EN CAMPAGNE - Benjamin Griveaux a dénoncé ce mardi 3 septembre une taxe sur les logements vacants imposée par l'équipe d'Anne Hidalgo, une mesure qu'il juge inefficace puisque le nombre de logements inoccupés aurait augmenté sous sa mandature. La réalité n'est pas si tranchée. Explications.
Chahuté par la candidature de Cédric Villani à la mairie de Paris, Benjamin Griveaux assure que son principal adversaire reste l'actuelle maire de Paris, Anne Hidalgo. Sur le plateau de LCI, ce mardi 3 septembre, c'est donc en opposition à l'édile socialiste qu'il a présenté une partie de son programme. Notamment sa vision sur l'épineuse question du logement, un des enjeux majeurs dans la capitale.
Pour le candidat de la majorité présidentielle, contribuer à réduire le nombre de logements inoccupés est une des solutions et si Anne Hidalgo a tenté d'agir, elle a échoué. "A Paris, il y a 17% de logements vacants, avance-t-il face à Elizabeth Martichoux. La ville de Paris - la maire de Paris avec son adjoint au logement, Ian Brossat (...) - a pris une décision : 'on va taxer les logements vacants'".
Une mauvaise idée selon lui : "Vous savez, c’est la bonne vieille recette française où quand vous avez un problème vous créez un impôt et puis le problème va être résolu. Résultat des courses, 5 ans après, à la fin du mandat, vous avez plus de logements vacants qu’au début. Je vais vous dire, l’impôt n’a pas réponse à tout, la taxe n’a pas réponse à tout", conclut-il avant de dérouler son programme.
Ce qu'avance Benjamin Griveaux est-il justifié ? La réponse de Ian Brossat, l'adjoint d'Anne Hidalgo en charge du logement, s'est voulue cinglante : Griveaux "critique la Ville de Paris et la 'taxe sur les logements vacants qui n'a rien changé'. Il ignore donc qu'elle est fixée... par l'État ! Quel dommage qu'il ne se soit pas battu pour la rehausser quand il était au gouvernement. Arrogance, incompétence."
#Griveaux à l'AFP critique la Ville de Paris et la "taxe sur les logements vacants qui n'a rien changé". Il ignore donc qu'elle est fixée... par l'État ! Quel dommage qu'il ne se soit pas battu pour la réhausser quand il était au gouvernement. Arrogance, incompétence. — Ian Brossat (@IanBrossat) September 5, 2019
Alors qui dit vrai ? C'est bien l'Etat qui a mis en place une taxe sur les logements vacants ou TVL, et ce dès 1999. Dans certaines agglomérations où il existe des difficultés d'accès au logement, les propriétaires de logements vacants - c'est-à-dire qu'ils ne sont ni occupés par eux, ni loués -, et non meublés, doivent se soumettre à un impôt forfaitaire. Cette mesure a été renforcée en 2013 : elle concerne davantage de communes, et cible les logements vacants depuis au moins un an (au 1er janvier de l'année d'imposition). Sont toutefois exclues les résidences secondaires et les vacances involontaires, par exemple lorsque le bien ne trouve pas d'acquéreur malgré une mise en vente au prix du marché.
Cette TLV est basée sur la valeur locative du logement (comme la taxe d'habitation), précise l'administration française sur son site : "Le taux appliqué est 12,5 % la 1ère année et de 25 % les années suivantes".
Pour autant, la mairie a bien voté, en conseil municipal, une autre taxe pour pousser les propriétaires de logements vacants à mettre leur bien sur le marché, mais il s'agit d'une majoration de la taxe d'habitation. Là encore, il ne s'agit pas d'une réglementation propre à la ville de Paris. Cette surtaxe sur la part communale de la taxe d’habitation a été instaurée en 2015 par le gouvernement de François Hollande. Elle s'applique cette fois aux résidences secondaires non occupées et meublées - y compris pour ceux qui seraient locataires de leur résidence principale - et vise principalement les propriétaires de maisons de vacances ou de biens loués via Airbnb.
Les villes concernées sont libres de l'appliquer ou non. Ce sont elles également qui, depuis 2017, choisissent le taux de majoration : de 5 à 60% (contre un taux uniforme de 20% de 2015 à 2017). Le conseil municipal de Paris a ainsi voté un rehaussement de cette surtaxe à 60%. Il en est de même à Bagnolet (Seine-Saint-Denis), Fontenay-sous-Bois (val-de-marne), Ambilly (Haute-Savoie), Ustaritz (Pyrénées-Orientales) ou encore Nice (Alpes Maritimes) et Saint-Nazaire (Loire Atlantique). La ville souhaiterait même aller au-delà, mais il faudrait pour cela que le Parlement modifie les textes actuels.
Si Benjamin Griveaux a bien utilisé le terme "taxe sur les logements vacants", son équipe de campagne nous indique que c'est à cette surtaxe qu'il faisait référence.
Une hausse des logements inoccupés ?
Autre élément pointé du doigt par l'ancien porte-parole du gouvernement : les logements vacants auraient augmenté sous le mandat d'Anne Hidalgo. Et d'estimer qu'il y a aujourd'hui "17% de logements vacants". Une donnée qu'il nous explique tirer du site internet de la ville de Paris : "En cinq ans, la part des logements inoccupés à Paris a bondi de 3 points, passant de 14,1% à 17%", peut-on lire.
Si l'article a bien été publié en mars 2019, ces données ne concernent pas la mandature d'Anne Hidalgo. Comme l'indique le texte, sont comparées des données de l'INSEE de 2011 et de 2015, or la maire de paris n'a pris son poste qu'en 2014.
Nous nous sommes tournés vers l'INSEE pour savoir si ce taux de 17% s'était aggravé ces dernières années. Les dernières données disponibles datent malheureusement de 2016. A l'époque, on comptait 234.249 logements non occupés, autrement dit les logements vacants au sens de l'INSEE et les résidences secondaires et occasionnels, contre 223.560 en 2015 (et non 232.000 comme l'évoque l'article de la mairie de Paris). Ils représentaient donc 16,3% de l'ensemble des logements en 2015 et 17% en 2016, une légère hausse, qui ne présume pas de la tendance actuelle, ni de l'efficacité des différentes taxes appliquées depuis.
Contacté par LCI, l'équipe de Ian Brossat estime de son côté que "l'impact est très limité, ces taxes sont minimes pour les propriétaires visés qui sont très fortunés" et ne cache pas son ambition de taper plus fortement dans le portefeuille. "Que l'Etat nous donne de nouveaux outils", réclame-t-elle, notamment "un acte de décentralisation pour pouvoir mettre en place des mesures exceptionnelles au vu de la situation de Paris", des taxes plus dissuasives. La ville de Paris souhaite également un "droit de réquisition". "Nous avons plusieurs immeubles inoccupés depuis des années et l'on ne peut rien faire, soupire-t-on. Nous écrivons tous les mois au préfet mais la loi ne permet de réquisitionner un bien que lorsque le propriétaire est d'accord".
D'autres villes françaises tentent également de lutter contre ce phénomène : en 2018, on comptait plus de 6,5 millions de logements inoccupés sur tout le territoire, soit 18,13% du parc immobilier.
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