Mort de Samuel Paty : pourquoi appelle-t-on les professeurs les "Hussards noirs de la République" ?

Publié le 21 octobre 2020 à 12h30

Source : TF1 Info

SIGNIFICATION - Les réactions ont été nombreuses après la mort d’un enseignant vendredi 16 octobre, certains, Christophe Castaner en tête, rendant hommage "aux Hussards Noirs de la République qui, chaque jour, en transmettent les valeurs". Mais d'où vient cette expression pour désigner des professeurs ?

Ils sont réputés porter l'arme de la connaissance face à l'obscurantisme et pour défendre les valeurs républicaines : les "Hussards noirs", une expression qui était brandie sur des badges lors des manifestations dimanche en hommage à cet enseignant mort décapité vendredi 16 octobre pour avoir tenu un cours sur la liberté d'expression. 

Mais d'où vient cette expression ? Pourquoi des "Hussards noirs" ? A l'origine, au début du XXe siècle, les "Hussards noirs" étaient les surnoms attribués aux instituteurs publics sous la IIIe République après le vote des lois scolaires dites "lois Jules Ferry" et le vote de la loi de séparation des Églises et de l'État en 1905, délimitant ainsi une frontière entre le social et l'intime. 

L'écrivain Charles Peguy, auteur de l'expression "Hussards noirs de la République"
L'écrivain Charles Peguy, auteur de l'expression "Hussards noirs de la République" - AFP

Cette expression de "Hussard noir", on la sait inventée par Charles Peguy. Elle désignait sous la plume de l'écrivain les normaliens du siècle précédent dans ces écoles créées selon la loi Guizot de 1833 pour les garçons. Décrivant leur uniforme noir à pantalon, gilet, longue redingote et casquette plate noirs, il l'emploie au moment d'évoquer ses souvenirs d'écolier en culotte courte à l'école primaire annexe de l'École normale de garçons d'Orléans qu'il fréquenta de 1879 à 1885 : "Porté par ces gamins qui étaient vraiment les enfants de la République. Par ces jeunes hussards noirs de la République. Par ces nourrissons de la République. Ils avaient au moins quinze ans. Toutes les semaines, il en remontait un de l'école normale vers l'école annexe; et c'était toujours un nouveau" (Charles Péguy, in Les Cahiers de la quinzaine, 16 février 1913). 

Des instituteurs chargés de promouvoir des valeurs patriotiques et citoyennes

En 1879, les républicains remportent les élections et l'arrivée de Jules Ferry au ministère de l'Instruction publique et des Beaux-Arts puis à la présidence du Conseil va changer la donne. Précisément avec la loi Bert de cette même année, où les écoles normales deviennent obligatoires dans chaque département pour les garçons mais aussi pour les filles. 

A une époque où la question de l’enseignement du peuple se révèle un fondamental enjeu politique national et alors que le suffrage universel permet désormais au peuple de s’exprimer, il s'agit d'amener les enfants vers la lumière du savoir et d'aiguiser leur esprit critique. Ainsi, au diapason, Jules Ferry voulait ancrer définitivement les valeurs républicaines dans l’esprit des jeunes générations par l’éducation. Lors d'une séance parlementaire du 20 juin 1894, il qualifiera ainsi les instituteurs d'une nouvelle génération de "serviteurs de la République sociale ; des instituteurs de la liberté qui doivent l’enseigner à l’école et la répandre en dehors, notamment quand elle est menacée".

C'est en 1913 qu les instituteurs commenceront à être surnommés les "Hussards noirs". Une expression pour qualifier l'esprit missionnaire qui les animait, promoteurs de l'instruction obligatoire, gratuite et laïque. Un vœu qui concernerait tous les garçons et de toutes les filles de France âgés de 6 à 11 ans pour ceux admis au certificat d'études primaires, ou jusqu'à 13 ans pour les autres dans un cadre républicain et civique. Des instituteurs représentant une autorité morale, civique et intellectuelle décrits par l'écrivain Marcel Pagnol, dont le père était instituteur, dans La gloire de mon père...


La rédaction de TF1info

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