DÉMOGRAPHIE - Rachida Dati a indiqué que les écoles parisiennes comptaient depuis la rentrée près de 4.000 élèves en moins. Un chiffre exact que la maire LR du 7e arrondissement analyse toutefois de manière trompeuse.
Invitée d'Europe 1 ce jeudi matin, Rachida Dati a livré un jugement sévère sur la manière dont le gouvernement a géré la crise sanitaire. La maire Les Républicains du 7e arrondissement de Paris a notamment indiqué qu'à sa place, elle aurait adopté des mesures différentes, et notamment "adapté le système de santé". Par ailleurs, a-t-elle assuré, "on aurait adapté les écoles, les universités, pour avoir d'autres locaux, pour pouvoir réadapter en mode Covid toutes ces activités".
La journaliste a alors rebondi sur la question des écoles en demandant à l'ancienne ministre si dans son arrondissement, des parents lui avaient indiqué ne plus vouloir amener leurs enfants à l'école. Ce à quoi Rachida Dati a répondu avec un chiffre marquant. "À Paris", a-t-elle lancé, "nous avons une chute vertigineuse du nombre d'enfants scolarisés : - 3.700 enfants depuis la rentrée scolaire."
Rachida Dati : "A Paris, nous avons une chute vertigineuse du nombre d'enfants scolarisés : - 3.700 enfants depuis la rentrée scolaire" #Europe1 #Covid19 pic.twitter.com/ncRj9t8WeT — Europe 1 🎧🌍📻 (@Europe1) October 15, 2020
Une baisse importante et continue
Élue parisienne, Rachida Dati a ici utilisé un chiffre bien avéré. Contactée par LCI, l'académie de Paris confirme que 3.723 élèves en moins ont été dénombrés depuis la rentrée dans le premier degré. Un mouvement à la baisse "constant depuis une dizaine d'années maintenant et qui se révèle un peu plus fort cette année". Sur les dernières années, les baisses avaient été de 2.770 élèves en 2019, de 2.095 en 2018, de 2.925 en 2017 et de 2.652 en 2016. Alors qu'un peu plus de 120.000 élèves étaient recensés dans le premier degré à Paris l'an passé, "il ne s'agit pas d'une baisse majeure", nous confie-t-on.
Si les chiffres de la maire d'arrondissement sont justes, il ne faut pas oublier de souligner qu'ils s'inscrivent dans une dynamique globale observée depuis près d'une décennie. L'Education nationale s'attendait d'ailleurs à "nouvelle baisse attendue de la démographie scolaire" pour cette rentrée. Des prédictions qui se montraient néanmoins plus faibles, puisque l'on tablait au printemps sur une diminution "de l’ordre de 2000 élèves".
Un mouvement complexe
Dans son argumentation, Rachida Dati dégaine ces chiffres au milieu de ses critiques contre les autorités, laissant entendre qu'il y aurait un lien entre la baisse du nombre d'élèves et le fait que des parents les auraient retirés des établissements scolaires en raison de la gestion de la crise sanitaire. Pour autant, établir un tel parallèle semble plus que délicat, voire trompeur.
La démographie scolaire parisienne est en effet bien connue, et les baisses enregistrées ont été à de nombreuses reprises évoquées. Elle est est "la conséquence d’évolutions plus profondes, mêlant baisse de la natalité, soubresauts du marché de l’immobilier, du tourisme, de l’emploi", écrivait ainsi Le Monde en 2018. La municipalité quant à elle insiste régulièrement sur le fait que les tensions sur le marché de l'immobilier ne sont pas favorables aux familles, et que celles-ci peinent à vivre dans la capitale. Le manque de logement est aussi mentionné, avec la plateforme Airbnb en ligne de mire.
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Il convient aussi de se pencher en détails sur la question des évolutions démographiques à l'échelle de la capitale et de la France. "La diminution du nombre de femmes en âge de procréer et la crise économique de 2008 ont entraîné une baisse des naissances en France, baisse qui est plus forte à Paris", rappelle Le Monde. "Le nombre de naissances y est passé de 31 940 en 2000 à 28 384 en 2016. Le nombre d’enfants par femme est traditionnellement plus faible à Paris que dans le reste de la France, les célibataires y étant proportionnellement plus nombreuses. Par ailleurs, les parisiennes, plus diplômées, ont des enfants plus tard, ce qui peut avoir un effet sur le nombre de naissances, la fécondité diminuant avec l’âge."
Si une baisse dans le public s'observe, le directeur diocésain de l'enseignement catholique à Paris évoque de son côté une situation "stable". Jean-François Canteneur ne conclut donc pas à une migration vers le privé et estime peu probable que l'on puisse à l'avenir constater un effet Covid "qui serait significatif dans les chiffres", y compris dans le public. "Ce qui est significatif mais qui était attendu", ajoute-t-il, "c'est une stagnation ou une diminution de la population scolaire dans Paris". Et ce jusqu'à au moins 2024. Un phénomène qu'il est possible d'anticiper en suivant "les naissances".
La dernière hypothèse à explorer concerne l'enseignement à domicile, qui pourrait avoir été privilégié par les parents. LCI s'est donc rapproché du CNED, qui glisse ne pas observer pour l'heure de hausse massive. Sans pour autant dresser de conclusions puisque "la majorité des inscriptions ont lieu tous les ans plutôt de la fin septembre à la fin octobre que ce soit pour les inscriptions en scolarité réglementée (avec l'autorisation du Directeur académique des services de l'éducation nationale) ou en scolarité libre". Il est donc trop tôt pour effectuer des jugements définitifs.
En résumé, Rachida Dati utilise des chiffres tout à fait justes lorsqu'elle évoque la baisse du nombre d'élèves à Paris en cette rentrée. Néanmoins, l'utiliser comme un argument politique pour le lier à la gestion du Covid par les autorités apparaît trompeur au regard de la dynamique suivie par la démographie scolaire dans la capitale depuis une décennie. Il est en effet courant depuis plusieurs années d'observer des baisses, même s'il convient de souligner que celle observée pour la rentrée 2020 est plus importante que celles des dernières années.
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