IVG : les députés votent l'allongement du délai légal de 12 à 14 semaines

Publié le 8 octobre 2020 à 20h55
Un centre de planification familiale à Paris.
Un centre de planification familiale à Paris. - Source : JACQUES DEMARTHON / AFP

AVORTEMENT - Les députés ont adopté jeudi une proposition de loi portée par des députés de plusieurs bords, dont EDS et LaREM, visant notamment à prolonger de 12 à 14 semaines la limite légale pour pratiquer un avortement. Le gouvernement, très prudent sur ce sujet, avait saisi le Comité national consultatif d'éthique.

La majorité accélère sur le droit à l'avortement, quitte à bousculer le gouvernement. Une proposition de loi transpartisane initiée par le groupe Écologie Démocratie Solidarité (EDS) et soutenue par LaREM a été adoptée jeudi 8 octobre à l'Assemblée nationale. Le texte, qui prévoit notamment l'allongement du délai légal pour recourir à l'avortement de 12 à 14 semaines, a recueilli 86 voix pour et 59 contre, à l'issue d'échanges houleux.

Il s'appuie notamment sur un rapport adopté en septembre par la délégation aux Droits des femmes, portée par la députée EDS Albane Gaillot, ainsi que les députées Cécile Muschotti (LaREM) et Marie-Noëlle Battistel (PS). 

Des "freins" à l'IVG

Le rapport parlementaire, adopté le 30 septembre en commission, s'est employé à "identifier les freins persistant aujourd'hui encore dans l'accès à ce droit", avec un constat central : le manque de médecins pratiquant l'IVG dans notre pays, soit 2,9% des généralistes et gynécologues, et 3,5% des sages-femmes. Le manque est particulièrement criant passé les délais de l'IVG médicamenteuse (jusqu'à 7 semaines de grossesse), lorsqu'il devient nécessaire de pratiquer une IVG chirurgicale. 

Les auteures justifient le rallongement de 12 à 14 semaines par "l'errance médicale" ou les "délais de rendez-vous trop longs" que peuvent rencontrer les femmes, avec le risque de se trouver au-delà du cadre légal actuel. "On évalue entre 3000 et 5000 le nombre de femmes qui se rendraient chaque année à l'étranger" pour pratiquer une IVG au-delà des 12 semaines, nous indiquait, le 17 septembre, Cécile Muschotti. "Mais les ARS sont dans l'incapacité de nous fournir des chiffres exacts.

Plusieurs mesures fortes

La proposition de loi prévoyait quatre articles réformant l'accès à l'IVG, répondant à des demandes anciennes de certaines associations féministes. L'article 1, adopté jeudi matin, consacre l'extension de 12 à 14 semaines du délai légal autorisant la pratique d'une IVG. L'article 1 bis, également adopté, prévoit la possibilité, pour les sages-femmes, de pratiquer une IVG chirurgicale jusqu'à la fin de la 10e semaine, une possibilité réservée jusqu'ici aux médecins. L'article 1 ter supprime pour sa part de délai de réflexion de 48 heures entre l'entretien psychosocial et la décision formelle de faire une IVG. Ce délai avait déjà été ramené de 7 jours à 48 heures par la loi de janvier 2016.

L'article 2, lui aussi voté, supprime la double clause de conscience des praticiens, instaurée depuis 1975, qui permet aux médecins qui refusent de pratiquer l'IVG d'invoquer à la fois la clause de conscience générale et une clause spécifique à l'IVG. La proposition de loi stipule que "un médecin ou une sage-femme qui refuse de pratique une IVG doit informer, sans délai, l'intéressée de son refus et lui communiquer immédiatement le nom de praticiens ou de sages-femmes susceptibles de réaliser cette intervention". Un amendement à l'article 2 modifie en outre le code de la santé en interdisant à un professionnel de santé, en l'occurrence un pharmacien, la délivrance d'un moyen de contraception d'urgence. 

Une autre mesure, très symbolique également, modifie les conditions d'examen des demandes d'interruption médicale de grossesse (IMG), qui intervient lorsqu'une grossesse met en péril grave la santé de la femme enceinte ou bien lorsqu'il existe une forte probabilité pour que l'enfant à naître soit atteint d'une affection incurable. Le motif de "détresse psychosociale" est inscrit par l'article 4 parmi les motifs de péril grave.

Le gouvernement prudent

Si "un grand nombre" de députés LaREM a voté en faveur du texte, le gouvernement a fait preuve de prudence. Le ministre de la Santé Olivier Véran a saisi, mardi 6 octobre, le Comité consultatif national d'éthique (CCNE), qui devrait rendre son avis avant le passage de la proposition de loi au Sénat. Jeudi, le gouvernement a émis "un avis de sagesse", s'en remettant à la décision des députés sans émettre d'avis favorable ou défavorable.

Matignon cherche en effet sur le sujet un consensus politique, similaire à celui qui avait été trouvé lors des débats sur la loi bioéthique, qui portait notamment l'élargissement de l'accès à la PMA. Si la proposition de loi repose sur l'avis de nombreux médecins et associations, le Collège national des gynécologues et obstétriciens français (CNGOF), rétif à un tel allongement du délai légal, plaide plutôt pour que l'on "donne les moyens aux hôpitaux de recevoir les femmes en demande d'IVG en urgence, sans les faire traîner". Le Syndicat national des gynécologues et obstétriciens de France (Syngof) comme le Conseil national de l'ordre des médecins s'opposent par ailleurs à la suppression de la double clause de conscience.

Les projets de réforme de l'IVG suscitent traditionnellement des passions lors des débats parlementaires. En mai, le Sénat avait rejeté de justesse une proposition de la gauche visant à rallonger le délai de 12 à 14 semaine durant la période de l'état d'urgence sanitaire, la crise du Covid ayant eu d'importantes conséquences sur les recours à l'IVG. Selon le ministère de la Santé, 224.338 IVG ont été pratiquées en 2018 en France, un chiffre relativement stable depuis 2006.


Vincent MICHELON

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