Rendre le masque obligatoire partout ? Dans les cafés de la rue Daguerre, "c'est hors de question"

Publié le 13 juillet 2020 à 20h03, mis à jour le 14 juillet 2020 à 17h11
Les restaurateurs face au relâchement des gestes barrières. Image d'illustration
Les restaurateurs face au relâchement des gestes barrières. Image d'illustration - Source : istock / Natalie_magic

REPORTAGE – Impuissants face au relâchement constaté dans leurs établissements, les cafetiers et restaurateurs renvoient la balle au gouvernement pour réaffirmer les règles quant au port du masque. Alors l'idée d'une obligation de celui-ci "dans tous les lieux clos" comme l'annoncé Emmanuel Macron, laisse sceptique.

"Le relâchement est concret aujourd’hui. Au début, les gens demandaient s’ils pouvaient rentrer. Aujourd’hui, c’est autre chose… ", avance Zine, responsable du café Le Bouquet à l’angle de la rue Daguerre, sans terminer sa phrase. Dans cette artère commerçante, l’une des plus animées du sud de Paris, des riverains sont attablées aux terrasses, profitant des rayons du soleil. Aucun ne porte un masque. Face à la distance prise par les Français avec les gestes barrières, des médecins ont alerté dimanche 12 juillet sur la nécessité de durcir les règles en rendant le masque obligatoire dans les lieux publics clos. Lors de son interview du 14-Juillet, le président de la République a annoncé qu'il souhaitait que cette obligation soit effective dès le 1er août.

Un bout de tissu de plus en plus rare

Si les commerces sont libres de fixer leurs règles, les restaurants obéissent pour l'heure au même protocole sanitaire établi à leur réouverture le 2 juin dernier. Concrètement, le masque doit être porté par l’ensemble du personnel en salle et en cuisine et les clients doivent s’en munir pour se déplacer à l’intérieur de l’établissement. Pourtant, ce bout de tissu se fait de plus en plus rare dans les cafés, bars et brasseries et les restaurateurs assistent au relâchement de leur clientèle, entre impuissance et lassitude. 

"On n’est pas là pour faire la police", confie Henri*, manager d’un café d’une grande chaîne parisienne, situé au bout de la rue Daguerre. "Quand le restaurant est complet, qu’on est débordés, on ne s’amuse pas à rappeler à l’ordre chaque client ou mesurer l’espacement entre les tables." Et entre l’absence du masque ou le déplacement des tables pourtant espacées d’un mètre pour que s’agglutinent les groupes d’amis, "ça devient vite ingérable" pour le restaurateur.

Le port généralisé du masque, hors de question

"C’est compliqué d’appliquer la loi à la lettre", explique Zine du Bouquet, qui avoue ne pas bien savoir ce qui est permis ou non aujourd’hui : "Dedans, dehors, au comptoir, pas au comptoir… A quoi ça sert de le mettre quand on va aux toilettes si on ne le met pas quand on est assis ?" Contactée, l’Union nationale des métiers et des industries de l’hôtellerie (Umih) rappelle avoir mis en place des "affiches très claires" incitant au port du masque aussi bien pour les personnels que les clients et estime que c’est maintenant au gouvernement de réaffirmer "le message du masque obligatoire".

Le responsable du Bouquet se dit quant à lui prêt à fermer de nouveau l’intérieur de son établissement si la situation sanitaire l’imposait. Mais généraliser le port du masque, c'est hors de question : "On ne peut pas imposer aux clients de mettre un masque dans un restaurant." Une vision partagée par Henri, de l’autre côté de la rue : "S’il y avait un décret, on n’aurait pas le choix mais ce serait complètement absurde de le faire porter aux gens qui mangent et boivent à table. C’est impossible. On ne va pas percer un trou dans les masques pour y faire passer les pailles quand même."

Plus loin dans la rue, à l’intérieur d’un café vide, Clément* s’affaire devant le comptoir. A visage découvert, il avoue "détester" porter un masque et ne comprend pas pourquoi celui-ci est obligatoire en permanence pour le personnel et pas pour les clients : "Ils ne se déplacent pas eux, peut-être ? Si vous l’imposez, vous l’imposez à tout le monde". Cela fait un moment d’ailleurs qu’il ne prend plus la peine de masquer son visage pour servir les clients, tout comme sa collègue Marjorie*, derrière le bar. "C’est idiot, ils auraient dû rendre le masque obligatoire partout", souffle-t-elle. "Parce que dire aux gens qu’ils en ont besoin pour aller aux toilettes mais pas en terrasse ou dans la rue, c’est idiot. Résultat, plein de clients n’ont pas de masque sur eux." Pour l’instant, l’établissement n’a jamais subi de contrôle. 

*Les prénoms ont été modifiés


Caroline QUEVRAIN

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