Loi énergie-climat : les passoires énergétiques pourront finalement être louées, contrairement à la promesse du candidat Macron

par Matthieu JUBLIN
Publié le 25 juillet 2019 à 21h54
Loi énergie-climat : les passoires énergétiques pourront finalement être louées, contrairement à la promesse du candidat Macron
Source : DAMIEN MEYER / AFP

RÉCHAUFFEMENT - Alors que le candidat Macron avait annoncé l'interdiction de la location des passoires énergétiques, députés et sénateurs réunis ont acté l'abandon de cette promesse, à l'issue de la commission mixte paritaire de ce jeudi sur le contenu de la loi énergie.

C'est une promesse présidentielle qui n'a pas passé le stade du Parlement. Alors que le programme du candidat Macron prévoyait que les "passoires énergétiques" - qui représentent actuellement  7,5 millions de logements, soit un quart du parc -  seraient "interdites de location à compter de 2025", la mesure ne figurera pas dans le projet de loi énergie et climat, après un accord entre députés et sénateurs ce jeudi lors d'une commission mixte paritaire (CMP). 

C'est peu dire que le sujet a fait débat au sein de l'Assemblée, puis du Sénat... puis entre députés et sénateurs en CMP. Finalement, le texte issu de cette dernière fait figure de compromis final, et sera vraisemblablement adopté à la rentrée par les deux assemblées. Mais que dit-il exactement, et pourquoi n'a-t-il pas retenu la promesse présidentielle ?

Que dit le texte issu de l'accord entre députés et sénateurs ?

Le projet de loi énergie et climat comporte des mesures très variées : neutralité carbone à l'horizon 2050, baisse de 40% de la consommation d'énergies fossiles d'ici à 2030, fermeture des dernières centrales à charbon en 2022, réduction à 50% de la part du nucléaire dans la production électrique en 2035 au lieu de 2025, pérennisation du Haut-conseil pour le climat. Si toutes ces mesures ont fait l'objet d'un relatif consensus au sein des assemblées, ce n'est pas le cas de celles consacrées aux passoires énergétiques.

Alors que la consommation énergétique des bâtiment représente 45% de l'énergie du pays et 25% des émissions de gaz à effet de serre, les parlementaires se sont écharpés sur la solution pour traiter les logements les plus énergivores. Au sein du parc privé, 43% des logements sont considérés comme des passoires énergétiques, c'est-à-dire qu'ils sont classés F ou G dans les diagnostics de performance énergétique car ils consomment plus de 350 kilowattheures (kWh) par mètre carré et par an. Or les précédentes mesures ont échoué depuis 2012 à remplir l'objectif de 150.000 rénovations annuelles de passoires thermiques.

Pour remédier au problème, c'est la vision des députés qui a été retenue, et cette vision est résumée en 3 étapes : "information, obligation, sanction". Le texte issu de la CMP oblige donc d'abord les propriétaires de ces passoires énergétiques à réaliser un "audit énergétique" et à informer les locataires ou acquéreurs de leur bien sur les dépenses énergétiques liés à celui-ci. 

Ensuite, à partir de 2021, le loyer d'un logement classé F ou G ne pourra plus augmenter à la faveur d'un changement de locataire. Les sénateurs avaient souhaité différer cette mesure à 2024, sans succès. Enfin, à partir de 2028, les propriétaires de ces logements écoperont de sanctions, mais les parlementaires ne plancheront sur ces sanctions qu'en 2023. Ils feront cette même année un premier bilan des mesures d'information mises en place en 2022.

Contrainte ou incitation à rénover : comment les parlementaires se sont écharpés

Certains députés - dont des membres de la majorité - et certains sénateurs souhaitaient une loi plus contraignante, et des sanctions intervenant plus tôt. Ainsi, les députés de la commission du développement durable s'étaient prononcés en juin pour l'interdiction de location des passoires énergétiques d'ici à 2028... avant que cette mesure ne soit rejetée par le gouvernement et les députés de la commission des affaires économiques, qui jugeaient la mesure contraignante pour les propriétaires modestes. 

Les sénateurs, qui favorisaient un calendrier moins contraignant, avaient malgré tout adopté une mesure coercitive : le classement d'un logement comme "indécent" s'il dépasse une consommation de 330 kilowattheures par mètre carré et par an. Ce qui revenait à sortir du marché tous les logements classés F et G.

Au final, aucune de ces propositions ne sera retenue. Pour les rapporteurs du projet de loi en CMP, le député Anthony Cellier (LREM) et le sénateur Daniel Grémillet (LR), c'est préférable. Joint par LCI, le premier estime que "la notion d’interdiction n'est pas un bon signal envoyé à la filière", tout en admettant que l'issue de la CMP "peut être frustrante pour certains". L'élu du Gard promet que "si on n'est pas au rendez-vous dans 3 ans, on ira plus loin".

Le second, aussi contacté par LCI, dit "croire à la vertu de l'encouragement" auprès des propriétaires, et juge la mise sous-séquestre des passoires thermiques "contre-productive". Selon le sénateur, "interdire à la location les passoires thermiques aurait sorti du parc locatif plus de 3 millions de logements, ce qui n'est pas possible quand tant de personnes sont touchés par la pénurie de logements". 

Pour le sénateur Ronan Dantec (EELV), qui avait fait voter l'amendement sur le classement en "indécent" des logements F et G, le texte est une "occasion ratée". Joint par LCI, l'élu membre du collectif transpartisan "Urgence climatique", qualifie lui-même son amendement de "provocateur" car "posant de nombreux problèmes techniques", mais affirme que celui-ci avait "comme objectif de souligner l'absence d'opérationnalité des politiques de rénovation thermique, en l'absence de contrainte et financement précis".

Contrainte et financement... Pour le sénateur, ces "deux piliers" ne vont pas l'un sans l'autre. "Je ne comprend pas que l'État n'arrive pas à mettre en place ce tandem, alors que l'argent est là, par celui versé au titre des certificat d'économies d'énergie", poursuit l'élu de Loire-Atlantique. "Il faut recentrer ces ressources sur les dépenses essentielles pour la rénovation, là où on a mis une contrainte par la loi. L'État a des moyens mais il ne les concentre pas. Sans la contrainte et le financement systématique, ça ne peut pas marcher."

Paradoxalement, la question du financement semble faire plus consensus chez ces deux sénateurs, qui se sont opposés sur le caractère contraignant de la rénovation. Le prochain rendez-vous, pour eux, c'est la loi de finances, qui doit montrer combien l'État est prêt à mettre sur la table pour financer ces coûteux travaux.


Matthieu JUBLIN

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