à 18h26

Source : TF1 Info

ATTENTAT - La mosquée de Pantin devra fermer ses portes mercredi soir et pour une durée de six mois. En cause, notamment, une vidéo relayée sur la page Facebook du lieu de culte susceptible d'avoir facilité le meurtre sauvage de Samuel Paty, le 16 octobre à Conflans-Sainte-Honorine ainsi que la personnalité controversée de l'imam. Les fidèles rencontrés ce mardi matin aux abords de la mosquée jugent la décision injuste et disproportionnée.

"J’ai les larmes aux yeux", se lamente une mère de famille, qui pratique depuis un an dans ce lieu de culte. "La mosquée de Pantin n’est pas fréquentée pas des extrémistes", assène-t-elle, masque sur le menton et coiffée d’un turban, à l'entrée du lieu de culte. Pour elle comme pour les 1.300 fidèles qui se rendent chaque semaine à la Grande Mosquée de Pantin (Seine-Saint-Denis), c'est la consternation ce mardi matin. "Je viens ici pour prier depuis quatre ans. Je connais bien l’imam. C’est quelqu’un de bien. Il mettait les jeunes dans le droit chemin", soutient-elle, encore abasourdie par la nouvelle.

D’ici quarante-huit heures, suite à un arrêté délivré lundi soir par le préfet, le lieu de culte, considéré par les autorités comme un repaire de la "mouvance islamiste radicale", devra fermer ses portes "pour une durée de six mois". Nadia, 46 ans, juge la décision disproportionnée. "Je suis contre ce qui s’est passé avec le prof, mais fermer cette mosquée c’est dommage, l’islam est contre toutes les violences", souligne-t-elle. "Le parent d’élève n’a pas envoyé un message pour aller tuer des gens. Cette mosquée et les gens qui la fréquentent n'ont rien à voir avec le terrorisme", clame un jeune fidèle, rencontré aux abords de la mosquée. "On est en train de tout mélanger", déplore-t-il, agacé.

La décision fait suite à la diffusion d'une vidéo postée sur les réseaux sociaux par le père d’un élève de 4ème du collège du Bois d’Aulne, à Conflans-Sainte-Honorine dans les Yvelines, où Samuel Paty enseignait l’histoire et la géographie. Dans cette vidéo, le parent d’élève y assénait que le professeur avait montré des "images pornographiques" à sa fille le 5 octobre en classe. Il s’avère en réalité qu’il s’agissait de caricatures de Mahomet dans le cadre d’un cours consacré à la liberté d’expression. 

M'hammed Henniche, le responsable de la mosquée de Pantin, a relayé la séquence sur la page Facebook du lieu de culte le 9 octobre dernier. Les autorités reprochent notamment au dirigeant de la mosquée de n’avoir pas supprimé ni même modéré l’adresse du collège. D'où la décision de fermer le lieu de culte.  Le prédicateur a lui-même reconnu lundi "une maladresse" et a tenu à s'en expliquer.

"Je ne valide pas la première partie (de la vidéo) dans laquelle il parle des caricatures, mais la deuxième partie, quand les musulmans ont été pointés dans la classe", a fait "peur" à de nombreux musulmans, craignant "le début d'une nouvelle discrimination", a  ainsi expliqué M'hammed Henniche, par ailleurs secrétaire général de l'Union des associations musulmanes de Seine-Saint-Denis (UAM 93).

Ibrahim Doucouré, un imam à la réputation sulfureuse

L’arrêté de trois pages présente d’autres arguments pour justifier la fermeture du lieu de culte, pointant entre autres des "liens avec le salafisme" qu'entretient la mosquée, sa fréquentation par "des personnes impliquées dans la mouvance djihadiste" et la personnalité trouble d'un imam, Ibrahim Doucouré. "Impliqué dans la mouvance islamiste radicale d’île-de-France", formé pendant deux ans dans un "institut fondamentaliste" au Yémen, rapporte l'arrêté, M. Doucouré a également scolarisé trois de ses enfants dans une école clandestine, à Bobigny. Cette école, pilotée par l'association "Apprendre et Comprendre", a été fermée le 8 octobre par la préfecture de Seine-Saint-Denis, dénonçant un fonctionnement "hors de la loi et des principes républicains".

Pour le maire de Pantin Bertrand Kern, la direction de la mosquée de Pantin "a fait une gigantesque bêtise que je condamne". L'édile craint toutefois qu'elle "jette l'opprobre sur tous les fidèles", alors que "l'immense majorité" sont "modérés". La fermeture temporaire de cette mosquée s'inscrit dans la contre-offensive lancée par le ministère de l'Intérieur, qui a promis "une guerre contre les ennemis de la République" et lancé une série d'opérations visant la mouvance islamiste, à la suite de l'assassinat de Samuel Paty, auquel un hommage national sera rendu mercredi. "Aucun élément ne m'a été communiqué jusqu'ici qui permettrait de dire que cette mosquée est contrôlée par l’islamisme", admet pourtant le maire de Pantin, soulignant qu'un "seul imam (M. Doucouré, ndlr) pose problème". 


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